Après un blocage qui a duré près de deux ans, la réforme des textes relatifs à la réparation des accidents du travail (AT) est remise dans le circuit. Un projet de loi dans ce sens vient, en effet, d’être examiné par le conseil de gouvernement. Selon la direction de la prévoyance sociale au ministère de l’emploi, le projet est inscrit à l’ordre du jour du prochain conseil des ministres et sera examiné lors de la session parlementaire d’octobre 2010 pour une entrée en vigueur prévue pour début 2011.
Ce projet de texte avait été déposé, rappelons-le, en mai 2007 au Secrétariat général du gouvernement (SGG) et devait entrer en vigueur en février 2008. Un calendrier qui n’a toutefois pas été respecté en raison de la délicatesse du dossier. Le nouveau texte doit remplacer le dahir de 1963 devenu obsolète et doit introduire une plus grande transparence dans la gestion des dossiers de l’accident du travail. Le projet de loi revêt une grande importance dans la mesure où le législateur veut l’harmoniser avec les dispositions prévues dans d’autres textes, en l’occurrence le code de procédure civile, le code du travail, le code des assurances et le code de la famille.
Ainsi, pour ce qui est de la forme, les procédures de déclaration de l’accident du travail et de liquidation de la rente d’invalidité seront simplifiées. La procédure de déclaration est régie par les articles 14 à 18. Le texte prévoit en substance que la victime, ou ses ayants droit, doit faire la déclaration à l’employeur le jour même de l’accident ou au plus tard dans les 48 heures qui suivent. De son côté, l’employeur doit informer son assureur dans les cinq jours qui suivent l’accident. Cette déclaration peut être directement déposée à la compagnie ou bien transmise par lettre recommandée. Elle doit être accompagnée d’une copie du certificat médical et du procès verbal de la police judiciaire. De même, l’employeur est tenu d’en informer la délégation régionale du travail dans un délai de cinq jours après la déclaration faite à la compagnie d’assurance.
La procédure de conciliation ne pourra pas faire l’objet d’un recours judiciaire
Le deuxième apport important du projet concerne le règlement à l’amiable des accidents du travail. Dans les articles 132 à 138, le projet prévoit, dans une première étape, que l’assureur de l’employeur adresse les propositions d’indemnisation (faites par l’assureur) à la victime ou à ses ayants droit dans un délai de 60 jours après réception du certificat de reprise du travail ou du certificat de décès de la victime. Celle-ci, ou ses ayants droit, dispose d’un délai de 30 jours pour se prononcer sur les propositions. En cas d’acceptation de l’indemnisation proposée par la compagnie d’assurance, un «accord de conciliation» est signé par les deux parties. Cet accord est définitif et ne peut, selon l’article 133 du projet, faire l’objet d’un quelconque recours judiciaire. Le règlement amiable évitera le recours systématique aux tribunaux pour trancher. La procédure judiciaire demeure le dernier recours en cas d’échec du règlement amiable. Techniquement, la conciliation amiable allège, selon les assureurs, le traitement et la liquidation des AT. Un délai qui sera fortement réduit puisque la conciliation, selon le projet de réforme, se fera sur une durée ne dépassant pas trois mois. Il faut rappeler que la législation actuelle impose systématiquement le recours à une procédure devant le tribunal, ce qui donne lieu d’abord à une multitude d’expertises (celle fournie par la victime, celle, contradictoire, demandée par l’assurance et enfin, celle qui pourrait être exigée par le juge en cas de désaccord trop important entre assurés et assureurs). Résultat de cette démarche, un processus d’indemnisation qui pouvait aller jusqu’à huit ans parfois. Certes, au cours des dernières années, ce délai a été ramené, en moyenne, à trois ans, les assureurs ayant entrepris un sérieux effort de diligence dans le traitement des dossiers, mais le délai est quand même énorme.
En troisième lieu, le projet introduit une uniformisation de la pension servie aux veuves des victimes d’accidents du travail. Dans la législation actuelle, l’indemnisation varie en fonction de l’âge de la veuve. Si celui-ci dépasse les 60 ans, la veuve perçoit 50% de la rente et elle touchera 30% de la rente si son âge est inférieur à 60 ans. Le projet de réforme lui retient un seul taux, le montant de l’indemnisation des veuves sera fixé à 50% de la rente, quel que soit son âge.
Notons par ailleurs que depuis mars dernier, toutes les rentes perçues par les ayants droit et les victimes d’accidents du travail, survenus avant février 2008 et dont le taux d’incapacité dépasse 10%, feront l’objet d’une revalorisation. Le coefficient de revalorisation va de 1,20 pour les AT survenus entre 2003 et 2007 à 304,64 pour les accidents datant de 1927. Les coefficients de revalorisation n’avaient pas été modifiés depuis plusieurs années maintenant.
Statistiques :Jusqu’à 60 000 AT par an, BTP et manutention sont les plus touchés
Selon les professionnels de l’assurance, le nombre annuel des accidents du travail varie de 55 000 à 60 000 selon les années. Les secteurs du bâtiment, des travaux publics et de la manutention sont les plus touchés par les accidents du travail. Chaque compagnie traite en moyenne 6 000 dossiers par an. Le coût moyen de l’accident du travail varie de 7 000 à 30 000 DH, selon la gravité de l’accident et le taux d’incapacité.