La vente sur plan, un flop ?

La vente sur plan, un flop ?

Publié le : - Auteur : Challenge

La Vente en l’Etat Futur d’Achèvement (VEFA) ou vente sur plan est-elle un flop ? Cette expression relevant plutôt du domaine de la publicité et du marketing, n’est presque pas utilisée par les juristes. Elle s’applique à un produit commercial qui a subi un échec. Le peu d’intérêt porté par les promoteurs immobiliers à la pratique de la vente sur plan en conformité avec le Dahir n° 1-02-309 du 03 octobre 2002 portant promulgation de la loi n° 44-00 relative à la vente d’immeuble en l’état futur d’achèvement, nous pousse à nous interroger sur les raisons de ce désintéressement. Depuis le mois de novembre 2002, date de publication au Bulletin Officiel de la loi n° 44-00 entrée en vigueur le 07 novembre 2003, les congrès, travaux d’études séminaires et publications se sont multipliés pour expliquer les avantages de ce texte. La vente en l’état futur d’achèvement est une innovation dans notre législation qui s’est très tôt avérée lacunaire. En effet, les législations étrangères relatives à la vente en l’état futur d’achèvement, prévoient :
> Un contrat préliminaire (comme un contrat de réservation) ;
> Et un contrat définitif de vente en l’état futur d’achèvement.
Cette subtilité n’a pas été retenue -à tort- par les initiateurs du projet marocain et notre texte s’est limité à réglementer le contrat préliminaire qui ne devrait être qu’une partie de la réglementation en matière de vente en l’état futur d’achèvement.
Ce texte aurait pu éveiller l’intérêt des promoteurs immobiliers marocains et des acquéreurs, s’il avait permis à l’accédant à la propriété de devenir immédiatement propriétaire du bien qui serait édifié au fur et à mesure de sa réalisation. Ainsi, ce mécanisme aurait permis :
> Au promoteur : de construire à moindre coût ;
> Au consommateur : d’acquérir un bien immobilier sur plan en toute sécurité.
La loi n° 44-00 ne va absolument pas dans ce sens et le contrat définitif de vente ne peut être établi qu’après achèvement de l’immeuble et obtention du permis d’habiter et du certificat de conformité (article 618-15 du DOC). Les rédacteurs du projet faisant preuve d’un manque d’audace certain et voulant, à tort, le simplifier au maximum, ont pris en compte la pratique en vigueur au moment de l’élaboration du texte de loi.
Cette pratique consistait en l’établissement d’une promesse de vente synallagmatique (en langage courant « compromis de vente »). Ainsi, la vente en l’état futur d’achèvement est soumise à une réglementation très stricte motivée par plusieurs impératifs. En effet, il s’agit :
> De protéger les acquéreurs des biens en cours de construction, suite aux nombreux abus constatés en pratique ;
> De profiter de l’occasion pour permettre aux promoteurs immobiliers de mobiliser leur financement par les avances sur les prix consenties sans intérêts ;
> De contribuer au développement de l’activité immobilière et surtout du secteur de l’habitat.
Nous constatons malheureusement, qu’il n’a pas été jugé utile, par recherche de simplicité, ou par « omission » de retenir la vente définitive d’un bien immobilier en l’état futur d’achèvement. Par ailleurs, le système foncier marocain de l’immatriculation foncière n’aurait pas permis l’inscription d’une vente d’un bien non encore achevé et dont le titre foncier mère n’a pas encore fait l’objet d’un éclatement. Mais avec de l’audace, la loi foncière aurait également pu être modifiée en prévoyant la création de titres fonciers parcellaires sur plan avant l’achèvement des biens. Sept années se sont écoulées depuis l’entrée en vigueur de la loi relative à la vente en l’état futur d’achèvement, il est désolant de constater « que cette loi n’a pas trouvé preneur ».
Où faut-il chercher les raisons ? Malgré les nouvelles dispositions légales, les pratiques anciennes continuent d’être usitées, les contrats préliminaires établis en conformité avec la loi relative à la vente en l’état futur d’achèvement ne sont presque pas utilisés par la pratique ; il faut préciser que le non-respect du texte entraîne la nullité de la convention. Les procès de plus en plus nombreux sont en annulation du « fameux contrat de réservation » ou « reçu de réservation » qui ne sont ni l’un ni l’autre prévus par le texte de loi. Dans ce secteur où le consommateur de l’immobilier doit être protégé, des mesures doivent être prises pour encourager les promoteurs immobiliers à pratiquer la vente en l’état futur d’achèvement dans le respect des dispositions de la nouvelle loi. Il faut avouer que les conditions prévues par la nouvelle loi ne sont pas du tout contraignantes, le texte prévoit pour l’établissement d’un contrat préliminaire de vente en l’état futur d’achèvement, la production des pièces suivantes :
> 1°) L’autorisation de construire
> 2°) Le plan d’architecture ne varietur
> 3°) Le plan de béton armé
> 4°) Le cahier des charges
> 5°) Le certificat de l’ingénieur attestant l’achèvement des fondations de la construction au niveau du rez-de-chaussée.
> 6°) Une caution bancaire ou similaire de remboursement pour les avances effectuées.

Les cinq premières conditions ne posent aucun problème dans la pratique puisque ces documents sont toujours disponibles au moment du démarrage de la construction. En revanche, l’exigence de production de la caution bancaire de remboursement des avances effectuées par l’accédant à la propriété constitue un obstacle majeur à l’établissement des contrats préliminaires par les promoteurs en conformité avec la loi n° 44-00.
Certes, il est nécessaire et normal que les avances versées pour la réalisation des constructions soient garanties. Mais, en pratique, on constate que le promoteur vendeur se trouve en position de force et ne fournit pas à l’acquéreur la garantie de remboursement prévue par la loi, alors que cette garantie peut être obtenue sans difficultés auprès d’une banque à des taux de 1 ou 2 %, ce qui pourrait protéger efficacement les acquéreurs.
Nous constatons donc que ce texte n’est pas respecté, et l’accédant à la propriété n’est toujours pas protégé. Il serait malheureux d’arriver à des sanctions pénales comme en matière de droit des sociétés ou de lotissement, pour faire respecter des contrats privés, mais il s’agit-là d’un intérêt public de protection du consommateur. La demande dans le secteur économique et le moyen standing reste forte, ce qui ne permet pas à l’accédant à la propriété d’imposer au promoteur vendeur sur plan de lui fournir une caution bancaire ou toute caution similaire garantissant le remboursement des avances effectuées en cas de non réalisation de l’achèvement des constructions. Nous espérons que le projet de réforme de la loi 44-00 puisse trouver une solution au refus de production par les promoteurs d’une caution bancaire pour les avances effectuées et d’envisager une garantie d’achèvement et surtout prévoir des sanctions contre « les levées de fonds » irrégulières.

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