Les candidats de plus en plus vigilants sur le contenu du contrat de travail

Les candidats de plus en plus vigilants sur le contenu du contrat de travail

Publié le : - Auteur : La Vie Eco Carrières

Certaines dispositions relarives à la relation de travail sont régies par la loi et aucun autre accord, même signé et légalisé, ne peut les remplacer et ce, compte tenu du principe de droit bien connu : «Le texte d’ordre public l’emporte sur toute convention particulière» qui ne serait pas favorable au salarié. Ali Serhani, consultant au cabinet Gesper Services, détaille les points importants à surveiller dans un contrat de travail.

La Vie éco : Quelles sont les clauses sur lesquelles il faut être particulièrement vigilant dans un contrat de travail ?
Ali Serhani : Pour le salarié, il faut d’abord savoir qu’il y a un minimum garanti par la loi. Même si vous signez et légalisez un contrat qui vous contraint à «l’esclavage», il sera nul et non avenu, car il y a un principe de droit qui veut que le texte d’ordre public l’emporte sur toute convention particulière.

En revanche, il peut y avoir un accord dont les clauses sont «plus généreuses» que la loi. Par exemple, la loi prévoit 18 jours de congés mais l’employeur peut vous en propose 22. Il faut toutefois qu’il le consigne par écrit.

Cela dit, la clause la plus importante concerne le salaire (fixe et variable) et les primes. Le salaire, comme vous le savez, doit être mentionné en brut. Le salarié doit faire très attention avec le montant mentionné. Rien ne l’empêche de demander à quel salaire net il correspond, bien sûr, avec des explications écrites.

Par exemple, certains employeurs délivrent à chaque personne embauchée une simulation du futur bulletin de paie dans un souci de transparence. Ce qui est excellent puisque ces employeurs n’ont jamais enregistré de plainte ou de demande d’explication après-coup.

Si une part variable est prévue, le salarié peut demander qu’on lui délivre un tableau de commissionnement bien détaillé qui fait ressortir le montant à percevoir une fois les objectifs atteints à l’échéance fixée, pour chaque trimestre, par exemple.

L’employeur, pour sa part, devra veiller à être équitable et éviter de proposer un contrat léonin, surtout si le candidat est en position de faiblesse (par exemple une personne au chômage, même si elle peut faire état d’une expérience précédente probante). Par contre, les profils rares, souvent en position de force, fixent leurs conditions.
Il y a également la «clause d’utilisation de la voiture personnelle ou la mise à disposition d’une voiture de fonction ou de service». Les termes doivent être très clairs pour chaque cas.

Les candidats, de manière générale, lisent-ils attentivement leur contrat de travail ?
Je dirais non quand la personne a pour seule préoccupation de décrocher un job. Cela est valable pour un candidat fraîchement diplômé ou une personne qui a la hantise de se retrouver au chômage.

Je pourrais cependant aussi répondre par l’affirmative car la société marocaine commence à se débarrasser lentement de sa «culture orale». Par exemple, les candidats se méfient de plus en plus des promesses verbales.

La plupart de ceux que nous recevons demandent des conseils mais également des écrits. Ils s’informent sur beaucoup de choses, lisent leur contrat en détail et consultent un proche : avocat, conseiller juridique ou inspecteur du travail. Si l’employeur promet de revaloriser votre salaire dès votre titularisation, demandez que cela soit mentionné par écrit. Laisser des traces permet d’éviter les litiges.

Certaines clauses mentionnées dans le contrat peuvent receler des effets non mesurés par les futurs salariés (clause de mobilité ou de non-concurrence). Comment doivent-ils gérer ces clauses?
Tout d’abord, il m’arrive parfois, à la lecture de certains contrats de travail, de me poser des questions sur le genre de conseillers dont disposent parfois les entreprises et, malheureusement, pas des moindres. En effet, il y a des problèmes dont la résolution obéit au bon sens, mais sur lesquels tout le monde bute.

