«Les prix baissent, le désir monte». Cette annonce publicitaire parue dans la presse (dont La Vie éco), mais également sur des panneaux d’affichage de Casablanca, il y a quelques temps, n’a pas manqué de faire réagir citoyens et professionnels du secteur. Choquante pour certains, y compris parmi les spécialistes de la communication, «originale et attestant d’un grand niveau de créativité» ou encore «osée» pour d’autres. Illustrée par un levier de frein à main, elle aurait paru banale sans son accroche à connotation sexuelle. Si, en Europe, elle aurait juste prêté à sourire, au Maroc, référentiel culturel oblige, elle… gêne aux entournures. Certitude chez les professionnels : «Si cette pub était diffusée à la télévision, elle serait à coup sûr interdite».
Visiblement, et partant de cet exemple, il y a une difficulté à juger et à se prononcer sur le contenu d’un message publicitaire. Une difficulté provenant d’un manque d’encadrement de la création. A ce jour, il n’existe pas de texte législatif spécifique aux pratiques dans le secteur de la publicité. Les seules dispositions et critères relatifs à cette activité figurent principalement dans deux textes législatifs, notamment la loi sur la concurrence et la loi 03-77 relative à la communication audiovisuelle et portant libéralisation du secteur. Pour seules consignes, on peut lire dans ces textes qu’il y a obligation du respect des mœurs et de ne pas offenser les cibles dites vulnérables (enfants et femmes). De ce fait, un message doit être loyal, décent, crédible, honnête et non mensonger.
Mais il se trouve que même ces maigres dispositions sont, le plus souvent, méconnues des professionnels. Ainsi, estime Salim Cheikh, directeur de la régie publicitaire de la Société nationale de la radio télévision (SNRT) et président de la commission marketing de la Chambre de commerce internationale, «lorsqu’une campagne est interdite ou suspendue par la Haca [NDLR : Haute autorité de la communication audiovisuelle], les agences et les annonceurs n’ont aucune information sur les recours possibles, encore moins sur l’autorité à qui s’adresser. Beaucoup plus grave, les agences pensent que la décision est prise au niveau des régies !»
Le désarroi des annonceurs est tout à fait compréhensible car le contrôle de la Haca intervient a posteriori, donc après le démarrage de la campagne. Ce qui se traduit, en cas d’interdiction ou de suspension, par un impact financier substantiel. Par ailleurs, et au-delà des pertes financières, le contrôle de la Haca ne concerne que les supports audiovisuels.
Y a-t-il des médias plus libres que d’autres ?
En effet, le marketing direct, l’affichage et la presse écrite échappent au contrôle de la Haca. Ce qui pose la question de l’existence de médias plus libres que d’autres. Depuis la création en 2002 de cet organisme, neuf campagnes ont été interdites (voir encadré). «Ce n’est pas beaucoup, mais l’impact est important et rend nécessaire la mise en place d’un mécanisme en vue de compléter l’arsenal juridique existant», confie un annonceur de la place. C’est ce qui a poussé les professionnels du secteur publicitaire à envisager la mise en place d’un code d’autorégulation. L’idée n’est pas nouvelle, selon le Groupement des annonceurs du Maroc (GAM) qui précise qu’elle est en germe depuis deux années.
Le débat a été ouvert, mercredi 31 octobre, dans le cadre d’un séminaire sur l’autorégulation de la publicité organisé par la Chambre de commerce internationale (CCI), auquel ont pris part les professionnels du secteur ainsi que des experts étrangers venus exposer les pratiques internationales en la matière. En Europe, il existe depuis 1937 un Code des bonnes pratiques de la publicité qui comprend les pratiques de base et les principes de l’autorégulation. Elaboré par la CCI, ce texte constitue un cadre réglementaire flexible et, en fonction des évolutions du marché publicitaire, a subi plusieurs révisions dont la dernière en 2007. Les professionnels marocains souhaitent s’en inspirer pour l’élaboration du code d’autorégulation. Un texte qui va aller, selon eux, dans le détail du contenu du message publicitaire.
Tous les intervenants de ce marché adhèrent à ce projet et en soulignent l’importance. A l’Union des agences conseil en communication (UACC), on se dit «heureux de voir le sujet de l’autorégulation abordé car il en va de la crédibilité de la publicité et du respect du consommateur» . Le vœu de l’union est donc de compléter les textes existants par un code qui «aborderait de façon détaillée la pratique publicitaire, qui serait souple et évolutif et permettrait aux agences d’exercer dans la sérénité».
Outre ce code, les professionnels insistent sur la nécessité de créer une instance qui regrouperait annonceurs, agences, médias, régies publicitaires et associations de consommateurs. Son rôle serait, en amont, de donner son avis sur la campagne avant le lancement de la production. Elle peut aussi conseiller les agences pour permettre aux créatifs de faire leur métier sereinement et de ne pas être tentés de favoriser en matière de création un média au détriment d’un autre. Aucun calendrier n’est pour l’instant arrêté pour la mise en place du code, mais on estime dans le secteur que ce projet devrait aboutir courant 2008.
Publié le 9 novembre 2007 (LA VIE ECO)