Le compromis de vente chez le notaire n’est pas obligatoire, estime la Cour de cassation

Le compromis de vente chez le notaire n’est pas obligatoire, estime la Cour de cassation

Publié le : - Auteur : Media24

La Cour de cassation souligne que le compromis de vente immobilière est valable en sous seing privé, l’acte authentique (notarié) n’étant obligatoire que pour le contrat définitif. La plus haute juridiction du Royaume a fait d’une pierre trois coups : dire le droit, révéler une potentielle lacune juridique et, selon des praticiens, souffler un nouveau mode opératoire aux spoliateurs fonciers.

Vous voulez acquérir un bien immobilier ? Vous pouvez conclure un compromis de vente sans passer par le notaire, ni par un avocat agréé. C’est le postulat d’un arrêt prononcé récemment par la Cour de cassation (dossier civil n° 653/1/7/2022).

La décision fait débat dans les milieux juridiques. D’abord parce qu’elle casse le mythe de la promesse de vente par acte authentique. Mais surtout, car elle pourrait saborder des années de lutte contre la spoliation immobilière.

La Cour de cassation devait se prononcer sur un litige autour de la cession d’un terrain agricole. Les faits sont des plus usuels : deux parties ont conclu une promesse de vente qui n’a pas débouché sur un contrat définitif. L’acheteur, qui avait versé un acompte, saisit le juge d’une action pour parfaire l’opération et l’inscrire à la conservation foncière. Manière de contraindre le vendeur à exécuter sa partie du compromis, sous réserve, pour l’acheteur, de verser le reste du prix auprès du tribunal.

Seulement voilà, le requérant sera débouté en première instance et en appel. Motif : le compromis a été établi par acte sous seing privé (contrat dressé par les parties elles-mêmes sans l’intervention d’un officier public). Et que de ce fait, il ne respecte pas les formes énoncées par le Code des droits réels (CDR).

Acte authentique : obligatoire pour la vente définitive, facultatif pour le compromis

En substance, l’article 4 du CDR dit que “tous les actes relatifs au transfert de la propriété ou à l’établissement, au transfert, à la modification ou à l’annulation des autres droits réels doivent être dressés, sous peine de nullité, dans un acte authentique ou dans un acte à date certaine, rédigé par un avocat agréé près la Cour de cassation”. En se fondant sur ce texte, les juges des deux degrés de juridiction ont déclaré “nuls” le compromis en question.

Mais l’acheteur se pourvoit en cassation et, là, revirement. “Le compromis de vente est un simple engagement pour la conclusion d’un contrat de vente. Il se limite à la réalisation des conditions et obligations réciproques des parties qu’il contient, et dont l’exécution conduit à la conclusion d’un contrat définitif qui, le cas échéant, doit être conforme à l’article 4 du Code des droits réels”, rétorque la plus haute juridiction du Royaume.

Autrement dit, l’obligation d’un acte authentique ne vaut que pour la vente définitive. La promesse est possible, au choix des parties, mais rien n’y oblige du point de vue juridique. Et pour cause, le compromis ne génère qu’une “obligation personnelle”, et non un droit réel, estiment les sages. Pour la Cour de cassation, les deux décisions préalables avaient eu tort d’annuler un acte valable.

Une aubaine pour les spoliateurs ?

“On vient de souffler un nouveau procédé aux mafias de la spoliation immobilière !”, s’insurge un avocat sur un ton ironique. “Certains seront tentés d’utiliser cet arrêt pour ouvrir de faux contentieux de pré-notation et en perfection de vente”, ajoute notre interlocuteur. C’est la même action utilisée dans le dossier cité plus haut, sauf que là, cela pourrait être utilisé de mauvaise foi.

Sollicité par nos soins, un autre juriste tire la sonnette d’alarme. “Cet arrêt ouvrira les portes à d’éventuelles guerres judiciaires pour prouver qui a signé quoi, quand et devant qui “, estime Me Ali Ou-Yacoub, notaire à Marrakech.

Un acte sous seing privé offre moins de sécurité juridique, car plus aisément falsifiable. “Une promesse sous seing privé faite par le faux de signature peut donner lieu à des jugements ayant la force de la chose jugée au profit des spoliateurs. Au moment où le propriétaire conteste sa signature, l’acquéreur aura déjà déposé le prix séquestré au tribunal, et demandé l’inscription de la vente à la conservation foncière.”

“Le problème ne s’arrête plus au niveau des promesses sous seing privé. Il risque de s’étendre aux procurations qui serviront à signer lesdites promesses”, poursuit Me Ou-Yacoub. Le sujet des procurations est une autre paire de manches. “C’est un vrai calvaire. Le Conseil national de l’ordre des notaires ne cesse de demander l’instauration d’un registre national des procurations dont la rédaction devrait être la responsabilité exclusive des professionnels, dont les notaires, les adouls et les avocats.”

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