Traduction officielle : des lois stratégiques toujours en attente

Traduction officielle : des lois stratégiques toujours en attente

Publié le : - Auteur : Media24

Le code des droits réels enfin traduit après douze d’attente injustifiée. D’autres lois non moins importantes sont placées sur liste d’attente. L’Arabe et l’Amazigh sont les langues officielles, mais la traduction des textes juridiques en langues étrangères répond à des enjeux parfois stratégiques. Et dans ces cas, tard ne vaut pas mieux que jamais.

Douze ans ! c’est la durée qui a séparé la promulgation du code des droits réels (2011) de sa traduction officielle en langue française. Cette version a été publiée début janvier au bulletin officiel, mettant fin à des années d’attente.

L’événement est salué par la communauté des juristes et par les milieux d’affaires. Le code encadre le droit des biens, de la propriété (et ses démembrements), des sûretés réelles…Un texte stratégique pour la promotion de l’investissement, domaine que le Roi Mohammed VI érige en priorité.

Le code des droits réels est la “Constitution” des transactions immobilières. C’est aussi ses failles que les “prédateurs fonciers” ont, pendant des années, exploitées pour s’accaparer des biens d’autrui. Avec, majoritairement, des victimes parmi les MRE ou des étrangers. Pour ces catégories, l’existence d’une version française n’est pas un gage absolu de sécurité, mais permet de limiter les soubresauts liés à la méconnaissance de démarches engageantes et décisives (l’acquisition d’un bien, les hypothèques etc.).

Pourquoi traduire ?

Mais si cette publication est qualifié “d’événement”, c’est surtout “en raison du caractère tardif de la publication d’une traduction officielle du Code des droits réels (CDR) dont l’importance, à plusieurs titres, n’a pas besoin d’être démontrée”, note Me Mahmoud Hassen, avocat et professeur de droit.

” La parution de sa version en langue arabe date depuis le 24/11/2011. Sa traduction officielle en langue française vient de paraître au BO du 5 janvier 2023 , avec un retard supérieur à 12 ans. C’est ce retard injustifié qui préoccupe tous les acteurs”, ajoute notre interlocuteur

La traduction n’est pas un luxe. Elle “est nécessaire pour permettre aux acteurs économiques et juridiques à l’étranger, d’accéder en toute connaissance de cause aux normes législatives et réglementaires”, poursuit Me Hassen. Il s’agit d’éviter “les risques éventuels d’une discordance qui pourrait résulter des traductions officieuses”.

“La traduction permet également aux services consulaires du Royaume de mieux assumer leur rôle, pour délivrer, un certificat de coutume, à partir d’une traduction officielle d’un texte juridique”.

Le code des droits réels débloqué, d’autres en stand by

D’autres traductions sont en attente, et pour des textes non moins importants. L’un d’eux touche aux libertés : le code de procédure pénale. La loi publiée en 2002 n’a jamais fait l’objet d’une version en langue étrangère. Ce statut quo (de 21 ans!) semble être un choix délibéré. Le même code s’apprête à subir une profonde refonte. Au sein du Secrétariat général du gouvernement – Service de l’interprétariat, on attend la promulgation de la nouvelle loi pour l’assortir d’une version en langue étrangère.

Mais comment expliquer qu’un texte comme la loi sur l’arbitrage n’ait pas fait, à ce jour, l’objet d’une traduction officielle  ? Cette loi est, certes, relativement récente (publié au en juin 2022), mais elle est au centre de la politique étatique de promotion de l’investissement.

“Ce retard n’existait pas avant. Une traduction en langue française et en langue espagnole paraissaient au BO parallèlement à la publication de la version en langue arabe. Celle-ci faisant naturellement foi devant les juridictions. Toutefois cette règle ne justifie pas un tel retard pour publier une traduction officielle au BO”, déplore Me Hassen.

Mieux vaut tard que jamais ? “Ce proverbe ne dispense pas les services administratifs concernés d’examiner les motifs de ce retard, qui s’est accumulé ces dernières années, pour faire en sorte de l’éviter dans l’avenir et de penser également à prévoir une édition spéciale du BO en anglais pour faire connaître, d’une manière plus large, le système juridique du Royaume”, répond le juriste qui exerce et plaide au Maroc, en Tunisie et en France.

L’enjeu est de taille : “faire activer la publication des traductions officielles des textes juridiques permet une ouverture plus large sur l’extérieur, et met les partenaires étrangers en mesure de mieux accéder au droit marocain”.

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