La numérisation des services publics face à la propagation du coronavirus et ses effets juridiques

La numérisation des services publics face à la propagation du coronavirus et ses effets juridiques

Publié le : - Auteur : Ecoactu

Depuis que les pays développés ont commencé à formuler le concept de Service public, l’administration continue à s’enrichir en termes de prestations de service public qui devient de plus en plus importante.

Le Maroc, considéré comme un pays en voie de développement, a accordé une priorité aux prestations offertes par le service public comme il a été édicté dans la constitution de 2011.

D’ailleurs, suite aux circonstances sanitaires exceptionnelles actuelles engendrées par la propagation du virus COVID 19,  l’Etat a déclaré l’état sanitaire et les personnes publiques et les personnes privées sont invitées à généraliser les outils numériques pour garantir la poursuite de toutes les activités ne nécessitant pas une présence physique de leurs membres surtout celles dont l’arrêt ou le simple dysfonctionnement aurait un impact très important sur le fonctionnement de la société dans son ensemble.

On parle donc d’une numérisation généralisée du fonctionnement des services publics. Cette information semble pouvoir s’appliquer à l’ensemble du système juridique qui doit faire face aujourd’hui au Coronavirus, cas du recours à des cours en ligne qui se sont multipliés jusqu’à devenir sans doute la modalité de fonctionnement par défaut du service public de l’enseignement.

L’analyse de ce sujet, nous pousse à soulever la question suivante : quel est l’impact de cette numérisation sur les principes du fonctionnement des services publics, ainsi que sur les droits et les libertés garantis aux individus.

 Le traitement de cette problématique se fera en deux volets, en commençant par l’impact de cette numérisation sur les principes du fonctionnement des services publics, et par la suite l’impact de cette numérisation sur les droits et les libertés garantis aux individus.

 Il ne fait nul doute que les services publics étaient déjà en voie de numérisation bien avant l’apparition de la pandémie, en tant que nouveau système de fonctionnement des services publics et ce, bien sûr, en conformité avec le principe de mutabilité desdits services. De ce fait, la numérisation actuelle du fonctionnement des services publics ne peut être analysée que comme un moyen dû à la nécessité d’assurer le respect du principe de la continuité des services publics, suite à la prorogation croissante de COVID 19.

Les événements actuels liés au Covid19 et les mesures de confinement poussent les états et les entreprises à prendre des mesures sanitaires et changer leur manière de travail. Face a une telle situation, le Maroc n’a d’autres choix que de doubler les efforts  afin de généraliser les outils de numérisation des services publics particulièrement lorsque les activités ne nécessitent pas une présence physique.

Dans ce sens, Le Maroc a pris l’initiative permettant aux usagers de demander leurs documents et d’effectuer certaines formalités en ligne. En effet, la CNSS a mis en place une plate-forme en ligne qui permettra aux employeurs de déclarer leur situation et leurs salariés qui sont en arrêt de travail sans se déplacer, dans le but de faire face à la propagation de cette pandémie.
Ainsi, l’Agence de développement du digital (ADD) a pris, en coordination avec le ministère de l’Économie, des Finances et de la Réforme de l’administration, un ensemble de mesures visant à appuyer les administrations publiques dans l’adoption de ce type de solutions. Dans le même sens  le lancement de l’opération de l’enseignement à distance, via le portail électronique TelmidTice et sur la chaîne TV Athaqafia.

Alors tout service public doit fonctionner de manière régulière, sans interruptions autres que celles prévues par la réglementation en cours, et en fonction des besoins et des attentes des usagers, jusque dans les zones rurales et les quartiers en difficulté.

Donc si le principe de continuité est vu comme l’obligation première s’imposant avec force à tous les services publics considérés comme essentiels, il n’en est pas de même  pour le principe d’égalité devant les services publics qui reste délimité en raison de plusieurs contraintes qui le mettent  parfois en échec.

En effet, L’article 154 de la Constitution marocaine dispose : « Les services publics sont organisés sur la base de l’égal accès des citoyennes et citoyens, de la couverture équitable du territoire national et de la continuité des prestations. Ils sont soumis aux normes de qualité, de transparence, de reddition des comptes et de responsabilité, et sont régis par les principes et valeurs démocratiques consacrés par la Constitution. ».

Ce principe d’égalité impose qu’aucune discrimination ne soit faite entre les usagers : chacun doit pouvoir bénéficier des services de l’administration sans se trouver pénalisé ou infériorisé en raison de sa condition sociale, de son handicap, de son lieu de résidence, ou de tout autre motif tenant à sa situation personnelle ou à celle du groupe social auquel il appartient.

