Justice: Une réforme difficile mais pas impossible

Justice: Une réforme difficile mais pas impossible

Publié le : - Auteur : L'Economiste

La justice encore et toujours… Depuis 2007, c’est la troisième fois que le discours royal revient sur la réforme de la justice. C’est dans cette optique qu’une batterie de mesures sera «prochainement annoncée», a précisé le Souverain dans le discours du Trône du 30 juillet.
En attendant, le ministre la Justice, Abdelwahed Radi, continue ses consultations. Ses conclusions serviront en principe de plateforme pour cette future réforme.
Début mai, les parlementaires ont donné leur avis via la commission de la Justice, de la législation et des droits de l’homme. Partis politiques, syndicats, associations professionnelles auraient également formulé leurs opinions (cf. L’Economiste du 6 mai 2009). Même l’Instance de prévention contre la corruption a été sollicitée.
N’empêche que le département de la Justice opère dans la discrétion. Il souhaite éviter, peut-être, un blocage qui risquerait de retarder ce dossier particulièrement sensible. La justice demeure un thème de prédilection pour nourrir les polémiques.
Contacté par L’Economiste, le ministre est resté injoignable.
Toujours est-il que dans le débat qui se profile, la société civile a pris les devants.
Un mémorandum, «Réforme de la justice au Maroc» a été déjà rendu public le 6 avril dernier. Plusieurs associations, dont le chef de file est Adala, ont dressé un pronostic sans concession. L’indépendance des juges figure en première ligne.
Une indépendance «laminée par le contrôle exercé sur leur vie professionnelle: mutation, promotion, sanction…». D’où les critiques formulées à l’encontre de «la tutelle exercée par le Conseil supérieur de la magistrature».
Les «failles du référentiel légal (conventions relatives aux droits humains, constitution), les garanties aux droits de la défense ou encore la gestion des juridictions sont aussi soulevées par le mémorandum. Sur ce chapitre, le rapport choc 2007-2008 de l’Inspection générale chargée de contrôler les instances judiciaires est édifiant: des articles de loi mis au placard, des expertises judiciaires à deux sous, des procédures boiteuses; des jugements sans exécution… Ce sont ainsi 22 tribunaux de première instance, 12 cours d’appel, 5 tribunaux commerciaux et un tribunal administratif qui sont passés au peigne fin, soit 37% des juridictions nationales. Chaque magistrat traite en moyenne 1.000 dossiers par an alors que la norme internationale est de 500. Annuellement, 3,16 millions de litiges sont examinés et les jugements ne sont prononcés que dans 79% des cas. Le reste devient un cumul. Les 30 millions de justiciables disposent en tout et pour tout de 3.322 magistrats. Certes le ministère a entamé l’exécution de son Plan 2009-2012: formation et informatisation…
Ce joli panorama révèle en tout cas la réalité de nos juridictions et l’urgence de la réforme. Faut-il aussi revenir sur le rapport de l’Instance équité et réconciliation émis en novembre 2005? Ses recommandations, hélas enterrées depuis, appellent aussi à la réforme de la justice. Dans son Livre blanc 2007, même le patronat ne mâche pas ses mots. Il évoque une «justice biaisée par la corruption, le manque de transparence…». Des ingrédients nuisibles au climat des affaires et à l’investissement.
Derrière cette réforme tant attendue, c’est un projet de société qui est en jeu. Sommes-nous, enfin, prêts pour faire le pas?

Faiçal FAQUIHI

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