Un arrêté de Fatima Zahra Mansouri, ministre de l’Habitat, vient étayer les réflexes et dispositifs que les agents immobiliers devront adopter pour contribuer à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Après les avocats, notaires et adouls, c’est désormais aux agents immobiliers de se joindre à l’effort de lutte contre le blanchiment de capitaux. Le ministère de l’Habitat a émis un arrêté astreignant ces professionnels à une obligation de vigilance dans un secteur à haut risque.
Qu’est-ce qu’un agent immobilier ? Il s’agit de “toute personne physique ou morale qui fournit, de façon habituelle ou professionnelle, des services pour le compte d’autrui, liés à l’achat ou à la vente d’un immeuble ou à la participation à celui-ci”. Publié au Bulletin officiel du 19 janvier, l’arrêté définit ainsi une profession qui ne bénéficie, pour l’heure, d’aucun cadre juridique précis.
Le texte du ministère de l’Habitat vient en application de la loi 43-05 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux. Cette loi inclut les “agents et intermédiaires” immobiliers dans la liste des professions assujetties à des devoirs spécifiques.
Les agents devront adopter un dispositif interne de veille et de contrôle permanents, basé sur la gestion des risques liés au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme. Ce système doit couvrir les relations d’affaires, les clients habituels et occasionnels.
La même obligation s’étend aux “bénéficiaires effectifs”. Autrement dit, et entre autres, aux “personnes physiques qui possèdent ou contrôlent en dernier ressort le client ou la personne physique pour le compte duquel les opérations sont effectuées”. Cette disposition sera facilitée par la création annoncée d’un registre national listant ces personnes.
En substance, le dispositif de veille devra s’appuyer sur une évaluation continue et actualisée des risques internes. Les clients devront être acceptés en tenant compte de ces risques, ce qui induit des mesures pour leur identification, ainsi que toutes les parties impliquées dans les transactions. Lesquelles doivent faire l’objet d’un suivi minutieux. Tout soupçon doit être déclaré à l’Autorité nationale du renseignement financier.
Avant d’entrer en relation d’affaires ou de conclure une transaction, même si celle-ci est occasionnelle avec un client potentiel, l’agent immobilier devra préparer une fiche d’information au nom de ce client sur la base des données contenues sur les pièces d’identité délivrées par une autorité marocaine qualifiée ou un organe étranger reconnu.
Ces documents doivent être valides et porter la photo du client. L’arrêté fixe la liste de ces données consignées dans la fiche, selon que le client soit une personne physique ou morale.
La prudence est particulièrement de mise pour les clients jugés à “risque élevé”. Il s’agit, notamment, des personnes jugées comme tel par l’agent lui-même, qui s’appuiera sur les données incluses dans leurs formulaires et les fiches d’information. Mais aussi, plus généralement, les étrangers non résidents, les associations à haut risque ainsi que les ressortissants et sociétés de pays sur lesquels le GAFI recommande une “vigilance renforcée”.
Dans ces cas, l’agent immobilier doit recueillir des informations supplémentaires sur le client, sur les raisons des opérations réalisées ou envisagées, mais aussi sur la source de l’argent ou des biens de l’intéressé. S’il s’agit d’une agence personne morale, l’accord de l’organe sera obligatoire avant d’entamer toute relation d’affaires.
L’agent immobilier sera tenu de fixer, pour chaque catégorie de clients, des seuils concernant les opérations qui sont réalisées, de sorte que les dépasser conduit à considérer les opérations comme inhabituelles.
L’agent immobilier devra ainsi s’assurer que les opérations réalisées par ses clients sont “parfaitement cohérentes” avec sa connaissance de ses clients, de leurs activités, de la nature des risques qu’ils représentent et de l’origine de leurs fonds.
Les opérations qui doivent faire alerter un agent immobilier sont celles qui ne “semblent pas avoir un objectif légitime apparent” ; celles impliquant des “frais totalement différents des opérations habituelles du client” ; celles qui se déroulent “dans des circonstances d’une complexité inhabituelle”.
Toute opération jugée “inhabituelle”, “complexe” ou “suspecte” doit être signalée au ministère de l’Habitat. Si cette démarche est de nature à “éveiller l’attention du client”, l’agent peut s’y soustraire, tout en déposant une déclaration de soupçon auprès de l’ANRF.
L’agent immobilier devra fournir annuellement au ministère de l’Habitat, et au plus tard trois mois après la clôture de l’exercice comptable, un rapport sur le dispositif de vigilance et de contrôle interne ainsi que sur les activités de contrôle réalisées.
L’arrêté parle bien d’obligations. Une notion qui implique des sanctions en cas de manquements. L’agent peut ainsi encourir une sanction pécuniaire pouvant atteindre 1 million de dirhams. Sans préjudice de sanctions pénales plus graves.
La sanction pécuniaire est, le cas échéant, prononcée par le ministère de l’Habitat. Ce département assure les missions de supervision et de contrôle sur ces trois professions. Ces décisions sont susceptibles de recours devant le tribunal administratif.