A Midelt, le juge des référés interdit à une administration fiscale d’accéder aux sources d’un média local. L’article 5 du Code de la presse consacre le secret des sources et ne prévoit que deux exceptions à ce principe.
Même calomniée, une administration publique ne peut pas accéder aux sources d’un journal. C’est la leçon tirée d’une ordonnance émise récemment par le tribunal de première instance de Midelt.
Une décision qualitative dans une petite affaire. Rendue en référé, l’ordonnance date du 30 mars 2021. Le juge devait statuer sur une requête initiée par une branche de la Direction des impôts contre Midelt TV, un média local.
Sur Facebook, cette page à contenu journalistique, doublée d’une chaine sur Youtube, est suivie par plus de 100.000 abonnés. On lui reproche la publication d’une “correspondance” “attribuée” à l’un de ses agents accusé de dérive administrative, ce que le requérant assimile “à de fausses informations”.
Il est ainsi demandé au tribunal de mandater un huissier de justice pour effectuer un “constat et audition” afin d’authentifier les “allégations” contenue dans la publication. Une opération qui nécessite le déplacement au siège de la “chaine” pour y auditionner son responsable sur “la nature des preuves” qui ont motivé la diffusion de l’information. Mais aussi, fait curieux, sur “l’identité de la personne” à l’origine de ces informations.
La requérante insiste: La publication contient des “allégations mensongères visant à altérer la réputation de l’administration et de ses fonctionnaires.” Son contenu sera d’ailleurs plus tard supprimé par la page en question.
Qu’en dit le juge des référés?
En matière civile, le tribunal ne statue pas au-delà de ce qui a été demandé. Dans cette affaire, il n’avait pas pour vocation de dire si le journal a oui ou non diffamé l’administration, car ce n’était pas l’objet de la requête qui revêt un caractère civil. En revanche, il a été demandé au juge de désigner un huissier pour auditionner les responsables du journal sur les “preuves” et “les sources” de la publication…
Or, “telle qu’elle a été déposée, la requête a pour objet de questionner un support médiatique pour communiquer les sources à l’origine d’une information publiée sur sa page électronique. Ce qui contrevient à l’article 5 de la loi n° 88.13 relative à la presse et l’édition, lequel interdit la divulgation des sources excepté deux cas dont ne fait pas partie l’objet de la demande”, tranche le juge des référés.
Ici, le magistrat livre une lecture stricte de l’article 5 qui “garantit” le “secret des sources de l’information”. Celles-ci “ne peuvent être divulguées qu’en vertu de décision judiciaire” et dans deux situations citées à titre limitatif. Il s’agit, primo, des “affaires relatives à la défense nationale et la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat.” Et, secundo, des “affaires relatives à la vie privée des personnes, sauf lorsqu’elle est en rapport direct avec la vie publique”.
Pour l’administration concernée, ce sera donc un rejet net et sans bavure de la demande. L’ordonnance a été rendue le jour même du dépôt de la requête.
Nous n’avons pas pu établir si, parallèlement à ce dossier, elle a soumis une autre demande cette fois-ci au pénal. Dans tous les cas, la publication contestée a été supprimée.