ET de deux! La menace de scission au sein de la Chambre nationale du notariat moderne du Maroc (CNNMM) s’est finalement concrétisée. Depuis une semaine, une nouvelle association professionnelle est née. Elle est baptisée Conseil national des notaires du Royaume du Maroc (CNNRM).
A l’origine de la scission: les dernières élections pour le renouvellement du conseil d’administration de la CNNMM, organisée dans la nuit du 5 au 6 décembre (cf. www.leconomiste.com). Selon Amine Fayçal Benjelloune, président sortant de la CNNMM, «le scrutin s’était déroulé dans des conditions anormales». Pour la première fois, les notaires ont eu recours à un système de vote électronique. Un dispositif qui a finalement buggé malgré les assurances du président de la Chambre régionale des notaires de Rabat. De plus, «des candidats totalisant trois mandats consécutifs ont participé au scrutin», explique Abdelmajid Bergach, membre fondateur du CNNRM. Or, une disposition statutaire interdit bien d’assurer trois mandats consécutifs et prévoit un délai de deux ans pour se représenter. Autre irrégularité ayant entaché les élections, la participation de notaires qui n’étaient pas à jour dans les cotisations. «Certains n’ont pas versé leurs cotisations depuis plusieurs années», précise Benjelloun. Par ailleurs, «des confrères ont fait circuler des listes de candidats pour influer le vote et ont porté atteinte à l’honorabilité des confrères. Ce qui est hors la loi», déclare Bergach.
Toujours est-il qu’à l’issue de sa première réunion, tenue le vendredi 11 décembre, le nouveau conseil d’administration de la CNNMM a déclaré que «les opérations de vote et de dépouillement automatisées se sont déroulées conformément au règlement intérieur des élections».
Composé de 30 notaires, représentant cinq collèges électoraux régionaux, le nouveau Conseil est présidé par Ahmed Amine Touhami El Ouazzani.
Contacté par L’Economiste, Abdelmajid Bengelloun Zahr remet les choses dans leur contexte. «C’est l’ex-président lui-même qui a changé les statuts de la Chambre des notaires en 2007, en introduisant le paiement des cotisations par les membres éligibles à jour de leurs cotisations. C’est ce qui a causé le retard au moment du vote», explique Bengelloun Zahr. «C’est encore lui qui a encouragé le vote par procuration», poursuit-il. Par ailleurs, on apprend que c’est bien l’ex-président de la CNNMM qui a désigné Jalal Hikmat, président de la Chambre régionale des notaires de Marrakech, en tant que responsable de la commission électorale. Celle-là même qui a validé les élections du 5 décembre.
Pour ce qui est du bug du système de vote informatisé, utilisé pour la première fois lors d’une élection à la Chambre des notaires, «plusieurs confrères avaient bien exprimé des réserves au sujet du vote électronique», précise Bengelloun Zahr. Pour convaincre les notaires de la fiabilité du système adopté à la majorité lors de la réunion du 3 décembre, une démonstration a eu lieu le jour du vote.
Selon Bengelloun Zahr, «au total, 56 voix auraient été perdues. Ce qui n’a pas eu un impact significatif sur l’issue des élections». Par ailleurs, l’ex-président a été parmi les derniers à avoir voté cette nuit du 5 au 6 décembre. «Pourquoi n’a-t-il donc pas contesté le processus sur place en s’abstenant ?» s’interroge Bengelloun Zahr. Le vote a, selon ce dernier, valeur d’approbation.
«J’ai établi un PV descriptif détaillé de tous les événements et aucun incident ne justifie l’organisation de nouvelles élections», précise le président de la commission électorale.
Par ailleurs, le processus électoral avait été précédé d’une réunion du Conseil, qui a adopté un règlement des élections. Ce règlement prévoit, entre autres, une clause sur le contentieux. «Ainsi, toute réclamation doit être manuscrite, signée par l’intéressé et déposée auprès de la commission électorale», rappelle Hikmat. La corporation des notaires semble donc plus que jamais divisée. De nouvelles instances ont été désignées au sein de la Chambre des notaires, mais elles ne font pas l’unanimité. Raison pour laquelle la nouvelle association a été créée. «Nous ne nous considérons pas comme une association concurrente, mais plutôt complémentaire», déclare Bergach, membre fondateur. Les instances dirigeantes de la nouvelle association seront prochainement désignées par une assemblée générale constitutive.
Selon les initiateurs de la CNNRM, «la qualité de membre actif sera attribuée aux notaires, aux clercs de notaires ainsi que les employés des études». Ainsi, la population cible n’est pas la même que pour la CNNMM.
Réforme
LA scission au sein de la corporation des notaires intervient au moment où le projet de réforme n°32-09 doit être voté par la Chambre des députés. Pour rappel, le notariat est régi par un texte remontant au Protectorat.
Le projet de réforme ne fait pas l’unanimité de la profession. Des notaires estiment qu’il comporte un certain nombre de lacunes qu’il faut combler avant même son adoption par les deux chambres du Parlement. Les professionnels décrient, par exemple, le fait qu’en vertu du projet de loi, les notaires soient nommés par décret et non plus par dahir. De plus, en instituant l’Ordre professionnel des notaires, le projet de réforme ne prévoit que des prérogatives en matière normative, sans aucun pouvoir de contrôle ni de discipline. Autre lacune relevée par les notaires stagiaires: le nouveau texte les dessaisit de ce statut.
Hassan EL ARIF