Pour revenir à votre question, nous pouvons dire que parmi les clauses qui posent véritablement problème, il y a la clause de non-concurrence et la clause dite de «dédit formation».
La première n’est normalement valable que lorsqu’elle est équitable. Ainsi, une clause qui vous prescrit de ne pas travailler pour la concurrence pendant un an, et dans une limite de 100 km, en cas de rupture du contrat, me paraît logique et équitable.

Cependant, que deviendra le salarié qui ne sait rien faire d’autre que ce pour quoi il avait été embauché par son ancien employeur ? Aller chez la concurrence ou créer une entreprise dans laquelle il mettra en valeur son savoir-faire ? La clause de non-concurrence lui interdit ces deux solutions.

Donc, le bon sens voudrait que cette personne puisse avoir de quoi vivre tout en respectant cette clause. D’où l’existence, en Europe par exemple, d’une indemnité dite de «respect de la clause de non-concurrence» que versent les entreprises à leurs ex-employés pour qu’ils ne travaillent pas chez la concurrence ou ne créent pas une entreprise pouvant concurrencer la leur.

Pour ma part, si une entreprise devait s’inquiéter parce qu’un de ses commerciaux, en partant, risque d’emmener sa clientèle, c’est que le problème est ailleurs. En effet, comment expliquer qu’un client vous laisse tomber, juste parce que la personne avec qui il traitait n’est plus en place ? Dans ce cas, c’est la gestion même de l’entreprise qui est à revoir!

Seconde clause, assez importante, et qui est afférente à la formation : la clause de «dédit formation». C’est un dispositif qui oblige un salarié à rembourser les frais de formation en cas de démission précipitée.

Pourtant, un employeur ne doit pas s’attendre à se faire rembourser même si un collaborateur qu’il a formé pour le travail qu’il est tenu de faire a signé toutes les clauses du monde. La loi est claire : vous devez former votre personnel. Ce n’est pas pour rien que l’on parle de formation continue.

Cependant, si pour des considérations de motivation ou autres, vous offrez à votre salarié une formation diplômante comme un MBA, qui n’a rien à voir avec ce qu’il fait, dans ce cas, il devra respecter les délais qui lui sont impartis avant de quitter l’entreprise, sinon il devra «passer à la caisse».

En cas de litige, comment peut-on traiter le différend? Avez-vous des exemples ?
Sachez d’abord qu’un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès. Oui nous avons vécu plusieurs litiges dans lesquels nous étions arbitres. Ils se sont bien terminés pour la plupart. Dans un cas, l’employeur souhaitait coûte que coûte s’appesantir sur certains détails.

Nous lui avons fait savoir que la personne concernée pouvait être le meilleur ambassadeur de son entreprise, même s’il devait la quitter en ne respectant pas la clause de formation qui était, disons-le, sans effet, le contrat ayant été signé dans des conditions assez bizarres. L’employeur a suivi notre conseil et est resté en bons termes avec son ex-collaborateur.

Y a-t-il d’autres points qui appellent à la vigilance ?
Chaque clause est importante. Il faut donc être vigilant sur tous les points. Ce faisant, il est important de se faire assister d’un conseiller (avocat, assureur, notaire, inspecteur du travail…). N’oublions pas que la loi protège le salarié, mais également l’employeur.

Quelles sont les clauses essentielles à prévoir par les hauts cadres (directeur général, directeur commercial…)?
Généralement, les hauts cadres ou DG sont débauchés. Leurs conditions sont souvent acceptées par l’entreprise qui les embauche. Cependant, à part les quelques clauses standard, il y a dans son contrat une clause relative à la stratégie mais également à la
performance, c’est-à-dire qu’il est tenu par des obligations de résultat.

Concernant le DG, je recommanderais une clause relative à son indemnisation en cas d’éviction abusive. Je dis bien abusive et non pas indemnité standard (parachutes dorés) pour un départ en toute circonstance.
Brahim Habriche

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