Par S.I, Medias24
La crise sanitaire a mené de nombreuses personnes physiques et morales, opérant dans différents secteurs, vers un arrêt d’activité. Par conséquent, certains engagements contractuels n’ont pas été respectés.
Le débiteur, dans cette situation, pourrait invoquer la force majeure, afin de justifier l’inexécution de ses obligations contractuelles.
Ce sujet épineux occupe les esprits des juristes depuis le début de la pandémie. Médias24 l’a abordé à maintes reprises, notamment pour présenter les lectures de différents experts en la matière.
Maître Bassamat Fassi Fihri, avocate au barreau de Casablanca, a également procédé à une analyse de la situation, afin de mieux éclairer les contractants impactés par la crise sanitaire.
Les décisions des autorités: extérieures et imprévisibles
L’événement qui constitue la force majeure doit être: extérieur (c’est-à-dire qu’il ne relève pas de la volonté des parties), imprévisible et irrésistible. C’est la réunion de ces 3 critères qui permettra aux tribunaux de qualifier la force majeure.
Il ne s’agit pas d’attribuer automatiquement cette qualification à la pandémie du coronavirus, mais d’analyser chaque situation de manière individuelle.
Dans l’analyse du cabinet d’avocats « les mesures de fermeture décidées par le gouvernement, pour lutter contre le Covid-19 » sont considérées comme « des événements extérieurs et imprévisibles « .
« Il s’agit du fait du Prince qui, comme la force majeure, peut dégager la responsabilité du débiteur. Non seulement le débiteur ne dispose d’aucune maîtrise sur ces événements qui lui sont imposés, sous peine de sanctions pénales, mais leur cause lui est manifestement extérieure « , lit-on dans le document.
Force majeure: les premiers réflexes à adopter
La première réaction à adopter est de vérifier le contrat signé. Il faut non seulement déterminer la date de signature (avant ou après la pandémie) mais aussi et surtout, s’assurer qu’il contient une clause de force majeure.
Dans le cas où le contrat prévoit la force majeure, il est nécessaire d’en vérifier les conditions. Ces dernières doivent correspondre à la situation actuelle, due à la pandémie et aux mesures prises pour l’enrayer.
Lorsque la clause de force majeure n’a pas été prévue au contrat ou qu’elle n’est pas exploitable, « il faudra vérifier si les conditions légales de la force majeure peuvent justifier une inexécution contractuelle « , ou bien « envisager d’aménager dans le contrat une clause de force majeure pour en préciser la teneur et les conséquences « .
Dans ce dernier cas, il faudra lister de manière non exhaustive les cas de force majeure (pandémie, explosion, confinement ordonné par les autorités, guerre, panne, etc.).
Il est également conseillé d’apporter d’autres précisions dans le contrat, notamment de spécifier que c’est au « contractant qui désire s’en prévaloir que revient l’obligation de saisir son cocontractant, par écrit, pour exposer la survenance de l’événement de force majeure « .
Cela dit, la clause de force majeure est à distinguer de la clause d’imprévision. Cette dernière est prévue par l’article 710 du D.O.C. Elle désigne un « changement de circonstances imprévisibles « , qui rendrait l’exécution du contrat plus difficile.
Le fait de prévoir une clause d’imprévision permettrait aux contractants de procéder à une renégociation « afin de s’adapter à la nouvelle situation économique » de chacun.
Quels impacts de la force majeure sur les droits des contractants ?
Lorsque la force majeure est retenue, le débiteur est libéré de ses engagements contractuels. Il est également déchargé de toute responsabilité, à l’égard du cocontractant et des tiers.
Par conséquent, certains droits sont impactés. Il s’agit notamment de l’allocation de dommages-intérêts, du règlement des prestations et des pénalités contractuelles.
En effet, l’allocation de dommages-intérêts est exclue par l’article 268 du D.O.C et ce, dans le cas où « le débiteur justifie que l’inexécution ou le retard proviennent d’une cause qui ne peut lui être imputée, telle que la force majeure, le cas fortuit ou la demeure du créancier « .
L’obligation de paiement des prestations est, quant à elle, maintenue. Le débiteur ne peut en être exonéré pour force majeure. Lorsque cette dernière n’engendre pas une impossibilité matérielle, qui justifierait le non-paiement des sommes dues, comme la fermeture des banques par exemple, le débiteur reste donc en mesure de procéder au paiement.
Enfin, l’article s’arrête sur la déplorable absence, au Maroc, d’un moratoire sur l’ensemble des sanctions liées au non-respect des délais contractuels, tel que celui instauré, en France, le 25 mars 2020 et qui s’étend sur une durée allant jusqu’à un mois suivant la cessation de la situation de l’état d’urgence sanitaire.
Le Maroc a considéré le retard, dans l’exécution des marchés publics, comme un cas de force majeure. Cependant, pour les contrats commerciaux, c’est aux juges que revient la responsabilité de trancher au cas par cas.
Selon l’analyse de Me Bassamat Fassi Fihri, il est possible que les magistrats raisonnent « par analogie avec ce qui a été décidé pour les marchés publics, pour considérer que le retard dans l’exécution ne résulte pas du fait du contractant « .
Par ailleurs, il serait judicieux de noter que la force majeure ne sera pas automatiquement retenue par les tribunaux. Il faut donc favoriser la voie de la négociation aux longues procédures judiciaires.
Par S.I, Medias24