Younes Anibar, avocat d’affaires et président de l’Association de protection des consommateurs Uniconso, revient sur les apports de la nouvelle loi sur le bail commercial.
– L’Economiste: En quoi la nouvelle loi constitue-t-elle une avancée par rapport à l’ancienne réglementation?
– Younes Anibar: La nouvelle loi 49.16 relative au bail des immeubles et locaux à usage commercial, industriel et artisanal constitue une grande avancée dans le paysage juridique en raison de l’inadaptation du dahir du 24 mai 1955 à nouvelles réalités socioéconomiques marocaines. En effet, la complexité d’interprétation de ses dispositions et celle de la procédure qu’il instituait en la matière ont provoqué une disparité de décisions judiciaires et un alourdissement du traitement des dossiers y afférents. La loi 49.16 comporte désormais des dispositions qui devraient contribuer à réinstaurer l’équilibre des droits et obligations entre propriétaires et locataires.
– Le texte introduit le principe de la déspécialisation des locaux. La procédure est-elle verrouillée?
– Le texte de la loi 49.16 permet désormais de mieux cerner les biens et locaux concernés par son application, ce qui mettra assurément un terme aux débats judiciaires quant à l’assujettissement ou non à la législation relative au bail commercial. En effet, la jurisprudence s’est très souvent prononcée sur la question afin de considérer l’exclusion de certains biens et locaux du champ d’application de la loi sur le bail commercial. Désormais la loi 49.16 en confirme le fondement en écartant du champ de son application les magasins et locaux commerciaux sis au sein de centres commerciaux ainsi que ceux situés dans les zones réservées aux activités d’offshoring. Par conséquent, ces dits biens immeubles ou locaux seront soumis au dahir des obligations et contrats du 12 août 1913.
– L’indemnité pour rupture du contrat est basée sur le montant du pas de porte ou les déclarations fiscales. Qu’en est-il des commerçants qui ne tiennent pas de comptabilité?
– La loi 49.16 prévoit désormais un système de calcul de l’indemnité de résiliation au profit du locataire basé sur les déclarations fiscales. Idée ingénieuse afin d’assurer plus de transparence dans les opérations comptables. La loi ne peut par ailleurs prévoir un système pour les commerçants qui ne tiennent pas de comptabilité. La raison est évidente: une loi ne peut prévoir un régime spécial pour une situation illégale.
– Y a-t-il des dispositions spécifiques à certaines activités comme les officines?
– Les pharmaciens sont soumis à la loi 17.04 portant code du médicament et de la pharmacie. Cette loi les soumet aux dispositions du dahir du 24 mai 1955 dans son article 61. Celui-ci institue par ailleurs une dérogation quant au bénéfice du droit de renouvellement du contrat qui est reconnu dès l’ouverture de l’officier.
A cet effet, il est utile de rappeler que les pharmaciens sont soumis, de par leur statut juridique, au bail commercial. Par conséquent, les termes de la nouvelle loi 49.16 leur seront applicables à condition de justifier le bail par écrit. Se posera un problème d’interprétation, la loi 49.16 n’étant applicable qu’à la condition de l’existence d’un écrit, à défaut, les co-contractants seront soumis au dahir des obligations et contrats. Qu’en sera-t-il pour les pharmaciens n’ayant pas de support écrit de leur relation de bail? Sachant que la loi 17.04 fait référence à un texte dont les dispositions ne seront plus applicables?
Propos recueillis par
Hassan EL ARIF
http://www.leconomiste.com/article/1008397-la-loi-retablit-l-equilibre-entre-bailleur-et-locataire