«Le Maroc est un immense chantier de réformes», a affirmé Bruno Dethomas, ambassadeur chef de la Délégation de la Commission européenne. C’était à l’occasion de la présentation par la Commission européenne (CE) du rapport de suivi sur les progrès de mise en œuvre de la Politique européenne de voisinage (PEV) en 2008. Dethomas a indiqué que le rapport sur le Maroc est positif et relève des progrès dans différents secteurs. Si les réformes en matière de démocratie et des droits de l’homme restent relativement peu ambitieuses, des avancées concrètes ont été réalisées, soulève le document. En témoigne l’adoption d’un nouveau code électoral qui renforce la participation des femmes, des mesures de lutte contre la corruption et l’adoption d’un plan d’action stratégique pour l’institutionnalisation de l’égalité entre les sexes.
Cependant, les dysfonctionnements du système judiciaire risquent de vider de leurs effets les réformes législatives entamées. Et pour cause, il n’existe pas encore de cadre juridique réglementant l’observation électorale indépendante. Le plan d’action 2008-2012 du ministère de la Justice se concentre avant tout sur des aspects de gestion (augmentation du nombre des tribunaux, réduction du délai de traitement des dossiers) et la révision de plusieurs lois (code pénal, code de procédure civile, lois sur les tribunaux de commerce) tandis que la loi de Finances 2009 prévoit une augmentation du budget de la Justice. La réforme de la justice, annoncée comme prioritaire par le gouvernement, est ainsi un défi essentiel qu’il est urgent de relever pour asseoir durablement l’Etat de droit et améliorer le climat des affaires, conditions clés d’un rapprochement véritable avec l’UE.
Le climat des affaires continue donc de faire l’objet d’évaluations critiques même si la tendance des flux d’investissement est positive. Les questions de la fiscalité, du système judiciaire pour les entreprises, de l’accès au foncier industriel aménagé et au financement pour les entreprises, et notamment pour les PME, demeurent des défis majeurs. Concernant l’attractivité des investissements, le projet de loi portant création de l’Agence marocaine de développement des investissements a été approuvé en octobre 2008. Le rapport note par ailleurs quelques progrès dans l’activation des instances de concurrence. En août 2008, le président et les membres du Conseil de la concurrence ont été désignés. Celui-ci a un rôle consultatif, il fait des propositions au Premier ministre et ses avis sont publiés, mais il ne prend pas de décisions formelles. La mise en place d’une direction de la concurrence et des prix, placée sous l’autorité du Premier ministre, n’est pas encore faite.
En matière de lutte contre la corruption, malgré quelques réformes (le président de l’Instance centrale de lutte contre la corruption a été nommé et la loi de Finances 2009 a dédié 1,5 million d’euros au fonctionnement de cette instance), le Maroc a régressé en 2008 selon les enquêtes internationales. Pour atteindre les objectifs du Plan d’Action PEV, les institutions, les mécanismes de contrôle et d’exécution et les procédures devront être renforcés, selon le rapport.
Des entraves à la liberté de la presse subsistent et plusieurs manifestations ont été dispersées violemment, rappelle le rapport. Le dialogue politique et de sécurité avec l’UE s’est développé, notamment sur l’identification de coopérations possibles au sein des organisations internationales, la lutte contre le crime organisé, la coopération sur les questions migratoires et la gestion des frontières. Les négociations sur l’accord de réadmission n’ont pas progressé autant qu’attendu. Le gouvernement s’est progressivement attelé à poursuivre les réformes structurelles. Le cadre macroéconomique a été consolidé malgré un contexte peu favorable et en dépit d’une compétitivité et d’une attractivité à l’investissement hors immobilier encore à améliorer. Une importante réforme de l’agriculture a été initiée pour améliorer sa productivité et renforcer son rôle essentiel dans la lutte contre la pauvreté. Le taux de pauvreté est en légère régression. Le Maroc a réalisé des progrès considérables dans la mise en œuvre de ses programmes dans les secteurs de l’eau et de l’assainissement. Suite à un diagnostic sévère des faiblesses du système éducatif, le gouvernement a fortement augmenté le budget de l’éducation.
Les efforts budgétaires en matière de santé sont aussi notables. Le gouvernement marocain a continué à appliquer une politique volontariste et ambitieuse en matière sociale et de réduction des déficits sociaux. Mais le Maroc a reculé en matière de développement humain, confirmant ainsi la difficulté à transformer la croissance en développement social. Les défis sociaux restent cependant énormes et nécessiteront une action soutenue et cohérente de redistribution sociale sur le long terme pour permettre un rattrapage en matière d’indicateurs de développement humain.
Relance de l’UPM
Une réunion tenue à Bruxelles a précédé celle de Rabat. Elle a été consacrée au bilan de la politique de voisinage de l’UE et a permis en même temps de reprendre les efforts diplomatiques pour relancer l’UPM, en panne depuis le conflit à Gaza. La commissaire européenne aux Relations extérieures Benita Ferrero-Waldner a qualifié de «nécessaire» la rencontre, au niveau des ambassadeurs, «car les uns et les autres doivent se parler franchement sur ce qui est arrivé et sur ce qu’on peut faire pour aller de l’avant». A Bruxelles, les pays membres de l’UPM se sont retrouvés pour la première fois depuis l’offensive israélienne à Gaza le 27 décembre, pour tenter de relancer le processus. Le diplomate en chef de l’UE, Javier Solana, a participé à l’ouverture de la réunion «pour envoyer un message disant que nous sommes préoccupés par cette situation», a indiqué sa porte-parole.
J. K.