L’arsenal juridique national destiné à renforcer la transparence du commerce au Maroc est en voie d’être renforcé. Un projet de loi sur les mesures de défense commerciale a été examiné jeudi 17 septembre par le conseil de gouvernement. Une fois ce texte adopté, à l’issue du processus législatif, le Maroc sera doté, pour la première fois, d’un cadre juridique «établissant et définissant de manière exhaustive les règles et procédures régissant l’application de mesures antidumping en cas d’importation de produits en dumping, de dispositions compensatoires en cas d’importation de produits ayant bénéficié de subventions, et de mesures de sauvegarde en cas d’accroissement massif des importations» .
Le projet de loi prévoit également l’installation d’une commission de surveillance des importations qui sera chargée de donner au ministère du commerce extérieur son avis sur toutes les questions relatives à la mise en œuvre des mesures de défense commerciale. Elle sera formée de représentants de l’administration et de membres
d’organismes et d’associations professionnels.
La nouveauté de ce projet de loi réside dans le fait qu’il va transposer les dispositions contenues dans les accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en une loi nationale. Jusqu’à présent, les règles d’application des mesures correctives, à savoir les mesures antidumping, les mesures compensatoires (antisubventions) et les mesures de sauvegarde étaient régies par les accords de l’OMC. Alors que la plupart des pays, en particulier les principaux partenaires commerciaux du Maroc, disposent de législation nationale réglementant ces dispositions.
Une loi existait depuis 1992 mais elle était trop vague
Résultat : à chaque fois que les opérateurs nationaux recourent à l’Etat pour signaler des cas de dysfonctionnement liés à ce genre de pratiques (dumping et subventions se traduisant par une concurrence déloyale) et demander une intervention des pouvoirs publics (mesures de sauvegarde entre autres), le département concerné, en l’occurrence le ministère du commerce extérieur, se référait aux dispositions des accords de l’OMC pour trancher, faute de législation nationale dans ce domaine.
Une loi avait bien été mise en place en novembre 1992 (loi 13/89 relative au commerce extérieur) complétée par le décret 2-93-415 (en juillet 1993) dans le but de remplir le vide juridique qui caractérisait la réglementation de ce genre d’affaires. Mais ces textes définissaient seulement le principe de base. «On y indique en substance qu’il faut adopter des mesures correctives dans les cas où sont constatées des pratiques de dumping et des importations massives mettant en danger une production nationale concurrente, mais jamais on n’avait mis en place des textes qui expliquent comment concrètement on appliquera ces dispositions» , souligne un responsable autorisé au sein du département du commerce extérieur.
Effectivement, la loi 13/89 stipule seulement que «lorsque les importations causent ou menacent de causer un préjudice grave à une production nationale établie ou retardent sensiblement la création d’une production nationale, elles peuvent être soumises à un droit compensateur (…), un droit anti-dumping (…) des mesures tarifaires ou non tarifaires s’il est constaté un accroissement massif des importations (…)» . Elle ne définit pas en fait la nature des mesures prévues pour faire face à ces pratiques.
Plus de souplesse dans l’application des mesures de rétorsion
C’est pourquoi le projet de loi a pour but de réparer cette «insuffisance juridique, en se dotant d’un cadre législatif et réglementaire complet, moderne et compatible avec les engagements pris au titre des accords de l’OMC et les autres accords commerciaux conclus par le Maroc», explique-t-on au ministère du commerce extérieur.
Les rédacteurs du texte définissent ainsi des instruments clairs et précis aussi bien pour les mesures prévues dans ce genre d’affaires que pour les critères sur la base desquels on y recourt. Le projet de loi «prévoit des dispositions fixant les conditions de détermination de l’existence du dumping, de la subvention, de l’accroissement massif des importations et du dommage ou de la menace de dommage, ainsi que les modalités relatives à la mise en œuvre des mesures antidumping, des mesures compensatoires et des mesures de sauvegarde», indique-t-on au ministère du commerce extérieur. En 38 articles, le texte explique en détail les dispositions prévues pour tous les cas et les situations qui peuvent être exposés et relevés.
En outre, la nouvelle législation a programmé des dispositions relatives à certaines situations comme les engagements en matière de prix qui peuvent être offerts par les exportateurs ou demandés par le ministère chargé du commerce extérieur. Aussi, «un produit objet de dumping ou de subvention peut ne pas être soumis à un droit antidumping ou à un droit compensateur si l’exportateur s’engage à réviser son prix de manière suffisante pour faire réparer le préjudice» , souligne-t-on au ministère.
Ce dispositif a l’avantage de faciliter la procédure aussi bien pour l’administration que pour les opérateurs. Le recours aux dispositions des accords de l’OMC lorsque le ministère décidait d’ouvrir une enquête concernant une requête quelconque gênait (et gêne encore) l’administration de tutelle. «Souvent les opérateurs ne comprenaient pas pourquoi on se basait sur un dispositif international pour trancher dans des affaires internes», souligne un responsable au ministère. Et d’ajouter que «la référence à une loi nationale va faciliter ainsi la tâche à tout le monde».
La mise en place de cette nouvelle législation ne veut pas dire pour autant la fin du processus ordinaire de la mise en place des mesures de sauvegarde. Le ministère rappelle, à cet égard, que «la procédure commence par le dépôt auprès du département du commerce extérieur d’une requête par la branche de production nationale concernée ou en son nom». La méthode de traitement des dossiers ne changera pas non plus puisque la requête fait ensuite l’objet d’«un examen préliminaire qui détermine la décision d’ouvrir une requête (et), parallèlement, l’importation du produit objet de la requête peut être soumise à une procédure de surveillance des importations». Au cas où le ministère détermine l’existence d’un dumping, d’une subvention, d’un accroissement massif des importations ou encore d’un dommage causé à la branche de production nationale du produit similaire au produit importé, des mesures définitives peuvent alors être appliquées.
Hakim Challot