Opinions & Débat : La réforme du système judiciaire au Maroc

Opinions & Débat : La réforme du système judiciaire au Maroc

Publié le : - Auteur : Le Matin

La consolidation de l’Etat de droit passe nécessairement par l’exercice dans le fait des droits et des libertés. Mais ceux-ci doivent être sauvegardés. Leur protection ne peut se faire que par le système judiciaire qui doit être compétent, professionnel équitable et efficace. En effet, comme la plupart des administrations marocaines, la justice souffre des handicaps majeurs. Dans l’Etat de droit, le juge doit apprécier les preuves, procéder à la vérification des faits et analyser les arguments des parties avant de prononcer le jugement.

De même, le pouvoir judiciaire ne peut jouer son rôle, car les différentes juridictions voient leurs actions contrées par des considérations d’ordre politique.
Par conséquent, la réforme de la justice est un impératif de l’instauration de l’Etat de droit et la vie publique serait vaine sans justice saine et indépendante.
A partir de cette situation que vit actuellement ce secteur de la justice dans notre pays telle que nous l’avons déclinée, une telle reforme est devenue actuellement une nécessité et une revendication qui accompagne le processus de transition démocratique et le renforcement des acquis des droits de l’Homme. Mais c’est un processus qui ne date pas d’aujourd’hui, c’est tout à fait une continuité d’un long chemin de réformes structurelles administratives que connaît notre pays depuis l’indépendance.

Cet immense champ de réflexion démocratique et consensuel a fait l’objet de plusieurs discours royaux notamment celui prononcé à l’occasion de la commémoration du 56e anniversaire de la révolution du Roi et du peuple.
Le Souverain, que Dieu l’assiste, qui n’a pas manqué de souligner l’esprit d’une grande réforme de la justice a démontré jusqu’à quel point la justice constitue la clé de voute pour la concrétisation d’un principe fondamental d’un Etat de droit, à savoir l’égalité des citoyens devant la loi, ce qui éclaire bien que le Souverain a inscrit l’impératif d’une telle réforme.

Une réforme basée sur 6 axes principaux qui sont comme suite :
1- Garantir l’indépendance de la justice;
2- Moderniser son cadre normatif;
3- Mettre à niveau ses structures et ses ressources humaines;
4- Améliorer l’efficacité judiciaire;
5- Ancrer des règles de moralisation;
6- Optimiser la réforme annoncée.
Cette réforme est un défi de la justice nationale qui vise à réconcilier le citoyen avec sa propre justice et redorer le blason de l’institution judiciaire marocaine. Ce qui fait que le citoyen marocain exige une autre justice et une culture judiciaire adaptée à la nouvelle vision internationale de protection des droits de l’Hhomme, une justice moderne qui assure et garantie les droits fondamentaux, à savoir la dignité humaine. Cela nécessite une vigilance structurelle.

Cependant, la modernisation de la justice se pose donc avec insistance compte tenu du retard accusé par ce secteur par rapport à l’évolution que le Royaume a connue dans les domaines économique, politique et social.
Si l’objectif du Souverain est de faire de la justice un véritable gardien et protecteur des droits des individus et un moteur de développement, c’est parce qu’il s’agit d’une initiative qui doit déboucher sur une gestion rationnelle du fonctionnement de l’administration centrale et des tribunaux.
De même, l’indépendance de la justice est un principe si fondamental de l’Etat de droit que l’on n’ a pas besoin de le justifier.

Une expression particulièrement claire de ce principe fondamental figure à l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme (voir également l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme) qui stipule «toute personne a droit en pleine égalité à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial qui décidera soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».

1- L’indépendance individuelle des juges est une condition nécessaire et fondamentale, elle aussi relève de l’indépendance des juridictions, de l’indépendance de la justice.
2- Tout système judiciaire doit assurer à travers le statut des juges leur indépendance effective.
3- Tout système judiciaire doit aussi garantir le professionnalisme des juges, du fait que les individus ont besoin de pouvoir recourir à des juges qui soient indépendants et compétents. Car la compétence professionnelle conditionne d’ailleurs la réalité de l’indépendance qui sans elle, ne serait qu’une coquille vide.
* La nécessité de mettre en place une formation continue effective à la quelle tous les juges pourraient avoir accès en conseillant et de l’organiser par un texte d’une force juridique suffisante.
4- La situation actuelle caractérisée par la modestie de la rémunération des juges, n’était pas acceptable, tel que l’existence des avantages en nature destinés à compenser cette modestie était très peu satisfaisante, car de nature à créer une dépendance psychologique à l’égard des autres pouvoirs de l’état.

Le faible niveau des rémunérations des juges et parquets et la médiocrité des moyens matériels mis à leur désposition étaient déjà en soi dangereux pour la qualité et l’indépendance de la justice, car ils créaient un terrain favorable pour des tentatives de corruption, et que cet état de chose, avait également comme conséquence de rentre la fonction de juge non attractive pour les juristes honnêtes. Ce qui fait que la constitution d’une caisse d’appui au profit des magistrats et parquets permettra la moralisation de la fonction judiciaire et limiter la corruption. (La caisse judiciaire d’appui est une caisse bancaire qui sera entre les mains d’une institution financière réservée aux magistrats pour tout empreint d’argent, et sans intérêts, à la limite de cinq millions de dirhams, tout en garantissant toutes les facilités nécessaires au remboursement. A cela s’ajoutent d’autres primes d’encouragements et de mérite judiciaire. Il faut donc des remèdes réels à cette situation pour permettre à la justice de gagner l’autorité dont elle demeure dépourvue. Dans le programme de réforme, l’association de la troisième génération des droits humains recommande également que la révision de la carte judiciaire sur des bases nouvelles permettant de répondre aux besoins grandissants des justiciables et l’amélioration des conditions du travail du personnel de justice et de l’approche judiciaire et procédurale nécessite l’actualisation des textes (révision constitutionnelle, lois organiques,…), l’accélération de la cadence de la législation et l’amélioration de l’action judiciaire à travers plusieurs procèdes, motivation du personnel, renforcement des mécanismes d’exécution des jugements et la promotion de la formation.)

