En matière de protection pénale de la vie privée, Abdellatif Ouahbi compte sur la sévérité du projet de Code pénal pour mettre fin aux abus. La capture et la diffusion de photographies prises dans un lieu public sans le consentement des personnes concernées, seront incriminées.
Lire l’article sur le site de l’auteur
Invité de la Fondation Lafqui Titouani le 2 novembre dernier, le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a réagi aux problématiques récurrentes liées à la protection de la vie privée des citoyens. Il a annoncé, lors de cet événement, que le projet de Code pénal en cours d’élaboration par le ministère de la Justice se dirigeait vers la sévérité en matière de protection pénale de la vie privée.
“Je ne comprends pas qu’un citoyen qui marche dans la rue soit photographié. C’est sa vie privée (…). L’intimité du citoyen doit être respectée”, a déclaré le ministre, citant des exemples de vidéos diffusées sur internet, notamment celles où des personnes en filment d’autres à la suite d’un accident de la circulation, ou encore pour dénoncer une relation adultérine.
Selon le ministre, ce genre de comportement est punissable de cinq ans de prison ferme aux Émirats arabes unis. “Nous nous dirigeons dans ce sens”, a-t-il précisé, soulignant que le ministère de la Justice observait les expériences étrangères dans le cadre de son élaboration du Code pénal. Ce dernier viendra donc incriminer la capture et la diffusion de la photographie de personnes se trouvant en lieu public, puisque les dispositions du Code pénal actuellement en vigueur n’interdisent que la capture, l’enregistrement, la diffusion ou la distribution de la photographie d’une personne se trouvant dans un lieu privé, sans son consentement.
Pour l’instant, la capture d’images dans un lieu public est conditionnée à l’obtention d’une autorisation de tournage délivrée, par le Centre cinématographique marocain. Cette autorisation concerne “tout film professionnel ou production audiovisuelle”. Elle est donc délivrée pour un projet de téléfilm, de sitcom, de long métrage ou encore de téléréalité (liste détaillée ici). La presse doit également obtenir cette autorisation.
Cela dit, les cas cités par le ministre de la Justice (photographier ou filmer les victimes d’un accident de la circulation et diffuser ces images sur les réseaux sociaux) ne font pas l’objet d’un texte spécifique. D’où la volonté du ministre d’encadrer, sévèrement, ces agissements portant atteinte à la vie privée des citoyens.
Selon l’article 447-2 du Code pénal, ces actes sont actuellement punissables d’une peine d’emprisonnement de un à trois ans et d’une amende de 2.000 à 20.000 dirhams. Une sanction qui peut être portée à cinq ans avec une amende allant de 5.000 à 50.000 dirhams si les faits ont été commis en état de récidive et si l’infraction est commise par un époux, un conjoint divorcé, un fiancé, un ascendant, un descendant, un kafil, un tuteur ou une personne ayant autorité sur la victime ou ayant sa charge, contre une femme en raison de son sexe ou contre un mineur (article 447-3 du Code pénal).
La protection pénale de la vie privée avait fait l’objet d’une sortie de Mohammed Abdennabaoui en décembre 2018. Alors président du ministère public, il avait exhorté les magistrats du parquet à faire jouer les dispositions de la nouvelle loi en relation avec la lutte contre les violences faites aux femmes.
Entrée en vigueur en septembre 2018, cette loi prévoit des dispositions relatives au droit à l’image et à la protection de la vie privée qui s’appliquent aussi bien aux femmes qu’aux hommes.
Au sujet de la capture, de l’enregistrement, de la diffusion ou de la distribution de la photographie d’une personne se trouvant dans un lieu privé, sans son consentement, l’ancien chef du parquet avait expliqué, dans cette note, que cette infraction n’était caractérisée que lorsque trois éléments sont réunis :
– l’absence de consentement de la personne concernée ;
– l’utilisation d’un moyen permettant de capturer l’image, de l’enregistrer ou de la diffuser (appareils photos, téléphones, ordinateurs ou autres) ;
– la présence de la personne concernée par la photographie dans un lieu privé, fermé au public et auquel l’accès ne peut avoir lieu que sur autorisation et consentement de celui qui l’occupe.
Dans sa note du 6 décembre 2018, l’ancien chef du parquet avait rappelé que dans des systèmes comparés, les juges considèrent comme lieu privé la chambre d’hôtel, le garage, la piscine privée et la voiture, même si cette dernière se trouve sur une route publique.