L’Imprimerie officielle vient de lancer un appel d’offres «pour l’élaboration d’une étude relative au renforcement de ses capacités et d’assistance dans sa mise en œuvre». Ce chantier figure parmi beaucoup d’autres dans la feuille de route du Secrétariat général du gouvernement (SGG) et dont les détails ont été publiés en exclusivité sur nos colonnes le 18 février dernier (cf. www.leconomiste.com).
L’organisme veut passer à la loupe son organisation, ses ressources humaines, ses moyens techniques, son marketing, sa production et ses techniques managériales. Le pronostic va devoir aussi établir dans une 1re phase un état des lieux et recenser les besoins, puis déboucher sur des scenarii fonctionnels et des mises en œuvre…
Voilà en substance les points saillants auxquels devra s’attaquer l’étude commanditée par le SGG. Le cahier des charges prévoit un délai d’exécution de 15 mois pour l’étude, dont trois pour sa réalisation. Le reste pour l’assistance à sa mise en œuvre.
Cette mutation en douce passera aussi par une «mise à niveau» en vue de doter l’Imprimerie «d’un cadre institutionnel». Dans l’actuel organigramme du SGG, elle a le rang de direction ayant deux divisions: administrative et financière, et technique. L’Imprimerie est dirigée depuis vingt-deux ans par Mohamed Soussi.
· BO: Tirage moyen de 70.000 exemplaires
L’objectif de Driss Dahak, nommé en août 2008 à la tête du Secrétariat général du gouvernement, est de restructurer l’Imprimerie officielle et lui conférer plus d’autonomie de gestion. Bref, d’en faire une institution à part entière. Car l’Imprimerie est considérée depuis juillet 1997 comme un service de l’Etat géré de manière autonome mais sans être doté de personnalité morale. Ses dépenses ne sont pas prises en charge par le budget de l’Etat. Elle vit de ses propres ressources: ventes du Bulletin officiel, travaux d’impression pour le compte de l’administration publique… A combien s’élèvent-elles? Soussi, son directeur, n’a pas donné suite à notre demande d’informations.
Concernant son personnel -130 collaborateurs au total- il se répartit en deux catégories: celle chargée du traitement de texte, de la correction, du façonnage de l’expédition. Ils sont, en tout, 75 fonctionnaires à bénéficier d’un statut particulier. Puis il y a les autres agents qui s’occupent de la gestion administrative, financière… et ayant le statut commun à l’administration publique. Le décret du 4 octobre 1977 régissant le statut des employés de l’Imprimerie a été amendé et déposé au Parlement.
Cette institution est une énorme dévoreuse de papier. Puisqu’elle publie notamment six éditions du Bulletin officiel (BO), hebdomadaires ou mensuelles. 800.000 exemplaires ont été publiées entre janvier et octobre 2009. La traduction française est une vielle tradition qui remonte au Protectorat. Le 1er novembre 1912 marque la naissance du BO au Maroc. C’est un certain maréchal Lyautey qui a signé à Rabat, en tant que Commissaire résident général, l’arrêté portant création du Bulletin officiel. Celui-ci devait publier même «les décisions du gouvernement de la République française relatives au Maroc». L’article II de ce même arrêté avait instauré une «édition française et une édition arabe» dont la direction et la rédaction relève du chef du cabinet de la Résidence générale.
Aujourd’hui, le Bulletin officiel est édité en cinq éditions en langue arabe: édition générale, édition des débats parlementaires, édition des annonces légales, judiciaires et administratives… Une édition en français et une 3e facultative, lorsqu’un accord international avec un pays le prévoit. Entre 65.000 et 70.000 exemplaires, toutes éditions confondues, sont tirés mensuellement pour être distribués auprès des abonnés et des points de vente…
· Dahir d’avant 1912
Si mutation il y a, le SGG devra s’attaquer à un autre chantier. Numériser cette fois-ci les dahirs et accords d’avant 1912 et les mettre à la disposition du public sur son site officiel. C’est là un fond juridique immense et précieux -qui, certes, est disponible à la bibliothèque royale Hassania- mais dont la mise en ligne élargira l’accessibilité. L’archivage fait également partie des très gros chantiers à venir du SGG. Archiver est une obligation légalement imposée depuis fin 2007 aux administrations, collectivités locales, entreprises publiques… Le Secrétariat général du gouvernement est l’une des rares institutions, avec Bank Al-Maghrib, à être en avance. Dahak et son équipe travaille sur «Le chercheur juridique», une base de données dédiée à la documentation et à l’archivage. C’est vraisemblablement tous ses chantiers que le titulaire du marché -Imprimerie officielle- devra prendre en compte dans son audit.
La question de financement pèse beaucoup dans le changement en cours au SGG et dans son Imprimerie. La loi de Finances 2010 a consacré un budget d’investissement conséquent marquant, là aussi, une vraie rupture: 25 millions de dirhams contre 1,8 million auparavant.
· Transition discrète
A partir de la fin des années 2000, la mue du SGG et de son Imprimerie commence doucement et discrètement à prendre forme. Communiquer et informer restent certainement un exercice difficile. Jusqu’à présent, l’honorable institution n’a pas de porte-parole attitré. Pour deux raisons: il y a le poids de l’histoire d’abord. Il suppose de liquider un passif encombrant. Il est lié notamment à cette ancienne manie d’enterrer les projets de loi indésirables. Puis, il y a les hommes du SGG, dont le meneur est magistrat de profession. Discret de nature, certes. Mais tenu légalement, et depuis ses débuts dans le métier, par ce «sacro-saint» devoir de réserve. Que beaucoup de ses pairs considèrent, bien avant la crise que vit le Conseil supérieur de la magistrature, comme un boulet. Dans son étude, le titulaire du marché de l’Imprimerie officielle a tout intérêt à ne pas mésestimer cet arrière-fond historique et culturel.
Faiçal FAQUIHI