Justice pénale : fini la prison pour les “petits délits” !

Justice pénale : fini la prison pour les “petits délits” !

Publié le : - Auteur : LesEco

Le Conseil de gouvernement vient d’adopter un projet de loi relatif aux peines alternatives destinées à se substituer à la peine privative de liberté dans les cas de délits mineurs, conformément aux normes internationales en la matière. Cette initiative vise à réduire la surpopulation carcérale et à réintégrer les délinquants mineurs dans la société, tout en améliorant l’efficacité du système judiciaire. 

Fini la prison pour les petits délits, le Maroc opte pour le travail d’intérêt général. Le Royaume s’aligne ainsi sur les normes internationales en matière de justice pénale en optant pour les peines alternatives dans les cas de délits mineurs. Fini les prisons bondées, les cellules sombres et tristes, pour cette catégorie de délinquants. Place aux travaux d’intérêt général et aux mesures de surveillance électronique (les bracelets ou autres), aux restrictions de certains droits, ou encore à l’imposition de mesures de surveillance, de traitement ou de réhabilitation (chapitre 2-35 de la loi) ! Les délinquants mineurs pourront ainsi se racheter en nettoyant les rues ou en plantant des arbres. Réuni jeudi 8 juin 2023 en Conseil de gouvernement à Rabat, le gouvernement a adopté le projet de loi n°43.22 relatif aux peines alternatives (nouvelle version), présenté par le ministre de la Justice.

Ce projet de loi vise à introduire des alternatives à la peine privative de liberté dans les cas de délits mineurs, conformément aux normes internationales en la matière. Le projet de loi prévoit, notamment, la possibilité de prononcer des peines alternatives dans les cas où la peine privative de liberté ne dépasse pas cinq ans. Ces peines pourraient inclure le travail d’intérêt général, la surveillance électronique, la restriction de certains droits ou l’imposition de mesures de surveillance, de traitement ou de réadaptation.

Toutefois, le projet de loi exclut la possibilité de prononcer des peines alternatives dans les cas de crimes liés à la sécurité de l’État et au terrorisme, ou les cas de corruption, blanchiment d’argent, trafic d’influence ou détournement de fonds publics, abus de confiance, trafic de drogue, trafic de stupéfiants, trafic d’organes humains et exploitation sexuelle des mineurs ou des personnes en situation de handicap (chapitre 3-35 de la loi). Comme nous l’explique un juriste, «le recours aux peines alternatives permettra de réduire la surpopulation carcérale et de réintégrer les délinquants mineurs dans la société, en leur offrant une seconde chance de se réinsérer. Cela pourrait également contribuer à réduire les coûts associés à la détention et à améliorer l’efficacité du système judiciaire».

Cependant, la mise en œuvre de ce projet de loi pose des défis. Les peines alternatives doivent être mises en œuvre de manière équitable et il faut que les délinquants bénéficiant de ces peines soient correctement encadrés et suivis pour éviter les récidives. Il est également essentiel que les ressources nécessaires soient mises à disposition pour garantir la mise en œuvre efficace de ce projet de loi.

Nuance entre peines «originelles», «alternatives» ou «supplémentaires»
Le projet de loi numéro 43.22 concernant les peines alternatives va modifier l’article 14 du Code pénal en conséquence. Selon cet article modifié, les peines peuvent être originelles, alternatives ou supplémentaires. Une peine est considérée comme «originelle» si elle peut être prononcée seule, sans être ajoutée à une autre. Une peine est considérée comme «alternative» si elle peut être prononcée en remplacement d’une peine privative de liberté. Une peine est considérée comme «supplémentaire» si elle ne peut pas être prononcée seule et doit être ajoutée à une peine originelle ou alternative, ou si elle est le résultat d’une peine originelle.

La deuxième partie de la loi modifie également la première partie du Code pénal en ajoutant un nouveau chapitre sur les peines alternatives. Ce chapitre stipule que les peines alternatives sont des peines qui peuvent être prononcées en remplacement des peines privatives de liberté dans les délits pour lesquels la peine ne dépasse pas cinq ans de prison ferme. Les peines alternatives ne sont pas prononcées en cas de récidive. Si le condamné respecte les obligations qui lui sont imposées, la peine alternative empêche l’exécution de la peine privative de liberté, conformément aux conditions et aux dispositions énoncées dans le texte. Par ailleurs, les peines alternatives sont soumises aux mêmes dispositions légales que les peines originelles, y compris les règles de détermination de la peine. Il faut savoir aussi que l’exécution d’une peine alternative n’empêche pas l’exécution des peines supplémentaires et des mesures préventives.

Les coûts cachés de la détention
La détention est souvent considérée comme la peine la plus sévère que peut infliger un système judiciaire. Cependant, au-delà de son aspect punitif, la détention est également associée à des coûts importants pour la société. Dans ce qui suit, nous mettons en lumière les coûts associés à la détention et leur impact sur l’économie et le système juridique. Tout d’abord, il convient de mentionner les coûts directs de la détention, tels que les dépenses liées à la nourriture, les soins de santé, la sécurité, le logement et le personnel pénitentiaire. Selon une étude menée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le coût annuel moyen de détention par détenu varie de 30.000 à 60.000 dollars selon les pays.

Au Maroc, le coût journalier d’un détenu tourne autour de 100 DH par jour ( 97,31 DH). Cela englobe l’alimentation, l’entretien et les frais médicaux. Concrètement la facture annuelle s’élève à plus de 35.518 DH, exclusion faite des coûts liés à l’amortissement du matériel et des bâtiments. Au-delà du coût, le gap entre nombre d’établissements pénitentiaires et le nombre de prisonniers est, c’est le moins que l’on puisse dire, important. Le Maroc compte actuellement 75 prisons, pour un total de 98.642 détenus, soit une hausse de 14,2% par rapport à 2019. Avec une capacité de 53.956 places opérationnelles, les établissements pénitentiaires connaissent une densité carcérale de 156,17%. Une surpopulation qui est fortement décriée par les ONG. Un grand nombre de détenus (23.293) sont incarcérés pour trafic de drogue, soit 23% du total des prisonniers. Viennent ensuite les condamnations pour vol (14.498), et en troisième lieu, la constitution de bande criminelle (8.702 détenus) : cf. Les Inspirations ÉCO n°3327 du 5 avril 2023 «Combien nous coûte un détenu ?». Cependant, les coûts directs ne représentent qu’une partie de l’impact économique de la détention.

En effet, celle-ci peut également entraîner des coûts indirects tels que la perte de productivité, le coût de la réinsertion sociale, les impacts sur la santé mentale des détenus et de leurs familles, ainsi que les coûts liés à la récidive des délinquants. Selon une étude réalisée aux États-Unis, les coûts indirects de la détention peuvent atteindre jusqu’à cinq fois le coût direct. Sur le plan juridique, la détention peut également avoir un impact significatif sur les coûts liés à la justice. Les coûts liés à la détention préventive, c’est-à-dire la détention avant le jugement, peuvent être particulièrement élevés, car ils impliquent souvent des frais d’avocat et de justice ainsi que la gestion de la détention. Par conséquent, ces coûts doivent être pris en compte dans toute analyse économique et juridique. C’est en ce sens que les alternatives à la détention peuvent offrir une solution pour réduire les coûts associés. Cependant, il est important de s’assurer que ces alternatives sont efficaces et équitables pour éviter les coûts indirects liés à la récidive.

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