Le sujet passionne toujours et continue à faire monter la pression dans le milieu des affaires. En effet, depuis sa naissance, la loi sur la société anonyme, particulièrement son dispositif répressif, a fait l’objet de critiques virulentes. Pour les experts, le législateur est allé trop loin par rapport aux réalités du tissu économique dominé par les PME/PMI. Et c’est pour discuter des amendements (loi 20-05) de cette loi, récemment publiés au BO, qu’une journée de réflexion a eu lieu à Casablanca le 9 juillet, organisée par l’Association nationale des sociétés marocaines (Anma); cette rencontre a vu la participation de nombreux experts: professeurs universitaires, experts-comptables, avocats, responsables juridiques. Le Conseil déontologique des valeurs mobilières (CDVM) ainsi que la fonction publique étaient également représentés. «Les acquis des nouveaux amendements sont loin d’être négligeables. Nous avons effectué un grand pas vers l’assouplissement», souligne le professeur Mohamed El Mernissi, de la commission juridique de l’Anma. Il a d’ailleurs été proposé d’instituer des cellules de veille au sein des organisations professionnelles, afin de débattre des évolutions futures que pourrait connaître cette législation. Ce qui permettrait de faciliter la concertation avec les pouvoirs publics concernés. Pour rappel, les critiques ayant fustigé la loi 17-95 avaient deux fondements principaux. A savoir, sa rigidité et son formalisme excessif, ainsi que son dispositif pénal jugé trop rigoureux. «Les réformes sont insuffisantes, mais le dispositif pénal est quand même moins sévère», commente le professeur Rachid Lazrak. «Des sanctions inutiles ont été supprimées», ajoute-t-il. En effet, pas moins de dix peines d’emprisonnement ont été annulées, mais seulement pour les sociétés ne faisant pas appel public à l’épargne. La sanction pénale n’est plus doublée en cas de récidive, et certaines peines d’emprisonnement ont été remplacées par des amendes. Concernant ces dernières, celles qui existaient déjà ont fait l’objet, pour certaines, de réduction pouvant aller jusqu’à 50%. En dehors de l’aspect répressif de la loi, une amélioration, notamment au niveau des modalités de constitution, a été relevée par les experts. Ainsi, le nouveau texte a supprimé l’obligation de double publicité se situant avant et après l’immatriculation au registre du commerce. Désormais, une seule publicité est requise, après l’immatriculation. La déclaration de conformité a également été supprimée. Concernant le fonctionnement de la société, l’allégement des formalités est notable dans d’autres aspects. Ainsi, les SA faisant appel public à l’épargne ne sont plus contraintes de publier l’avis de convocation des assemblées générales ainsi que les états de synthèse au bulletin officiel, comme c’était le cas auparavant. Il suffira de faire ces publicités dans un journal d’annonces légales. Autre axe important, la redéfinition des pouvoirs au sein de la SA à conseil d’administration. Il est désormais possible au conseil d’administration d’opter pour un mode de direction fondé sur une formule faisant la distinction entre un président et un directeur général. Depuis le 16 juin dernier, date d‘entrée en vigueur de la loi 20-05, les SA peuvent choisir entre deux formules : soit garder l’ancien système dans lequel les pouvoirs du président et ceux du DG sont confondus, soit opter pour la dissociation. Dans tous les cas, le CA peut choisir de revenir à l’une ou l’autre formule. Concernant l’option dissociative, le rôle du président n’est pas que formel. Ses pouvoirs consisteront dans la représentation du CA, ainsi que l’organisation et la direction de ses travaux. En outre, il doit veiller au bon fonctionnement des organes de la société, et s’assurer que les administrateurs sont en mesure d’accomplir leur mission. Parallèlement à cela, le DG sera le véritable représentant de la SA auprès des tiers. Il disposera des pouvoirs les plus étendus à cet effet. Le CA fixe sa rémunération, et peut nommer un ou plusieurs directeurs délégués pour l’assister. Les pouvoirs du CA ont été redéfinis de manière a ce qu’ils ne soient plus confondus avec ceux du président. Ainsi, dans la nouvelle mouture, le Conseil détermine les orientations relatives à l’activité de la société et prend les mesures nécessaires à leur réalisation. En outre, il diligente les opérations de contrôle et de vérification qu’il estime pertinentes. Les actionnaires ont connu un renforcement de leurs droits, notamment à travers la prise en considération du facteur distance. Il est désormais possible pour les membres du conseil d’administration d’assister via la visioconférence aux réunions de ce dernier. L’identification suffisante des participants est requise, ainsi que leur participation effective et l’enregistrement sécurisé des débats. Par contre, la présence physique des membres du CA, du conseil de surveillance (CS) ou du directoire est obligatoire pour certaines questions spécifiques, à savoir la nomination du président du CA ou du CS, ou des membres du directoire, la nomination du ou des DG ainsi que de leurs délégués, et enfin, l’examen des comptes annuels. En outre, concernant les AG des SA faisant appel public à l’épargne, il est désormais possible de voter par correspondance ou de se faire représenter par des sociétés spécialisées en gestion des valeurs mobilières. Par ailleurs, il suffit dorénavant d’un seuil minimum de 5% (au lieu de 10 auparavant) de détention du capital pour récuser un commissaire aux comptes. Ce dernier a l’obligation de dénoncer au CDVM toute irrégularité constatée durant sa mission. Le gendarme boursier voit également son autorité de contrôle renforcée, puisqu’il pourra également récuser le commissaire. Décrets d’application Globalement, si les amendements sont en vigueur depuis le 17 juin, des décrets d’application sont encore nécessaires. Ils porteront sur le contenu du rapport du commissaire aux comptes concernant les conventions réglementées, la suppression du droit préférentiel de souscription, et le prix d’émission en cas de suppression de ce droit. Deux autres points seront également sujets à décret, à savoir les mentions dans le bulletin de souscription, ainsi que le contenu du formulaire de vote par correspondance. Transparence L’un des principes mondiaux de la gouvernance d’entreprise est la transparence. Celle-ci a été également soulignée dans les amendements. Ainsi, l’autorisation préalable du CA pour les conventions réglementées est nécessaire à partir de 5% de détention de capital. En outre, l’interdiction de contracter un emprunt ou de se faire cautionner par la société s’applique également aux autres personnes morales sous son contrôle. En outre, les actionnaires ont droit à une information complète, notamment à travers l’enrichissement du rapport de gestion émanant du CA. Adam Berrada |
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