Un avocat condamné à dédommager son client pour des négligences dans un procès perdu. Pour la Cour de cassation, la responsabilité de l’avocat joue même s’il n’a pas reçu ses honoraires.
L’avocat n’est pas tenu de gagner un procès. En revanche, ses « négligences » peuvent engager sa « responsabilité » dès lors qu’elles portent atteinte aux intérêts du client. Même quand le client est mauvais payeur ! Dans un arrêt de principe, la Cour de cassation marocaine vient de consacrer cette règle qui trace les contours de la relation entre les robes noires et les justiciables.
La décision a été prononcée le 21 juillet 2020. Comme à l’accoutumée, sa copie n’a été que plus tard (Février 2021 en l’occurrence).
Le litige oppose un commerçant à son ex-avocat. Quelques années plus tôt, ce dernier avait assisté son client dans un dossier de bail portant sur un local commercial, dont le client se verra évincé par décision judiciaire après échec d’une conciliation.
Les deux protagonistes se retrouveront devant le tribunal de première instance. Cette fois-ci en tant qu’adversaires. Objet de la discorde : Le client reproche à l’avocat son manque de diligence dans l’affaire du bail, et lui impute la tournure négative du procès.
En gros, l’avocat aurait omis d’introduire, dans les délais légaux, une contestation liée aux « motifs du congé » adressé par le bailleur du local (la ville de Meknès). Le congé est l’acte par lequel un des cocontractants manifeste sa volonté de résilier le contrat. Dans le cas d’espèce, le bailleur accusait le commerçant d’avoir modifié unilatéralement le bien loué. Autre grief, l’avocat n’aurait pas déposé un document décisif en phase d’appel. Cette pièce, pourtant communiquée par son client, prouverait que le bailleur a autorisé par « écrit » la modification du local.
Résultat des courses : Le commerçant s’est vu forclos de son droit, entre autres, de réclamer une indemnité pour éviction et pour perte du fonds de commerce, sachant qu’il sous-louait le bien à d’autres commerçants. D’où un préjudice évalué à 200.000 DH, montant que l’avocat sera condamné à payer par un jugement de première instance, confirmé par la Cour d’appel en juin 2019.
Durant les différentes phases du litige, l’avocat rejettera la responsabilité sur son client auquel il reproche, notamment, d’avoir rechigné à lui régler « les honoraires ainsi que les frais de justice ». Ce même argumentaire est repris devant la Cour de Cassation.
Honoraires ou non, l’avocat devait agir
Entre l’avocat et le client, la plus haute juridiction du Royaume a tranché.
En tant qu’avocat, ce dernier devait « contester les motifs du congé et réclamer des indemnités d’éviction et de perte du fonds de commerce » au profit de son client. Il devait diligenter ses démarches dans un délai de deux ans – sous peine de forclusion – à compter de la constatation, par décision judiciaire, de l’échec de la conciliation, estiment la Cour.
Pour les sages, l’avocat est « contractuellement » responsable vis-à-vis du client. Il répond des « violations aux devoirs qui pèsent sur lui, tenant notamment au » dépôt des actions dans les délais légaux » ainsi qu’à la conduite du contentieux.
Détail important : L’avocat doit observer ses obligations qu’il ait reçu ou non l’intégralité de ses honoraires, estime la Cour de cassation. Car, juridiquement, il aura toujours la possibilité de réclamer sa créance, tranche la juridiction de droit, rejetant ainsi le pourvoi de l’avocat.
Pour rappel, la loi régissant la profession astreint l’avocat à « conduire jusqu’à son terme l’affaire dont il est chargé. » S’il décide de ne pas poursuivre sa mission, il ne peut se déconstituer, qu’à charge de le faire connaître à son client par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au dernier domicile connu en temps utile pour lui permettre de pourvoir à la défense de ses intérêts. »