Coup d’accélérateur sur le projet de digitalisation du système judiciaire. Benabdelkader annonce les chantiers en cours et dresse le bilan de ceux déjà opérationnels.
Au Maroc, le « Tribunal numérique » n’est pas une réalité, ou pas tout à fait. Mais le Royaume avance ses pions dans ce sens. Les détails récemment dévoilés par le ministère de la Justice suggèrent une accélération dans la réalisation de cette ambition, muée en obligation à l’heure de la distanciation sociale.
« A cause de la pandémie Covid-19, la situation du secteur de la justice a montré la nécessité impérieuse d’élaborer une nouvelle réflexion dans le domaine de la modernisation et la numérisation », explique Mohamed Benabdelkader, ministre de la Justice. Mercredi 28 octobre, il présentait son projet de budget sectoriel 2021 devant la commission de la législation à la Chambre des représentants.
Le ministère s’appuiera sur son schéma directeur de transformation numérique. Dévoilé en juin, ce dernier contient six programmes, portant notamment sur la création du portail intégré d’accès à la justice, la généralisation de l’échange électronique de documents, la gestion dématérialisée des dossiers judiciaires ou encore sur la diffusion de l’information juridique et judiciaire.
3 projets dès 2021
Les six projets s’articulent eux-mêmes autour de 22 projets. Le département de Benabdelkader prévoit d’en réaliser trois dès l’année 2021 (projet du dossier judiciaire électronique, référentiel national électronique des professionnels de la justice ainsi que la dématérialisation des registres des consignations).
Les projets contenus dans le « schéma directeur » viendront s’ajouter à ceux préalablement programmés et qui se trouvent actuellement à des stades plus ou moins avancés, voire déjà opérationnels. Le ministère évoque ainsi, notamment, le registre national électronique des suretés mobilières qui, depuis son lancement en mars 2020, compte plus de 2.000 inscriptions pour 66.225 recherches.
Benabdelkader revient sur des outils devenus usuels dans la sphère judiciaire et en dehors. Permettant au public de suivre des affaires en cours, le site Mahakim.ma – et son application – a enregistré 12,5 millions de recherches durant les 9 premiers mois de l’année en cours.
Sur les chantiers en attente, le ministère annonce le dépôt, dès l’année 2021, de l’avant-projet de loi relatif à l’usage des moyens électroniques dans les procédures civile et pénale. Ce texte donnera assise légale à l’un des outils phare de la numérisation. Il s’agit de la plateforme d’échange électronique avec les avocats (Portailavocat.justice.gov.ma).
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Notification électronique
Ce mécanisme est opérationnel dans plusieurs juridictions, en attendant sa « légalisation ». Pour autant, le ministère note un intérêt croissant des robes noires pour le portail depuis « l’arrêt » qu’ont connu les tribunaux durant le confinement sanitaire. Jusqu’au 23 octobre, 955 avocats y ont ouvert un compte. Le nombre de mémoires déposés a pour sa part atteint 6.031
Et pour cause, le portail propose un large panel de services à distance, parmi lesquels l’enregistrement des actions, la présentation des requêtes et mémoires et autres actes intervenant au cours du procès. Le portail permet aussi le paiement en ligne ainsi que l’échange électronique des documents entre l’avocat et le tribunal. Son système d’archivage offre aux avocats un moyen de stocker automatiquement leurs dossiers qu’ils peuvent consulter à distance, partout et tout le temps.
Autre option, et pas des moindres : L’avocat peut, s’il y consent, recevoir des notifications via la même plateforme. Ce qui revient à instaurer un système de notification électronique au lieu des modes traditionnels de notifications, notamment par huissier de justice. Prévue dans l’avant-projet de loi, cette méthode ne bénéficie actuellement d’aucun encadrement légal.
Paiement électronique
Par ailleurs, le ministère a entamé la mise en œuvre du paiement électronique multi-canal. Ce mécanisme a été expérimenté dans le TPI de Kénitra, le tribunal de commerce de Marrakech et dans le tribunal de commerce de Casablanca. Le ministère planche sur sa généralisation avant la fin de l’année en cours.
Durant cette année et jusqu’au 23 octobre, un total de 572.107 opérations de paiement ont eu lieux via les différents canaux numériques, contre 126.026 l’année précédente. Depuis la mise en place du paiement électronique en 2018, les sommes prélevées par ce biais ont atteint 20,6 MDH.
Sur ce même registre, il est question de généraliser l’installation des terminaux de paiement électronique auprès des caisses des tribunaux. Cette technique est actuellement en vigueur au tribunal de commerce de Rabat. A travers ces outils, le ministère espère renforcer « la transparence » tout en limitant l’usage de l’argent liquide et le traitement direct avec les justiciables et usagers.
Désignation aléatoire des juges
Un logiciel pour choisir le juge. Cet outil est en vigueur dans certains tribunaux (ex : tribunal de commerce et Cour d’appel de commerce de Casablanca), mais n’a toujours pas de base légale. Le ministère annonce son encadrement dans la future loi relative à l’usage des moyens électroniques dans les procédures civile et pénale.
Ce système informatique assure une répartition « aléatoire » des dossiers sur les juges-rapporteurs ou en charge. « Il s’agit d’instaurer une transparence totale dans l’opération de désignation des instances chargée de statuer sur les dossiers », justifie le ministère. Manière aussi d’évincer tout soupçon de « connivence » ou de « favoritisme » quant au choix de tel ou tel magistrat.
Demandes de mariage en ligne
Benabdelkader annonce enfin la généralisation prochaine de la plateforme des Adouls dédiée aux demandes d’autorisation de mariage. Cet outil est actuellement utilisé au tribunal social de Casablanca et au tribunal de la famille de Salé.
Pour l’instant, on compte pas moins de 2.150 inscriptions parmi les adouls pour 12.350 demandes d’autorisation de mariage déposées, rapporte le département de Benabdelkader.
Par : A.E.H