Trop de lacunes dans le droit syndical actuel Entretien avec Jamal Rhmani, ministre de l'Emploi

Trop de lacunes dans le droit syndical actuel Entretien avec Jamal Rhmani, ministre de l'Emploi

Publié le : - Auteur : L'Economiste

– L’Economiste: La recherche du consensus ne risque-t-elle pas de paralyser les projets sur la grève et sur les syndicats?

Jamal Rhmani: En matière sociale, le tripartisme est un processus démocratique d’adoption de décisions et de réflexion sur les questions du travail et les législations sociales. D’ailleurs le code du travail a été élaboré et adopté de manière consensuelle. Cette démarche qui résulte du dialogue social est toujours pratiquée dans les rapports entre les pouvoirs publics et les partenaires sociaux.
La question de la réglementation de l’exercice du droit de grève est fondamentale pour les organisations syndicales. La grève est l’un des instruments essentiels de leur action collective et un procédé de lutte sociale. Elles craignent sa limitation, or ce n’est pas le cas, car le projet ne vise pas à limiter l’exercice de la grève mais à le rationaliser par la mise en place de conditions et de procédures organisant le déclenchement et le déroulement de la grève.

– Quelles garanties offrez-vous?

– Ce projet est composé de règles fondamentales résultant du droit comparé, de la doctrine et de la jurisprudence dégagées par les organes de l’Organisation internationale du travail (OIT). Ainsi il sera difficile pour les organisations professionnelles de ne pas adhérer à ces règles qui figurent dans la quasi-totalité des législations modernes comparées et qui sont conformes aux éléments jurisprudentiels dégagés par les organes compétents de l’OIT.
En dépit de cela, le gouvernement est disposé à prendre en considération toute observation pertinente qui acquiert l’assentiment de tout le monde. C’est dans cette optique et suite aux engagements enregistrés dans le PV du dialogue social signé avec les syndicats que le gouvernement a délivré à ses partenaires sociaux et économiques les deux versions des projets de loi sur la grève et sur les syndicats pour avis.
Le prix de la démocratie et surtout dans le domaine social demande d’approfondir le débat entre les partenaires sociaux économiques. Je pense et je reste convaincu qu’après toutes les avancées que le Maroc a enregistrées, nous allons arriver ensemble à un consensus sur ces projets.

– Dans le projet de loi organique sur la grève, qu’est-ce qui permettra d’éviter les grèves sauvages et d’assurer la liberté du travail?

– Dans le projet de loi organique déterminant les conditions et les modalités de l’exercice du droit de grève, il y a un équilibre entre le libre exercice du droit de grève et l’obligation du respect de la liberté du travail. Les employeurs sont tenus de respecter le libre exercice de la grève et de ne pas l’entraver. De même, les syndicats et les travailleurs doivent respecter la liberté du travail pour les non grévistes et la non détérioration de l’outil de production.
Le projet incrimine l’entrave à l’exercice du droit de la grève qui constitue une faute et également l’atteinte à la liberté du travail. Cette incrimination permettrait d’éviter les grèves qui peuvent être qualifiées de sauvages, même si elles sont rares, et favorise le respect de la liberté du travail. Il permettrait aussi l’abrogation de l’article 288 du code pénal qui réprime l’atteinte à la liberté du travail.

– Pourquoi une loi sur les syndicats?

– Actuellement il y a trois textes juridiques et un décret qui régissent la création, l’organisation et le fonctionnement et l’action des syndicats. L’une des raisons principales du projet est l’unification de la législation syndicale. Il s’agit en quelque sorte d’adopter un code syndical applicable sans discrimination à toutes les catégories socioprofessionnelles.
Par ailleurs, l’analyse et l’évaluation du droit syndical actuel montrent que ce droit est lacunaire en ce qui concerne certains aspects dont la protection de la liberté syndicale, le financement syndical, les critères et les niveaux de la représentativité, la création de l’intersyndicale, la gouvernance interne des syndicats, le détachement syndical, la valorisation du rôle des organisations syndicales les plus représentatives. Le projet de loi sur les syndicats tend donc à renforcer le statut de la liberté syndicale, à assurer son exercice effectif et à harmoniser son contenu avec les dispositions de la convention n° 87.
Rappelons que lors des rounds du dialogue social, les organisations syndicales n’ont cessé de revendiquer le renforcement de la protection des membres des bureaux syndicaux. Cette revendication est concrétisée dans ce projet.

Propos recueillis par
Khadija MASMOUDI 

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