Cette égalité d’accès et de traitement n’interdit pas de différencier les modes d’action en fonction de la diversité des situations et des besoins des usagers, afin de lutter contre les inégalités économiques et sociales. On parle alors plutôt d’équité.

La mise en place de la numérisation des services publics n’est pas si facile comme on le croit. Il est possible d’observer dans ce cadre deux contraintes de cette brusque numérisation desdits services :

Premièrement, l’égalité d’accès aux services publics est remise en cause par une fracture numérique qui est à la fois sociale et géographique qui risque d’exclure certaines catégories du bénéfice de cette numérisation ;

  • Sociale, car certains usagers ne sont pas internautes ou l’absence de maîtrise de l’outil informatique peut même être une cause de renonciation aux prestations.
  • Géographiquement, car cette égalité d’accès est aussi relativisée par la présence des zones blanches sur le territoire national qui ne disposent d’aucune couverture mobile et/ou Internet.

Deuxièmement, certaines prestations de services publics sont totalement numérisées notamment celles du service public de l’enseignement. Or, il est possible de s’interroger sur la validité juridique de cette solution vis-à-vis des dernières évolutions.

D’ailleurs, la lutte contre la pandémie se manifeste par une utilisation accrue d’outils numériques. La confiance et la fiabilité imposent de se comporter en toute circonstance en partenaires loyaux.

L’usager a droit à la sécurité juridique, à la fiabilité dans ses relations avec l’administration. Les modalités et les conditions de fonctionnement des services publics doivent être clairement définies. Toute nouvelle règle doit être accompagnée de modalités permettant à l’usager de s’adapter dans les meilleures conditions.

Il est apparu très tôt durant la période de la crise du coronavirus que le traitement des données personnelles représentait une solution pour limiter l’ampleur et la rapidité de la contagion. D’une part, les données de santé du malade du coronavirus permettent évidemment d’améliorer les connaissances médicales sur le virus et notamment, sur son historique de contagion, ce qui permettra de soutenir les services publics de santé pour lutter contre la pandémie, d’autre part, les données personnelles sont de plus en plus utilisées dans les Etats touchés par la pandémie par le service de la police afin de s’assurer que la mesure de distanciation sociale soit respectée.

En France, par exemple, les données de localisation sont exploitées car les Smartphones sont partout, ce qui facilite, par voie de conséquence, d’avoir une information précise sur les déplacements des individus grâce à l’accès aux données de la localisation. Mais, il faut juste préciser que l’accès à ces données est restreint et n’aura lieu que dans des circonstances bien limitées.

C’est dans ce sens que les autorités de contrôle ont pris des mesures et ont émis des recommandations. Certaines adaptations ont vu le jour en matière de protection des données des collaborateurs, en matière de protection des travailleurs en site, en matière d’utilisation de la technique de reconnaissance faciale par les banques, ainsi qu’en matière de traçage des personnes potentiellement atteintes de COVID-19.  Ainsi, le gouvernement a émis sa volonté d’utiliser, pendant la crise sanitaire, une application lui permettant le traçage des atteints de COVID-19 afin de mieux gérer le dépistage des contaminations.

Le traçage consiste à identifier les personnes ayant été en contact avec des cas confirmés. Cette protection des données personnelles reste soumise aux dispositions légales en vigueur, et notamment à la loi n° 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel, et/ou au Règlement européen sur la protection des données (RGPD) quand les clients dont les données sont traitées au Maroc sont européens ou résidents sur le sol européen.

Finalement on constate que depuis quelques années qui précédent, le Maroc a  établi un programme de numérisation des services sociaux, des services de santé public et de l’éducation  nationale. Mais dans un pays comme le notre, la numérisation ne peut avancer  que  grâce à une volonté politique. A titre d’exemple au lieu d’accorder à chaque  personne une carte pour faire ses achats et qu’il puisse retirer sa pension ou son aide sociale, on constate qu’il y a encore des personnes dans des scènes des queux  catastrophiques devant  les guichets et  les bureaux de poste.

Pour terminer, on pose une dernière question une fois cette crise majeure sera surmontée, que resterait-il du sort de la numérisation des services publics.

Il était évidemment impossible de se prononcer avec certitude, cependant il parait probable que la crise du coronavirus accélère la numérisation des services publics notamment en pérennisant l’utilisation des procédures de télétravail par exemple ou l’accès à distance des usagers

Par Imane El Yousfi, EcoActu

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