Tribune : Pour les pertes d’exploitation, a-t-on une assurance ? Maître Bassamat Fassi-Fihri

Tribune : Pour les pertes d’exploitation, a-t-on une assurance ? Maître Bassamat Fassi-Fihri

Publié le : - Auteur : L'Economiste

Qu’est-ce que l’assurance perte d’exploitation? Cette assurance, non obligatoire, est généralement destinée à couvrir le préjudice matériel subi par l’assuré, préjudice l’ayant conduit à la fermeture de son établissement lors de la réalisation d’un évènement visé dans la police d’assurance (Les dégâts des eaux, lors d’une inondation, une catastrophe naturelle, bris de machine, incendie…).

Lorsque l’évènement se réalise, l’assureur doit le couvrir au moyen du versement d’une indemnité afin de rétablir la situation financière telle qu’elle était à l’origine.

Pas dans tous les cas

L’analyse des clauses du contrat d’assurance est essentielle, l’assuré qui a souscrit une assurance perte d’exploitation ne pourra pas être couvert dans tous les cas. Il lui appartient de vérifier les clauses d’exclusion de garanties qui y sont prévues ainsi que les risques assurés, en l’occurrence vérifier si la fermeture par suite d’une décision administrative est couverte par le contrat d’assurance.

Si les conditions sont réunies, l’assuré peut légitimement prétendre à la mise en jeu de la garantie et doit la mettre en œuvre en déclarant le sinistre à son assureur dans les formes prévues au contrat pour saisir son assureur par écrit en chiffrant son préjudice. Le recours en justice à l’encontre de l’assureur qui refuse de couvrir le dommage est nécessaire. Si les principes qui gouvernent le droit des assurances en France et au Maroc sont similaires, il existe une différence majeure entre la législation française et marocaine quant à la compétence matérielle du juge des référés.

En France, la procédure référé provision est une procédure spécifique, rapide confiée à un juge unique, qui statue de façon urgente à la condition que la mesure sollicitée ne se heurte à aucune contestation sérieuse c’est-à-dire que la solution d’allouer une provision au demandeur lui apparaît évidente.

Cette décision est exécutoire même en cas d’appel, mais ne tranche cependant pas le fond du litige. Le juge des référés ne peut pas interpréter les clauses contractuelles. En ce sens, la décision rendue en faveur du restaurateur français n’interprète pas les clauses du contrat d’assurance qui le lie à Axa Assurance, la question de l’interprétation des clauses du contrat relevant de la compétence des juges du fond.

Procédure chère et lente

Le recours contre l’assureur, procédure longue et coûteuse pour l’assuré qui désire obtenir réparation. Il doit déposer une assignation en paiement devant le juge du fond.

Ce dernier recourt dans la quasi-totalité des cas à la désignation d’un ou plusieurs experts judiciaires pour évaluer le préjudice allégué et à des contre-expertises lorsque les conclusions des premiers experts sont contestées, les chargeant souvent d’examiner les termes du contrat d’assurance pour vérifier si le risque est couvert alors même que les experts ne peuvent être saisis que de questions techniques et non de questions de droit qui relèvent de la compétence exclusive du juge.

La décision qui sera rendue n’est jamais exécutoire, l’appel ayant un effet suspensif.

Au-delà de la perte d’exploitation, l’assuré risque à terme la perte de son entreprise.

                                                                               

L’assurance, le virus et le restaurateur

«Le tribunal de commerce de Paris a donné raison à un restaurateur parisien qui avait assigné Axa France, après son refus d’indemniser ses pertes d’exploitation. L’assureur va faire appel». Le Monde du 21 mai 2020. L’information ne manquera pas d’ébranler les assureurs.

La décision du tribunal de commerce de Paris a fait droit au référé provision déposé par le  restaurateur, qui a été contraint à la fermeture de ses établissements, en exécution de la décision des autorités administratives, prise le 14 mars 2020. Ayant souscrit une police d’assurance auprès d’Axa Assurance, couvrant les risques d’exploitation, résultant de la «fermeture administrative imposée par les services de police ou d’hygiène ou de sécurité», il a, au vu du refus d’indemnisation de son assureur, assigné ce dernier pour mettre en jeu la garantie.

Le juge des référés a fait droit à sa demande en lui octroyant une indemnité provisionnelle de 45.000 euros pour couvrir une partie des pertes d’exploitation. Le juge a nommé un expert pour évaluer le préjudice. Axa Assurance a interjeté appel de cette décision.

                                                                               

Une commodité n’existant pas au Maroc

Le référé provision est une procédure qui a le mérite de permettre à un créancier d’obtenir très rapidement une provision sur le montant réclamé. Le juge, généralement le président du tribunal, statue dans les quinze jours de sa saisine dans le cadre d’une procédure contradictoire. Le ministère d’avocat n’est pas obligatoire.

Au Maroc, le juge des référés ne peut condamner à aucune somme d’argent, il a une compétence matérielle limitée. S’il statue également au provisoire lorsque l’issue du litige ne préjudicie pas au fond, sa compétence matérielle se limite à ordonner des mesures conservatoires, de suspension de mesures d’exécution lorsque le juge du fond est saisi de la contestation en parallèle, des mesures d’instructions comme des mesures de constat ou d’expertise…

Les assurés bénéficiant d’une couverture perte d’exploitation spécifique couvrant la fermeture d’établissement par suite d’un règlement administratif, ne pourront saisir que le juge du fond.

Par Me Bassamat FASSI-FIHRI, L’economiste

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