Travailler chez soi a tout pour plaire. Fini le stress et les embouteillages, gérer son temps à sa guise… Autant d’avantages, mais certains facteurs sont à prendre en considération avant de se lancer. En effet, travailler à domicile comporte des inconvénients: gestion du temps de travail, autodiscipline, espace restreint pour l’expansion de l’activité, isolement par rapport à ses partenaires…
Financièrement, il semble intéressant de domicilier son entreprise chez soi, au moins le temps que cette dernière devienne rentable: économies sur les loyers des locaux, et dans les déplacements. Cependant, créer sa boîte chez soi nécessite quelques clefs pour bien démarrer. Une fois définis le projet et toutes ses composantes (marché, objectifs, financement…), il faudra choisir le statut juridique d’entrepreneur, un choix souvent déterminant dans le succès de l’entreprise.
Quelle forme juridique choisir? Le statut juridique peut prendre soit la forme individuelle, soit la forme sociétaire (Sarl, SA, SNC…), explique Nadia Atikeddine, directrice du département juridique du cabinet Fidupartner. Mais, selon que vous créez une entreprise personnelle ou une société, les formalités seront différentes, le coût aussi. L’entreprise personnelle est le plus simple des statuts. Pas d’associé, pas d’inscription à l’IS mais à l’IR, pas de capital minimal exigé… Vous devenez tout simplement une personne physique non salariée et vous pouvez exercer toutes sortes d’activités (artisanales, commerciales…). Il suffit de s’inscrire à la patente, établir les statuts de la société et de s’immatriculer au registre de commerce. Aucun capital minimum n’est exigé, par conséquent pas de dépôt en banque des fonds de souscription et de délivrance d’une attestation de blocage (formalités qui concernent les sociétés de capitaux, en particulier la SA et la Sarl), ni de déclaration de souscription et de versement. Pour l’entreprise individuelle n’optant pas pour une enseigne, la formalité du certificat négatif n’est pas obligatoire. Ce sont donc des frais de timbre et de recherche en moins. Elle est aussi exonérée des frais d’enregistrement et de timbre ainsi que du dépôt des statuts. L’entrepreneur n’est pas tenu d’établir les bulletins de souscription et le cas échéant des actes d’apport.
L’inconvénient est qu’il n’y a aucune distinction entre le patrimoine personnel et professionnel et la responsabilité est illimitée en cas de difficulté financière. A la limite, l’entrepreneur peut même utiliser son propre compte bancaire pour son entreprise. Cependant, la société, dotée d’une personnalité juridique distincte de l’entrepreneur, possède son propre patrimoine et ses propres comptes. La responsabilité de l’entrepreneur est limitée au montant du capital, sauf dans les sociétés en nom collectif. Mais les frais de constitution sont beaucoup plus lourds.
Peut-on domicilier la société chez soi si on n’est pas propriétaire du logement? Il n’est possible de domicilier votre entreprise chez vous que si vous êtes propriétaire. Ce qu’il faut justifier auprès de l’administration fiscale pour l’inscription à la taxe professionnelle, par la production d’une copie de l’acte d’achat ou du certificat de propriété datant de moins de trois mois plus une copie d’un avis ou de quittance de paiement de la taxe d’habitation et la taxe de services communaux de l’année en cours, explique Atikeddine. Lorsqu’on est locataire, l’entrepreneur ne peut pas domicilier son affaire dans la maison de location car le contrat de location stipule la nature du bail qui est un bail à usage d’habitation. «Il s’agira dans ce cas de sous-location», précise Mohamed El Korichi, DG du cabinet Maroc Evolution.
Cependant, le règlement de la copropriété pose certaines contraintes en cas de nécessité de stockage de marchandises chez soi. Selon ce règlement, ne sont tolérées que les fonctions «support», qui n’entraînent pas de nuisances au voisinage. Si l’entrepreneur a besoin pour son activité de ramener de la marchandise chez soi, il doit obtenir au préalable l’accord de tous les co-propriétaires.
Quel statut fiscal? Il n’existe pas de statut fiscal particulier, l’entreprise individuelle s’inscrit à l’IR et toutes les autres formes de sociétés à l’IS. «Mais la domiciliation a un caractère provisoire et les textes de réglementation stipulent sa durée pour 6 mois, mais dans l’usage, l’entreprise reste domiciliée au-delà de cette durée», révèle Nadia Atikeddine. Selon le code de recouvrement des créances publics, en cas de cessation d’activité ou d’incapacité de rembourser ses dettes, l’article 93 stipule que «les rôles d’impôts, états de produits et autres titres de perception régulièrement mis en recouvrement sont exécutoires contre les redevables qui y sont inscrits, leurs ayants droit, leurs représentants ou toutes autres personnes auprès desquelles les redevables ont été élu domicile fiscal avec leur accord».
Peut-on protéger son patrimoine? Cela dépend du statut juridique de l’entreprise. Si l’entrepreneur choisit l’entreprise individuelle, celle-ci s’identifie totalement à sa personne, d’où une confusion des patrimoines civils et commerciaux et un engagement de ses biens personnels. Mais quand l’entreprise est de forme sociétaire, la responsabilité est limitée aux apports de l’associé en excluant ses biens propres (à l’exception de la SNC dont les associés répondent indéfiniment et solidairement du passif social), explique Atikeddine. En cas de saisie, seuls les biens qui sont au nom de la société seront concernés tandis que dans l’entreprise individuelle, les biens personnels sont également saisis, précise le DG Maroc Evolution. La solution est celle de la séparation des biens avec le conjoint.
Peut-on employer des salariés? «L’entrepreneur peut employer des salariés et ce, conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi 65-99 relative au code du travail», précise Nadia Atikeddine. L’article stipule que «les dispositions de la présente loi s’appliquent également… aux salariés travaillant à domicile».
Jihane Kabbaj