Soudainement, la corporation «fermée» des notaires se met à parler d’organisation de la profession ou encore de réglementation basée sur des impératifs de droiture, d’honnêteté et d’intégrité. Que se passe-t-il pour que l’on revienne à des questions qui semblent dépassées ? Il est clair que le notariat demeure l’une des rares professions libérales à ne pas être rassemblée en ordre, et toujours soumise à un texte de loi organisant la profession et datant d’avant l’indépendance, le dahir du 4 mai 1925. Et comme pour tout changement, des interrogations interpellent. Nombreux sont ceux qui vont jusqu’à affirmer que cette initiative vise à verrouiller l’accès à la profession. A cette question, Me Noureddine Skouked lance d’emblée : «absolument pas, les allégations proférées ne sont pas fondées». Et de poursuivre : «dans l’ensemble des pays membres de l’organisation internationale notariale, il existe le numerus clausus. Il ne s’agit pas de fermer les portes, mais de faire en sorte que la profession ne devienne pas un dépotoir ». Ces propos sont on ne peut plus clairs. En revanche, penchons-nous sur cette notion d’actualité avec la commission Attali en France et ardemment souhaitée par Karim Ghallab au Maroc, par rapport aux agréments de taxis. Concernant les notaires, une règle juridique limite le nombre de notaires en profession. Les critères en sont différents selon les systèmes et les pays. Cette notion va de pair avec celle de l’implantation des études qui engendre généralement une concurrence entre elles. C’est pour une meilleure répartition territoriale que la clause a été instaurée, notamment en France. Si beaucoup voient dans l’approche adoptée une volonté de rendre la profession «hermétique», les choses ne sont pas aussi tranchées. C’est pourquoi Saad Lahrichi, docteur en droit, notaire et auteur en 2008 d’une publication sur «la responsabilité du notaire en droit français et en droit marocain», tient à relever que la problématique se poserait ainsi : «la législation destinée à redéfinir la profession du notaire moderne s’inscrit-elle dans une logique de promotion ou de défense de la profession ?». Sa réponse est sans appel : «Eh bien hélas, ni l’une, ni l’autre. Qu’y découvre-t-on ? Un resserrement quant à l’accessibilité de la profession, pas vraiment; un rappel des conditions d’accès, un rappel des droits et devoirs du notaire, pas plus…..rien en somme de bien nouveau depuis le Dahir de 1925 ». Il va encore plus loin et ne mâche pas ses mots. «Nous sommes tous à le regretter, car nos instances supérieures ont raté le coche», précise-t-il. Il émet par ailleurs l’hypothèse selon laquelle il reviendra «aux notaires modernes marocains» de reprendre «le flambeau» et de faire «du lobbying pour que leur profession soit entendue et consultée par les pouvoirs publics, à chaque fois que des questions d’ordre patrimonial, ou d’ordre foncier économique ou financier leur sont posées». Un voeu qui ne semble pas pouvoir s’exaucer de sitôt. La profession est pour ainsi dire touchée par le tassement du secteur de l’immobilier.
Les premiers aussi
à trinquer !
Les notaires sont en effet les premiers à en profiter mais également les premiers à trinquer. Le témoignage de Me Skouked est révélateur à plus d’un titre : «je passe mon temps à lire et j’en profite pour voyager avec ma famille. Ceux qui poursuivent leur activités sont les notaires associés aux programmes immobiliers sociaux», confie-t-il le plus simplement du monde. Toutefois, il précise que certains de ses confrères, notamment les plus jeunes, vivent des situations difficiles : certains n’arrivent plus à payer les loyers de leurs études, quand ils ne vivent pas sur leurs économies. Serait-il dès lors légitime de lier la crise de l’immobilier à une volonté de verrouillage de la profession ? Il y a moins de marchés à prendre. Me Lahrichi ne semble pas pencher pour cette vision des faits. «Pour ceux qui n’ont pas eu la sagesse de l’anticiper, effectivement, elle est bien présente, mais je ne pense pas qu’elle soit à l’origine d’une quelconque volonté de verrouillage de la profession», déclare-t-il à ce sujet. Quantitativement, peut-on évaluer le manque à gagner et à travers lui le chiffre d’affaires du secteur ? «Le chiffre n’est pas connu car il n’y a aucune communication des notaires à ce sujet », rétorque-t-il. Toutefois, la rémunération de la prestation d’un notaire est précisée par la procédure appliquée (voir encadré). Par ailleurs, au sein la profession, il est souvent sous-entendu un semblant de «lutte» entre les anciennes études et les autres plus récentes. Qu’en est-il véritablement ? «Ne parlons pas de lutte mais plutôt de décalage entre les méthodes d’approche de la clientèle. Nous sommes de plus en plus sollicités par des opérateurs étrangers habitués à des conseils clairs, concis et complets en un minimum de temps», explique Me Saad Lahrichi. Et de conclure : «nous nous sommes adaptés aux nouvelles technologies et ayant réussi ce challenge». La relève est ainsi assurée.
Quid du projet
de loi ?
> Le volet le plus médiatisé de ce texte est celui qui pose la question de la création d’un ordre national des notaires. Lequel, à l’instar des autres ordres professionnels, serait doté de la personnalité morale et devrait obligatoirement regrouper l’ensemble des professionnels. En matière d’accès à la profession, la réglementation en gestation en fixe les conditions d’accès. C’est ainsi que tout postulant au titre de notaire doit être titulaire d’une licence en droit, délivrée par une faculté de droit marocaine ou par un diplôme reconnu équivalent. La langue de rédaction des actes notariés est également prévue, puisque les écritures devront être réalisées en langue arabe. Une autre langue ne pourra être appliquée que lorsque ce choix est stipulé par les parties en cause.
Les frais de notaire pour l’acquisition d’un bien immobilier
> Ils consistent en grande majorité en impôts remis ensuite à l’Etat, c’est ce que l’on nomme les «droits de mutation». Ajoutez à cela les honoraires du notaire qui rémunèrent la rédaction des actes comme la promesse de vente, les actes authentiques ou encore l’affectation hypothécaire. Les honoraires répondent à un barème de tarifs proportionnels ou fixes hors taxes. Toutefois, il n’existe aucune tarification imposée par la loi. En règle générale, les frais de dossier varient entre 0,5 et 1% du prix de la vente, comptez également un montant minimum de perception de 2.500 DH pour un taux de TVA de 7%. Quant au montant de la taxe notariale, il est de 0,5 % du prix de vente.
Imane Azmi