D’une autre manière, une justice efficace ne peut se faire que par le respect de la séparation des pouvoirs. L’article 82 de la constitution stipule: « l’autorité judiciaire est indépendante du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif ». 6- La dépendance du pouvoir judiciaire à l’égard du pouvoir exécutif se voit également au niveau des tribunaux d’arrondissement. En effet, le choix des juges et leur travail dépendent des autorités locales, c’est-à-dire en remontant plus loin du ministre de l’Intérieur. Ce qui contredit la dépendance de la justice. Par conséquent, il est recommandé d’éliminer l’élection des juges communaux et d’arrondissement mais aussi des tribunaux qu’on lui rattache d’une part et mettre en place les dispositions constitutionnelles érigeant la justice et le conseil supérieur de la magistrature en institution indépendante.

7- Les dépositions formulées par la constitution et qui tendaient à la conservation par la loi fondamentale des droits civiles, sociaux, économiques et culturelles des individus ainsi que les
droits à l’information, à la santé et à l’environnement n’ont pas été retenues par la constitution. Il en est de même pour la garantie de la dignité humaine, du principe de la présomption d’innocence du droit au procès équitable et de l’interdiction de la pratique de la torture physique et morale.
8- La reconnaissance de la compétence des instances du contrôle et du jugement en cas de violation des droits du citoyen.

9- La publication des conventions ratifiées par le Maroc dans le Bulletin officiel et leur incorporation dans l’ordre juridictionnel interne, afin qu’elles puissent être invoquées devant les juridictions marocaines. Le problème fondamental est donc la constitution qui ne répond pas aux exigences des Marocains et aux normes internationales étant donné que la mise en conformité de ces normes en vigueur avec la constitution qui est une caractéristique d’un Etat de droit demeure hypothéquée. Ce qui nécessite une révision constitutionnelle.
10- Le manque de respect de la part de certains juges envers leur justiciable et leur refus de donner au contrevenant son droit à la défense nécessitent une autre réflexion d’éthique chez les juges et impose la moralisation de l’administration de justice (respect des droits du requérant et du justiciable).
11- Les milliers de jugements attendent l’exécution et il y a autant de droits qui attendent d’être rétablis, ce qui nous amène à dire qu’il faut une rapidité dans l’exécution des décisions judiciaires et les jugements.

12- L’indemnisation des victimes en cas d’erreur judiciaire et une assistance au recouvrement des victimes d’infraction.
13- L’élimination de la prescription de l’action publique et des peines pour les délits de crimes constituant une atteinte grave aux droits des individus et des groupes.
14- Activer et renforcer le rôle de l’institution du contrôle, qui doit veiller à identifier les dysfonctionnements et contrôler le niveau des jugements rendus par les différentes institutions judiciaires.
15- Promouvoir l’équité, l’égalité et l’impartialité.
16- Rejeter toute lettre ou requête anonyme et non identifiée, par le fait que l’identité du requérant dont la reconnaissance est nécessaire pour apprécier la qualité de victime.
17- Mettre en fonction le droit international des droits de l’Homme, notamment les conventions et traités ratifiés par le Maroc, et lui donner la force d’être invoqué devant les juridictions nationales.

18- Renforcer la jurisprudence nationale et activer la recherche judiciaire.
19- Prévoir et utiliser les garde-fous limitant l’atteinte aux droits de l’Homme.
20- Sanctionner tout abus du pouvoir.
21- Respecter le principe de la spécialisation et de la compétence des juridictions.
22- Adapter la réglementation aux exigences du respect des droits de l’Homme.
23- Coordonner entre les services de justice et autres services des administrations publiques en matière des droits de l’Homme.
24- Coordonner entre les services de justice et les associations d’appui en matière de protection des droits de l’Homme avec la constitution d’une instance juridictionnelle en vu de renforcer ledit système.
25- Former des juges et parquets sur le droit international des droits de l’Homme.
26- Ouvrir l’administration de justice sur l’environnement externe (expériences étrangères).

27- Appliquer les codes et promouvoir l’esprit de leurs réformes (code de la famille, du travail, droit des assurances, droit des obligations et contrats « DOC »,…).
28- Respecter les droits du personnel du corps judiciaire.
29-Instaurer le principe de mérite.
30- Attribuer les avantages pécuniaires aux meilleurs jugements rendus.
31- Moraliser le métier des avocats.
En terme de conclusion :
Comme l’avait dit le ministre de la Justice : La réforme du système judiciaire aura une double incidence, «le tribunal, qui est en contact direct avec les citoyens, et les réformes institutionnelles relatives à l’indépendance et à l’intégrité du système judiciaire.
Dès lors, notre objectif est de faire part des préoccupations des organisations des droits de l’Homme envers le système judiciaire marocain et de présenter des suggestions et des recommandations pour aider notre gouvernement à mettre en place les réformes nécessaires.
Nous ne voulons pas des réformes mineures, mais des réformes en profondeur. Une réforme constitutionnelle où le système judiciaire constitue une autorité indépendante des autres pouvoirs.
Nous cherchons construire un système judiciaire conforme aux principes du respect des droits de l’Homme.

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