Lanceurs d’alerte dans la fonction publique : le texte bientôt déterré ?

Lanceurs d’alerte dans la fonction publique : le texte bientôt déterré ?

Publié le : - Auteur : LesEco

Le texte vise à protéger l’agent public dénonciateur contre les représailles.

Annoncé en 2019, le projet de loi visant la protection des agents publics qui dénoncent un crime ou un délit dont ils auraient eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions n’a pas encore vu le jour. D’après une source proche du dossier, le texte est pourtant fin prêt et sur la table du Secrétariat général du gouvernement, qui est appelé à l’injecter le plus tôt possible dans le circuit législatif, compte tenu de son importance dans le renforcement de l’intégrité au sein de l’administration publique. Une réunion devrait bientôt se tenir sous la présidence du Chef du gouvernement, afin de déterrer ce projet de loi on ne peut plus essentiel pour détecter et prévenir les mauvaises conduites. Les fonctionnaires sont, en effet, les mieux placés pour identifier les actes répréhensibles au sein de l’administration, à condition que des mesures soient mises en place pour les protéger contre d’éventuelles représailles. Le texte, qui devait initialement être adopté il y a deux ans, vise à protéger l’agent public dénonciateur de toute exclusion ou vengeance et à lui donner des garanties pour l’encourager à aviser la partie concernée.

Fluidité, clarté
Pour cela, le système à mettre en place doit être clair afin de faciliter la tâche aux fonctionnaires. Cependant, ce mécanisme devra également répondre à la nécessité d’éviter les délations, règlements de compte et autres dénonciations calomnieuses sans preuves. C’est pourquoi il est important de définir les modalités de recueil des signalements et leurs traitements, mais aussi la partie auprès de laquelle un agent public pourra lancer une alerte (sa hiérarchie, l’inspecteur général, le médiateur…). Les actes et faits susceptibles d’être signalés doivent aussi être bien définis. À ce titre, les départements ministériels devront se mettre d’accord sur certains points qui feront certainement débat au sein de l’institution législative : faut-il exclure du régime d’alerte certains secteurs ou cas spécifiques ? Dans certains pays, les faits ou documents couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client ne relèvent pas du système de dénonciation. Toutefois, il sera nécessaire de veiller à éviter que les exceptions ne l’emportent sur la règle.

Une législation lacunaire
Pour ce qui est de la protection des agents publics lanceurs d’alerte, celle-ci s’impose pour renforcer la transparence et la reddition des comptes au sein de l’administration. C’est ce qui fait de l’entrée en vigueur de cette législation un pas important pour le Maroc en vue de réglementer les cas de dénonciation par les fonctionnaires. Il faut dire que l’actuelle réglementation est lacunaire et se veut davantage orientée vers la protection des témoins. Les lanceurs d’alerte restent, de fait, exposés aux risques de vengeance et ne bénéficient d’aucune protection. Les dispositions de la loi n° 37-10 sur la protection des victimes, des témoins, des experts et des lanceurs d’alerte restent trop générales et ne permettent pas de protéger, spécifiquement, les agents publics qui avisent d’un crime ou d’un délit détecté dans le cadre d’exercice de leurs fonctions. Aucune référence n’est faite à la protection des lanceurs d’alerte contre les représailles sur le lieu de travail (harcèlement, atteinte à l’image, discrimination dans l’évaluation de la performance, préjudice moral…). Autre remarque: cette législation n’établit aucune différence entre les fonctionnaires et les employés du secteur privé. La protection n’est assurée qu’en cas d’intimidation ou de menaces de violence physique envers le dénonciateur. Plus que cela, c’est à la victime de demander une protection auprès du procureur du Roi, du procureur général du Roi ou du juge d’instruction. La nouvelle législation, qui est très attendue, devrait donc permettre la mise en place d’un statut propre au lanceur d’alerte. Ses droits et ses obligations seront inscrits noir sur blanc, afin de protéger les différentes parties prenantes de toute affaire de dénonciation. Jusqu’à présent, les fonctionnaires osent rarement dénoncer officiellement les violations ou les cas de corruption dont ils sont témoins pendant l’exercice de leurs fonctions.

Ce que recommande l’OCDE…

L’OCDE préconise l’adoption d’une loi spécifique ayant trait aux lanceurs d’alerte ou le renforcement des dispositions en vigueur pour la protection des dénonciateurs. Ainsi, selon cette organisation, le Maroc pourrait préciser dans la loi les formes de représailles contre lesquelles les individus sont protégés. « Cela fournirait aux lanceurs d’alerte un encadrement juridique clair de leur protection, les encourageant ainsi à signaler tout acte répréhensible » explique-t-elle. Le Maroc pourrait aussi envisager de réviser la loi n° 37-10 et son efficacité dans la protection des lanceurs d’alerte dans le secteur privé. L’OCDE recommande également au royaume d’envisager de prévoir dans la législation appropriée des mesures spécifiques aux personnes victimes de représailles suite à une divulgation et de définir les sanctions applicables aux responsables. Par ailleurs, deux écueils sont à éviter : un processus trop rigide, qui obligerait à avoir une connaissance approfondie des subtilités des procédures légales et qui dissuaderait de signaler un comportement répréhensible, ou un environnement où la résolution interne serait contournée à cause d’un processus de signalement négligent.

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