Mohamed Benabdelkader est déterminé à engager tous les acteurs de l’écosystème judiciaire dans son plan de transformation numérique de la justice. Toutes les professions, les services et les procédures liés à ce secteur doivent être intégrés dans un système numérique unifié. Le succès des procès à distance a accéléré le recours à la digitalisation tous azimuts.
L’objectif d’attendre un tribunal numérique, sans le moindre papier, est complexe tellement les chantiers sont nombreux et la justice pas très portée sur les nouvelles technologies. Le ministère de tutelle a lancé un plan directeur de transformation digitale, qui demandera du temps et des moyens financiers pour le mener à terme.
Outre le budget de l’Etat, ce département bénéficie de financements de la coopération internationale pour sa mise à niveau. Le ministère capitalise sur les réalisations acquises pour mettre en place des projets structurants et innovants. Il a fixé un calendrier de réalisation qui s’étale sur une période de 5 ans, entre 2021 et 2025.
■ La plateforme des avocats en cours de réalisation
Elle a été utilisée dans certains tribunaux à titre expérimental. L’idée est de l’enrichir davantage par l’introduction de nouvelles fonctionnalités, notamment le dépôt des requêtes, les demandes de notification et d’exécution et des copies de jugements. Sa généralisation va démarrer dans les prochains mois. Cette plateforme pour l’échange électronique avec les tribunaux est un outil qui permet d’effectuer des opérations à travers un portail dédié, avec une authentification pour s’assurer de l’identité du déposant et de l’authenticité des documents déposés. Elle permet aussi d’échanger des mémoires avec le greffe compétent sans avoir à se déplacer physiquement. Ce mécanisme aidera à désengorger les tribunaux et mieux organiser le traitement des requêtes. Avec la pandémie et le risque de propagation du virus que présente l’utilisation du papier, le recours aux services en ligne a été très sollicité. Ce portail a connu un pic d’utilisation en période de confinement, avec un grand nombre d’inscriptions et de créations de comptes.
■ Le paiement multicanal en cours de finalisation
Le paiement des taxes judiciaires et autres frais de justice constitue un point primordial dans la plupart des procédures judiciaires. Avec le recours des services en ligne, le ministère diversifie les canaux de paiement et de perception. Ainsi, en partenariat avec le Centre monétique interbancaire, le déploiement des terminaux de paiement électronique a été lancé au niveau du Tribunal de commerce de Rabat. L’idée est de généraliser cette solution à l’ensemble des juridictions du Royaume. Parallèlement à cette expérience, il est question de mettre en place les paiements par les guichets ou les plateformes web des banques. Pareil pour l’utilisation du paiement à travers les applications mobiles des banques.
■ Un comité mixte pour un texte commun
Toutefois, l’assise juridique de l’utilisation des nouvelles technologies dans les processus judiciaires reste un projet transverse de toutes les initiatives de transformation digitale. Il nécessite l’intégration de toutes les parties prenantes. C’est pour cette raison qu’un comité mixte a été créé. Il est composé de représentants du ministère de la Justice, du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et de la Présidence du ministère public. Il s’est penché sur la mise en place d’un texte commun regroupant les points à traiter en matière civile et pénale. Ces nouvelles dispositions donneront une valeur juridique à toutes les actions entreprises par voie électronique, dont la saisine en ligne qui deviendra la voie principale.
■ Un identifiant unique pour les professionnels de la justice
Avec la mise en place des plateformes dédiées, le système d’information judiciaire doit disposer d’une base de données regroupant l’ensemble des professionnels du secteur. Celle-ci permettra de mieux identifier les intervenants et de leur fournir un identifiant unique, qui sera utilisé dans tous leurs échanges avec l’écosystème judiciaire.
■ L’accès à la justice facilité
La transformation digitale se concrétise par la facilitation de l’accès à la justice pour l’ensemble des usagers, professionnels et justiciables ainsi que le grand public. Ceci sera possible grâce à «la mise en place de plateformes électroniques accessibles et minutieusement orientées», a noté Mohamed Benabdelkader. Pour lui, la digitalisation des procédures s’impose comme un impératif inévitable du plan de transformation. La dématérialisation de la gestion des dossiers judiciaires aura un effet positif sur le déroulement global des procès.
■ Un portail intégré pour tous les métiers de la justice
Mohamed Benabdelkader a arrêté des programmes déclinés en projets pour la réalisation du plan de transformation. C’est le cas pour la création d’un portail intégré pour l’accès à la justice. Il rassemblera toutes les parties prenantes de la gestion du système judiciaire. Ainsi, l’avocat, l’huissier de justice, l’adoul, l’expert judiciaire, tous les auxiliaires de la justice et les usagers vont en bénéficier. Il comprendra plusieurs espaces virtuels, notamment du citoyen, des plaintes et du registre de commerce.
■ Les dossiers judiciaires dématérialisés
Elle concerne la numérisation des dossiers du parquet au niveau de son rapport avec la police judiciaire et à l’occasion de son intervention dans les affaires civiles… Idem pour la dématérialisation des dossiers de la défense qui commencera dès l’ouverture du processus jusqu’à l’exécution des décisions ou le classement de l’affaire, est-il indiqué. Ce programme comprendra un numéro national électronique des dossiers judiciaires, un dossier informatique du ministère public et un autre du siège.
■ Déploiement de l’échange électronique des documents
Le dispositif, qui comprend l’administration dématérialisée des dossiers, permettra une grande fluidité, le gain de temps et la réduction de la durée de vie des affaires, particulièrement après l’entrée en vigueur de la notification électronique.
■ La numérisation des décisions et de leur exécution
L’objectif est de passer à une étape plus avancée au niveau de l’exécution des décisions en matière civile, familiale, commerciale, administrative ou pénale. Elle prévoit la dématérialisation des mécanismes de suivi de l’exécution de la peine, les amendes, les créances échues à recouvrer, des condamnations à des peines privatives de liberté, exécutoires ou en sursis. Le programme prévoit de mettre en place une infrastructure numérique accessible à toute personne concernée, qui permet le suivi et le contrôle de l’exécution des procédures.
Par : Mohamed CHAOUI