Moudawana : Le partage des biens continue d'irriter

Moudawana : Le partage des biens continue d'irriter

Publié le : - Auteur : Le Matin

Pourtant, sa vocation initiale c’est justement de garantir les droits de tous les membres de la famille, surtout les enfants.
En effet, parmi 270.660 contrats de mariage signés durant l’année 2007, il n’y a eu que 900 époux à avoir signé la fiche du partage des biens, soit 0,33% (statistiques publiées dans le dernier rapport de la Ligue Démocratique pour les droits des Femmes).

«Le moins que l’on puisse dire à ce sujet, c’est que la réforme du code de la famille n’a pas encore porté tous ses fruits, cette situation trouve son explication à mon sens dans le manque de vigilance de la part du Corps de la magistrature et particulièrement les juges de la famille», entrevoit Milouda Hazeb, présidente de l’Organisation nationale des femmes démocrates et membre du bureau politique et conseillère du groupe parlementaire Rassemblement et Modernité. Cette dernière rappelle également que l’article 49 du statut de la famille (ndlr: connu lui seul sous le nom de la Moudawana) stipule clairement que les deux conjoints peuvent gérer conjointement tous les biens acquis par le ménage. De même «Un contrat subséquent à l’acte de mariage définit les modalités de la mise en valeur du partage des biens. Il est du devoir des magistrats compétents lors de l’établissement du contrat de mariage d’insister auprès des jeunes mariés pour signer le document en question.

Ce dernier devrait servir de base au partage consensuel des biens sans recourir aux autres règles plus ou moins subjectives et parfois inopportunes, comme c’est le cas pour les femmes au foyer», éclaire Hazeb. Si cet article de loi n’est pas de tous les goûts et que son application tarde à suivre c’est en partie parce que beaucoup de femmes ignorent son importance, ou encore son existence.

Pour la parlementaire: «Il est vrai que des femmes sans instruction ou de moindre culture juridique ignorent totalement cet aspect de la législation qui leur est favorable, en principe. Au niveau de l’application de la Moudawana, il reste un grand chemin à parcourir avant de prendre acte des transformations sociétales que ce texte a inspirées au Maroc et ailleurs» Cette réforme a certes été controversée et a induit avant sa mise en vigueur un énorme débat de société où se sont rencontrées beaucoup d’ONG pro droits de l’homme, des oulémas, mouvements féministes et associations civiles.

Cependant, devrait-on obliger les conjoints, au moment de la signature de l’acte de mariage, à remplir une fiche spécifique à la gestion des biens ? Milouda Hazeb est entièrement de cet avis : «Oui, je le pense car c’est le meilleur moyen de rappeler aux futurs époux leurs droits et devoirs à ce sujet et d’éviter ainsi des conflits de personnes et de procédures sur la question du partage du patrimoine, au moment du divorce» affirme-t-elle et d’ajouter : «Cette initiative est de nature à faciliter et accélérer les procédures inhérentes aux autres dispositions concernant notamment la garde des enfants, la pension alimentaire, le domicile conjugal, le remariage de la femme divorcée, le divorce consensuel, etc».

Finalement, la vulgarisation de cette fatidique question est l’affaire de la société toute entière. Certains devraient s’attarder sur sa pertinence avant d’émettre tout jugement négatif quant à son importance, car ce code a été élaboré
pour garantir les droits des enfants et de ces femmes longuement humiliées et violentées et non pour faire peur au sexe masculin.

De plus, ledit code de la famille engage dans un grand nombre de ses articles le ministère public et les auxiliaires de justice (avocats, police judiciaire, Adouls…) et ce, dans toutes les actions visant l’application de la Moudawana, du code de la procédure civile, du code des obligations et contrats…

«Le rôle de la société civile et des partis politiques est tout de même important. Il s’agit d’une action d’intérêt général et de citoyenneté active qui incombe à tous les acteurs de la vie publique (média, école, université…) qui participent à la formation sociale, culturelle et à l’émergence d’une opinion publique avisée et responsable», conclut Milouda Hazeb.

* Journaliste stagiaire
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L’article incriminé

Il a subi tous les griefs, pourtant, l’article 49 du statut de la famille ne veut que garantir les droits et devoirs des deux époux. Cet article de loi stipule que: «Les deux époux disposent chacun d’un patrimoine propre.

Toutefois, ces derniers peuvent se mettre d’accord sur les conditions de fructification et de répartition des biens qu’ils auront acquis pendant leur mariage. Cet accord fait l’objet d’un document distinct de l’acte de mariage.
Les adouls avisent les deux parties, lors de la conclusion du mariage, des dispositions précédentes. A défaut de l’accord susvisé, il est fait recours aux règles générales de preuve, tout en prenant en considération le travail de chacun des conjoints, les efforts qu’il a fournis et les charges qu’il a assumées pour fructifier les biens de la famille».
Effectivement, il s’agit des biens de toute la famille.
Par Houda Belabd

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