VEFA : une loi inapplicable, les propositions d’amélioration des professionnels

VEFA : une loi inapplicable, les propositions d’amélioration des professionnels

Publié le : - Auteur : Medias24

La loi 107-12 sur la VEFA est loin de satisfaire les professionnels du secteur immobilier. Lors d’un webinaire, ce mardi 9 juin, notaires, avocats et promoteurs ont expliqué ses failles et proposé des améliorations.

La VEFA (vente en l’état futur d’achèvement) est, en principe, un procédé attrayant, tant pour les promoteurs immobiliers que pour les acquéreurs.

Pourtant, la loi relative à la VEFA, dans sa première et seconde mouture, demeure inapplicable. Seule la vente sur plan non encadrée par la loi demeure largement pratiquée, avec tous les risques qu’elle fait courir aux acquéreurs.

Quels sont les éléments qui en bloquent le fonctionnement de la VEFA ? Par quels moyens y remédier ?

Voici les réponses de notaires, promoteurs immobiliers et avocats. Des professionnels du secteur immobilier qui ont participé au webinaire organisé par « Injaz Solutions » ce mardi 9 juin 2020.

Loi sur la VEFA: inspirée de la France, inapplicable au Maroc

Selon Maître Ratiba Sekkat, la VEFA est « une notion récente dans le droit marocain. Elle a été introduite au D.O.C en 2002, à travers la loi 44-00 qui est une loi mort-née. Celle-ci n’a jamais été appliquée. Il fallait l’amender afin de la rendre accessible à tous ».

Une nouvelle loi datant de 2016, relative à la VEFA a vu le jour. Il s’agit de la loi 107-12 qui est largement inspirée du modèle français.

Or, le système foncier marocain, qui s’inspire du modèle australien, repose sur les droits réels, contrairement au système français qui, lui, repose sur les droits personnels.

En France, le transfert de propriété, dans le cadre de la VEFA, se fait de manière progressive. Or, selon la législation marocaine, le transfert de propriété ne se concrétise qu’à l’achèvement des travaux, via l’inscription du contrat sur les livres fonciers.

Cela explique pourquoi la VEFA fonctionne si bien en France, alors qu’au Maroc elle peine à s’implémenter.

Les problématiques liées à la loi 107-12

« Il est question de mettre en place un cadre qui protège l’acquéreur. Il est important que la loi respecte certains prérequis qui ne font pas partie du texte tel que rédigé aujourd’hui », déclare Amine Guennoun, DG à « Saham Immobilier ».

Pour ce dernier, cette loi pose essentiellement 4 grands problèmes :

Le premier découle de l’impossibilité du transfert progressif de propriété.

« L’engagement d’un client permet au promoteur de garantir à tous les autres acquéreurs la réalisation du projet. Sans transfert de propriété, le client peut se rétracter. Cela met en danger le reste des acquéreurs. C’est pour cela qu’on parle d’un écosystème ».

Le second est lié au fonctionnement hétérogène du système financier.

« La VEFA exige un fonctionnement particulier du système financier. Celui-ci doit être défini pour que cette loi soit applicable. Par exemple, il faudrait que toutes les banques aient le même système de garantie et qu’elles acceptent, entre elles, un même système de caution. Or, les banques ne se parlent pas avec le même langage. Cela constitue une des difficultés liées au système financier ».

Le troisième élément problématique, évoqué par Amine Guennoun, porte sur l’impact des procédures administratives sur les délais d’achèvement.

« En France, lorsqu’un promoteur s’engage, il le fait sur la base d’un délai qui lui incombe. Ce n’est pas le cas où Maroc, puisque le promoteur est face à une responsabilité liée à un élément exogène. Je ne jette pas la balle à l’administration mais c’est une réalité ».

Enfin, M. Guennoun estime que la loi 107-12 ne tient pas compte de la nature de certaines transactions immobilières.

 » La VEFA, telle qu’elle est établie aujourd’hui est pensée à la française. Elle ne peut convenir qu’à des montants importants dans le moyen et haut standing. Au Maroc, 80% des transactions sur plan concernent le logement économique ou équivalent. Nous parlons donc de petites sommes et de clients qui n’ont pas forcément les moyens de financer les avances de la VEFA ».

« L’acquéreur est la partie la plus faible du contrat« 

« Je ne crois pas à la notion d’équilibre. Je pense qu’il y a toujours une partie qui est plus faible que l’autre et qui a donc besoin de plus de protection. Dans ce cas, il s’agit de l’acquéreur », explique Maître Bassamat Fassi Fihri, avocate au barreau de Casablanca.

Pour illustrer les différents cas où l’acquéreur se retrouve sans bien et sans argent, Me Fassi Fihri a évoqué quelques affaires ayant défrayé la chronique, la plus récente étant l’affaire « Bab Darna ».

Selon la législation marocaine, « la conséquence de l’annulation d’un contrat est de replacer les parties dans la situation dans laquelle elles étaient avant sa conclusion. De ce fait, le promoteur est condamné à rembourser. Mais la procédure prend beaucoup de temps. En France, un promoteur qui ne respecte pas le texte de la VEFA écope de 2 ans de prison ferme », précise l’avocate.

Cela dit, cette loi ne protège pas le promoteur -de bonne foi- qui respecte ses engagements dans les temps impartis.

« La loi prévoit que le client puisse se désister facilement, même si le promoteur respecte ses engagements. C’est un énorme problème à régler », réclame Amine Guennoun.

Changements en perspective: le ministère rassure

L’importance du transfert progressif de la propriété a été, durant ce webinaire, relevée à plusieurs reprises. S’agit-il de la solution idéale ?

Pour Maître Mohamed Benjelloun Benkacem, notaire à Casablanca : « Importer le transfert progressif de propriété ne vas pas garantir l’achèvement. Il faut arriver à un produit de garantie d’achèvement ».

Cela dit, l’aspect technique et juridique relatif à la différence entre « garantie d’achèvement » et « caution » n’a pas été pris en compte par le décret d’application de la loi 107-12. C’est ce que souligne Amine Guennoun.

En janvier dernier, un projet de décret relatif aux conditions et modes de présentation des garanties pour la restitution des échéances payées en cas de non-exécution du contrat de VEFA, a été contesté par les professionnels.

En direct, et tel que rapporté par l’animateur du webinaire et journaliste Faïçal Tadlaoui, le ministère de l’Habitat assure qu’une « nouvelle version du décret relatif aux garanties d’achèvement et de restitution des avances a fait l’objet d’une large concertation avec tous les concernés. Une version améliorée qui répond aux attentes formulées leur a été transmise ».

Pour que cette loi dite « inapplicable » ne le soit plus, il convient de combler les vides juridiques mis en exergue lors de ce webinaire.

A la lumière des explications de ces professionnels, les principaux éléments à mettre en place seraient :

-adopter le transfert progressif de la propriété en réformant la loi sur l’immatriculation foncière;

-mettre en place une garantie d’achèvement pour protéger les intérêts de l’acquéreur;

-harmoniser le fonctionnement du système financier, dans le cadre de la VEFA notamment en termes de garanties;

-alléger et simplifier les procédures administratives afin de permettre aux promoteurs de mieux respecter les délais d’achèvements sur lesquels ils s’engagent;

-prévoir des sanctions plus sévères à l’égard des promoteurs qui ne respectent pas le texte de la VEFA;

-protéger les intérêts du promoteur qui respecte ses engagements en durcissant les conditions de désistement de l’acquéreur.

Par : Sara Ibriz

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