Peut-on faire de la régulation dans des pays non démocratiques? «Une autorité de régulation est d’autant plus nécessaire que les médias ont encore des difficultés. Il y a 20 ans, les paysages médiatiques ont été chamboulés grâce aux lois sur la libéralisation de la presse écrite et de l’audiovisuel. C’est le cas de l’Europe centrale après la chute du mur de Berlin», rétorque Hugo Sada, délégué à la paix, à la démocratie et aux droits de l’homme auprès de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Ce qui revient à dire que démocratie, liberté des médias et régulation sont liées.
C’est pourquoi l’OIF, qui fêtera ses 40 ans en 2010, vient de publier une étude inédite sur «l’état de la régulation des médias dans l’espace francophone». Elle a été présentée, le 16 novembre à Marrakech, lors de la 1re Conférence du Réseau francophone des régulateurs médias. C’est d’ailleurs, la Haute autorité de la communication audiovisuelle (Haca), via Ahmed Ghazali, qui en assure la présidence (www.leconomiste.com).
Cette étude, réalisée à partir de Dakar, vise à «dresser un état des lieux et une typologie des régulateurs francophones, à identifier ensuite les bonnes pratiques et obstacles et à définir les indicateurs d’une régulation efficiente et indépendante…», selon le chargé d’étude, Renaud de la Brosse.
Une fiche de 83 questions a été adressée à cinquante pays en Afrique, Moyen-Orient, Caraïbe, Asie et Amérique. Le taux de retour est de 72 %, soit 36 régulateurs ont répondu. Des données sur le statut, la composition, les attributions. Même les moyens matériels, financiers et humains sont pris en compte. Ces informations renseignent par exemple sur la fiabilité, la pertinence et l’efficacité de la régulation audiovisuelle (voir page 5). L’on saura ainsi qu’au Togo, au Burundi ou en Mauritanie, on a fait le choix d’une instance de régulation chargée à la fois de l’audiovisuel et de la presse. Une option qui, au Maroc, a été écartée par le Dahir du 31 août 2002 créant la Haca. Son président n’est d’ailleurs pas très enclin à adopter cette voie. D’autant plus que la Fédération marocaine des éditeurs de journaux plaide pour une autorégulation via un conseil de la presse.
Par ailleurs, l’étude sur la régulation constate une «grande disparité» entre pays et zones francophones, qu’il s’agisse des textes réglementaires, des lois ou de la pratique. Ce qui par conséquent rejaillit sur les compétences: «des régulateurs agissent exclusivement sur les médias publics et/ou privés; interviennent dans l’audiovisuel, la presse ou l’un d’eux uniquement; se contentent d’assurer l’accès égal aux médias d’Etat…». Souvent l’indépendance de ces autorités administratives est de façade, particulièrement en Afrique. Au Congo Brazzaville, «le ministère de l’information met souvent le Conseil supérieur de la liberté de la communication devant le fait accompli lorsqu’il s’agit d’octroi de licences», témoigne son président, Jacques Banangandzala.
Faiçal FAQUIHI