Le Maroc durcit la loi sur le blanchiment des capitaux

Le Maroc durcit la loi sur le blanchiment des capitaux

Publié le : - Auteur : La Vie Eco

Le Maroc renforce son arsenal juridique contre le blanchiment des capitaux. Déposé fin octobre par le ministère de la justice, le projet de loi 13-10 modifiant et complétant le code pénal, le code de procédure pénale et la loi 43-05 sur la lutte contre le blanchiment de capitaux promulgué en 2007 a été déjà examiné par la commission de la justice à la Chambre des représentants. Il devait être adopté mardi 7 décembre, mais le vote a été finalement reporté au 17 du même mois. La commission discutera des propositions de trois groupes parlementaires à savoir l’USFP, le PJD et le PAM avant de l’adopter. «Ce texte répond à un souci des autorités d’harmoniser la loi marocaine en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le terrorisme avec les conventions signées à l’échelle internationale, notamment avec les organisations des Nations Unies», commente Me Mostapha Ramid, député PJD et président de la commission de la justice à la Chambre des représentants.  
Les changements relatifs au code pénal touchent essentiellement l’extension de l’incrimination. La loi 43-05 s’applique à 7 types d’infractions que sont le trafic de stupéfiants et des matières psychotropes ; le trafic d’êtres humains ; le trafic d’immigrants; le trafic illicite d’armes et de munitions ; la corruption, la concussion, le trafic d’influence et le détournement de biens publics et privés ; les infractions de terrorisme et, enfin, la contrefaçon ou la falsification des monnaies, d’effets publics ou d’autres moyens de paiement.
Le nouveau texte étend le blanchiment à 16 autres infractions, dont l’appartenance à une bande terroriste, l’exploitation sexuelle, la dissimulation d’objets obtenus suite à un crime ou délit, l’escroquerie, les infractions qui touchent la propriété industrielle et les droits d’auteur, les infractions commises à l’encontre de l’environnement, la contrebande et la fraude sur les marchandises et les produits alimentaires. De même, la tentative d’infraction sera désormais punie au même titre que l’infraction. 
Dans le même registre du durcissement, la confiscation de tous les objets, instruments et biens ayant servi à commettre l’infraction ainsi que les produits générés par ces biens sera obligatoire en cas de confirmation de l’infraction. Cette disposition est saluée par Me Ramid puisque, dans l’actuel texte, «la confiscation est soit partielle, soit totale, et elle est laissée à la discrétion du juge», souligne-t-il.
Alors qu’elle est actuellement additionnelle, «cette sanction deviendra ainsi principale selon le projet de loi», explique un autre membre de la commission de la justice à la Chambre des représentants, Me Mostapha Ibrahimi du groupe de l’USFP.
Mais la principale nouveauté dans le nouveau texte concerne l’amendement du code de procédure pénale. Il s’agit de l’institution d’une nouvelle disposition dite de «livraison surveillée» qui consiste en l’autorisation d’importations, de transits ou d’exportations surveillés dans le cadre d’enquêtes concernant le trafic illicite de stupéfiants, d’armes, d’engins explosifs, de fausse monnaie, de marchandises volées ou recelées, ainsi que le blanchiment d’argent.
«Cette règle procédurale d’exception répond aux exigences sécuritaires internationales qui ont innové en matière d’enquêtes coordonnées entre Etats pour pouvoir remonter les filières criminelles à la source», indique Me Ibrahimi.

Le PJD contre l’immunité absolue de l’unité de traitement du renseignement financier

Autrement dit, le Maroc peut dorénavant autoriser, à la requête d’un Etat tiers, le passage sur son territoire de chargement de marchandises douteuses et la police se limitera donc à contrôler seulement le mouvement et l’itinéraire de ce chargement ainsi que la sécurité du personnel sans intervenir. Mais cette procédure n’est autorisée que par le procureur général du Roi près la Cour d’appel qui doit avoir l’accord du ministre de la justice. Bien évidemment, la procédure de livraison surveillée n’est pas appliquée si l’opération présente un risque excessif pour les personnes associées à son transport ou un danger pour la sécurité, la souveraineté, la stabilité ou les intérêts de l’Etat. Ce projet, bien accueilli dans l’ensemble, n’échappe pas à quelques critiques. Et le PJD, par le biais de Me Ramid, dénonce la disposition prévoyant le rejet de toute plainte relative à la responsabilité pénale ou civile de l’unité de traitement du renseignement financier, organisme mis en place par la loi actuelle pour recueillir et traiter les renseignements liés au blanchiment de capitaux.
Me Ramid ne cache pas son opposition envers cette «immunité absolue» et plaide pour une «immunité relative pour éviter un éventuel abus de pouvoir d’autant que l’unité n’est pas une instance judiciaire». Autre grief reproché au projet de loi : la possibilité de traitement par la même unité des demandes de confiscation des biens pour des crimes terroristes émanant d’organismes internationaux qualifiés, en particulier le Conseil de sécurité des Nations Unies. «Il s’agit là d’une atteinte à la souveraineté de la justice marocaine», commente le président de la commission de la justice.
Le groupe du PJD n’est pas le seul à faire des remarques. D’autres membres de la même commission ont relevé que certaines infractions comme «la fraude fiscale qui peut servir au financement d’activités illicites» ne figurent pas encore sur la liste des infraction.
FOCUS :La déclaration de soupçon étendue

La loi actuelle oblige, dans le volet préventif et de contrôle, des personnes physiques et morales de transmettre à l’Unité du renseignement financier une déclaration en cas de soupçons de mouvements de capitaux susceptibles de constituer des infractions.
Sont concernés les établissements de crédit ; les banques et sociétés holding offshore ; les compagnies financières ; les entreprises d’assurances et de réassurance ; les contrôleurs des comptes, comptables, externes et conseillers fiscaux ; les personnes membres d’une profession juridique indépendante ; et les personnes exploitant ou gérant des casinos ou des établissements de jeux de hasard.
Le projet de loi intègre sur la liste Bank Al-Maghrib les bureaux de change, les sociétés de transfert de fonds, les sociétés de gestion de fonds; les sociétés de Bourse ; les agents et intermédiaires immobiliers; les commerçants de pierres ou de métaux précieux ainsi que les personnes qui commercialisent régulièrement les objets d’art et les prestataires de services qui interviennent dans la création d’entreprises.

Hakim CHALLOT

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