Les avocats chercheraient-ils à marcher sur les plates bandes des notaires ? Selon les retours du marché, ces professionnels s’impliqueraient de plus en plus dans les transactions immobilières, chasse gardée historique des notaires. Rien ne les en empêche, étant donné que les notaires n’ont le monopole que sur les transactions concernant le logement social à 250 000 DH, qui doivent se faire par acte notarié, selon la loi. Tout le reste est ouvert aux avocats à condition qu’ils soient agréés près la Cour de cassation et que leur signature soit déposée auprès du greffe du tribunal de première instance. Ils trouvent leur voie sur le marché en jouant principalement sur l’argument prix. Tandis que les tarifs des notaires demeurent relativement rigides, autour de 1% du prix de la transaction, les avocats se positionnent avec des honoraires de 0,5% voire 0,25%, ainsi qu’il ressort des pratiques du marché. Ces professionnels profitent aussi d’un avantage naturel sur les transactions nécessitant un traitement juridique, s’agissant par exemple de biens frappés d’immobilisation (prénotation) ou en indivision. «Dans ces cas, les avocats sont en position de fournir aux clients une prestation packagée incluant la consultation juridique, alors qu’en recourant à un notaire il peut être nécessaire de solliciter séparément un avocat, induisant des frais supplémentaires», explique Ihssane Kanouni, avocat un barreau de Casablanca. Même si le notaire prend lui-même tout en charge, le coût pour le client peut rester plus élevé, ces professionnels ayant la réputation de surfacturer leur conseil juridique, aux dires des avocats.
Les adouls s’y mettent aussi en milieu urbain
Ceux-ci ne sont du reste pas les seuls à jouer de plus en plus des coudes avec les notaires. Les adouls, qui ne se positionnent habituellement sur l’immobilier qu’en milieu rural, où les notaires se font rares, commencent aussi à attirer les citadins, notamment sur des actes peu techniques tels que la mainlevée. Là encore, c’est la faiblesse du coût qui séduit. Tandis qu’un adoul facture une mainlevée autour de 1 000 DH, les notaires peuvent en réclamer le double.
Mais les notaires restent sereins quant à la préservation de leur position dominante sur les transactions immobilières. La grande majorité des usagers préfère toujours passer par un notaire pour plus de sécurité, affirme-t-on au sein de la profession. Ces opérateurs estiment même que l’on ne recourt habituellement aux autres corps qu’en cas de transaction à problèmes où le vendeur cherche à dissimuler des éléments à l’acheteur. Si l’on peut voir dans cette affirmation une volonté des notaires de prêcher pour leur paroisse coûte que coûte, il demeure que ces professionnels offrent certaines garanties qui les distinguent. Ils sont effectivement les seuls à consigner le prix de vente lors de la transaction, pour ne le débloquer qu’après inscription de l’acte à la conservation foncière. «Cela est particulièrement sécurisant au Maroc où, conformément à la loi sur l’immatriculation foncière, l’on ne devient propriétaire que le jour où cette inscription est accomplie», explique Amine Touhami El Ouazzani, notaire à Rabat. Les notaires mettent aussi en avant la solidité des actes authentiques qu’ils sont les seuls à émettre. «Ces actes ne peuvent être attaqués que pour faux et usage de faux», explicite un professionnel. A l’inverse, les actes sous seing privé à date certaine rédigés par les avocats peuvent être contestés à tout moment et pour n’importe quel motif. Pour leur part, les actes adoulaires ne deviennent authentiques que lorsque le juge de tutelle leur donne ce caractère.
Bien plus, les notaires sont les seuls à être tenus à une obligation de résultat. «Quand on recourt à un notaire on peut avoir la certitude qu’il inscrira l’acte à la conservation foncière. S’il ne le fait pas, il est fautif», affirme M. El Ouazzani. Ces opérateurs sont ainsi poussés à opérer un ensemble de vérifications sur l’identité des personnes, la validité de leur statut de propriétaire, leur capacité de signature… Par extension, les notaires, à l’inverse des autres corps, engagent leur responsabilité sur toute la chaîne et ils sont même solidaires avec le vendeur pour ce qui est de l’acquittement de l’impôt. Cette responsabilisation est d’autant plus rassurante pour la clientèle qu’elle s’accompagne d’une assurance couvrant les fautes professionnelles des notaires, ce qui distingue là encore ce corps par rapport au reste. Offrant une couverture allant jusqu’à 5 MDH par transaction, cette garantie a déjà été mise en jeu plusieurs fois depuis sa mise en place à la mi-2013.
REDA HARMAK
Les avocats veulent concurrencer les notaires sur les transactions immobilières