Justice: Y arrivera-t-on?

Justice: Y arrivera-t-on?

Publié le : - Auteur : L'Economiste

A l’heure où l’on ne parle que de la réforme de la justice, Abdelwahed Radi sera-il à la hauteur du challenge»?
Il n’est pas homme de rupture, mais du «changement dans la continuité». Ce n’est pas seulement une question d’âge. Car le septuagénaire déteste le clonage, les guerres générationnelles et encore plus les dinosaures: «Plus que la biologie, l’idéologie doit primer en politique», déclarait Radi lorsqu’il s’est présenté à la candidature du secrétariat général de l’Union socialiste des forces populaires (USFP)(1).
Justement, la réforme de la justice cache un autre enjeu. Et particulièrement pour le parti de la rose qui, rappelons-le, est aux manettes de ce ministère depuis sept ans déjà. C’est d’ailleurs son frère d’armes, feu Mohammed Bouzoubaâ (2002-2007), qui a géré ce département durant le gouvernement Jettou. Du coup, le ministère de la Justice, considéré jadis de «souveraineté», a basculé chez les politiques.
Sur ce point-là, le Parti de l’Istiqlal s’est peut-être avéré plus malin en optant dès le départ pour des secteurs en vogue, tels que le tourisme ou l’habitat.
Pour l’USFP, mener la réforme dans un ministère bourbier est à double tranchant: au cas où celle-ci chancelle, c’est un coup de grâce pour la réputation des socialistes.
En fin politicien, Radi parle d’un travail de longue haleine pour mener à terme la réforme. Autrement dit, il lègue une partie des responsabilités politiques à ses successeurs… Certes, la réforme institutionnelle s’impose, mais celle des mentalités aussi.
N’empêche que l’USFP est bien introduite dans les milieux judiciaires et particulièrement dans les barreaux. La loi 28-08 organisant la profession des avocats a été en grande partie soutenue, durant l’époque de Bouzoubaâ (lui aussi avocat), par le parti de la rose: la difficulté d’appliquer l’article 57 (celui-ci impose aux robes noires de créer des comptes de dépôts et de règlements) démontre à quel point réformer les professions du droit est un exercice ardu. Malgré un délai de grâce d’un an accordé par la loi, les avocats n’arrivent pas à s’entendre sur les modalités de fonctionnement de ces comptes… A ce propos, Radi a formulé une réponse évasive.
Toujours est-il que la réforme, c’est de l’argent aussi. Le ministre a bataillé pour avoir un budget correct pour les salaires: il a même brandi la carte d’un arbitrage royal (voir p. 14). «Le budget de fonctionnement est passé de près de 189 millions de DH en 2007 à plus de 335 millions de DH en 2010. Quant au budget d’investissement, il est d’un peu plus de 334 millions contre plus de 200 millions de DH», précise le ministre. Avant de débattre de la loi de Finances, Radi revendiquait un budget de 749 millions de DH (fonctionnement, investissement et salaires…).
Il a conclu, dans la foulée, une convention avec la CDG «pour construire cinq ou six tribunaux». Un contrat avec Al Omrane est en perspective «pour aller plus vite dans la construction des futures juridictions». En 2009, «tous les crédits d’investissements alloués au ministère de la Justice ont été engagés».
D’un côté la réforme, de l’autre la grève des fonctionnaires de la justice. Menée principalement par deux syndicats, la CDT et l’UMT. Comment l’expliquez-vous? «Il n’y a pas d’explication… Si ce n’est qu’il s’agit de revendications sociales», rétorque Radi. Consensuel, évasif, conformiste…. Ce n’est pas pour rien que le doyen des parlementaires est ministre de la Justice.

Faiçal FAQUIHI
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(1) Voir notre article «Radi mise sur l’identité socialiste», L’Economiste du 2 juin 2008 (cf.www.leconomiste.com).

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