Les contrevenants paieront cher. Le législateur a prévu des sanctions très lourdes pour lutter contre le tabac dans les lieux publics. Premier visé, le fabriquant qui devra porter la mention «Fumer tue» sur les paquets de cigarettes et autres produits de tabac. Sans quoi, la loi prévoit des amendes allant de 1 à 2 millions de DH ! De plus, l’autorité compétente se doit de saisir tout paquet ou boîte objet de la contravention. De fait, l’article 2 dispose que «cette mention de mise en garde doit être portée de manière visible dans les mêmes langue, taille et couleur du nom ou de la marque commerciale du produit». La teneur en goudron, nicotine, carbone, etc. doit être aussi mentionnée. Le buraliste contrevenant dans ce cas de figure pourra se voir interdire la vente et la distribution du produit tabac pendant une durée allant de 1 à 2 ans.
En procédant ainsi, le marché marocain ne fera que se conformer à la législation internationale en vigueur. Il sera l’un des derniers à l’appliquer. Sauf que cette disposition implique d’autres complications d’ordre logistique cette fois-ci. En clair, l’ancienne régie des tabacs devra mettre les bouchées doubles pour non seulement imprimer et fabriquer de nouveaux emballages (cartouches, paquets…), mais aussi et surtout retirer du marché l’ensemble des stocks au moment de l’entrée en vigueur de la loi. Un surcoût qui se chiffre à plusieurs millions de DH. Mais que fera-t-on à ce moment-là des quantités stockées. Sachant bien que la plupart des buralistes disposent généralement d’importants stocks dans des dépôts pour bénéficier de plus de marges en cas d’augmentation des prix.
Mais pour qu’il n’y ait pas de confusion à ce sujet, les dispositions de la nouvelle loi précisent la définition de produits de tabac.
Par tabac, le législateur entend «tous les produits destinés à être fumés ou consommés, qu’ils soient naturels ou manufacturés et constitués entièrement ou partiellement à base de tabac». Plus précisément: les cigarettes, les cigares et cigarillos, le tabac dit scaferlati (appelé aussi perlot ou gris et généralement fumé à la pipe), le tabac à priser, celui à mâcher ou à sucer et autres dérivés destinés à la consommation par le biais du narguilet (chicha).
Par ailleurs, l’interdiction de fumer ou consommer ces produits doit être visible et signalée par le biais d’affiches apparentes dans tous les lieux publics (voir article précédent). Mieux encore, des mises en garde médicales et les sanctions encourues en cas de violation devront aussi être indiquées et ce, selon des modèles, formes et contenu uniformisés. Par ailleurs, il sera strictement interdit de faire apparaître toute dénomination, marque, logo ou signe de publicité de tabac dans les lieux de pratique de sport, stades ou à l’occasion d’événements sportifs. Ce qui revient aussi à dire que toute publicité de parrainage sportif sera strictement proscrite.
Les buralistes seront aussi tenus de ne plus vendre les produits de tabac aux mineurs. Là aussi, c’est une contrainte d’ordre culturel avec laquelle les bureaux de tabac devront composer. Les habitudes montrent que de nombreux parents fumeurs envoient leurs enfants leur chercher des cigarettes chez le tabac du coin.
La délation autorisée
Devant la difficulté de faire appliquer ce genre de loi, ce sont les officiers de police judiciaire qui procèderont à la verbalisation des infractions, chacun dans son territoire de compétence. Pour traquer les fumeurs et éviter les situations de passe-droit, le recours à la délation est envisagé. Ainsi, en cas d’infraction, toute personne morale ou physique est habilitée à saisir la police judiciaire afin de verbaliser celui qui fume ou le responsable d’un commerce qui ferme l’œil. Les associations dont les statuts visent la lutte contre le tabagisme ont le droit, le cas échéant, de se constituer partie civile. D’autant plus que les montants des amendes collectés seront réservés à la recherche scientifique. Les établissements publics spécialisés dans la lutte contre le cancer et les soins de maladies, notamment pulmonaires, devront bénéficier de ces fonds. L’amende prévue en cas de vente de cigarettes aux mineurs va de 500 à 2.000 DH. Les mêmes amendes sont prévues pour les buralistes qui ne signalent pas l’avis d’interdiction aux mineurs. Côté fumeurs en infraction, ils seront sommés de payer 50 à 100 DH. Cette amende est portée de 500 à 1.000 DH si le contrevenant est responsable ou employé dans le lieu de l’infraction. Par ailleurs, tout responsable ou employé dans un lieu public, ayant participé à l’infraction ou ayant permis au contrevenant de disposer de produits de tabac, sera puni d’une amende allant de 1.000 à 3.000 DH.
Amin RBOUB