Héritage: les donations au Maroc, mode d'emploi

Héritage: les donations au Maroc, mode d'emploi

Publié le : - Auteur : MEDIAS24

Qui n’a pas entendu parler d’histoires d’héritage d’ayants droit féminins détourné légalement par des oncles ou des cousins pour cause de règles successorales ou de conflits entre frère et sœur inégaux en termes successoraux?
Interrogé par Médias24, un grand notaire de la place casablancaise requérant l’anonymat affirme que pour éviter les conflits familiaux, de plus en plus de Marocains font des donations de leur vivant.
« Depuis 10 ans, nous établissons de plus en plus de contrats de donations pour des parents qui veulent, avant leur décès, équilibrer les parts d’héritage entre leurs filles et leurs fils ou pour ceux qui n’ont que des héritières, les protéger d’éventuels ayants-droit collatéraux (cousin, oncle, demi-frère). »
Quels sont les types de donations au Maroc?
Les donations notariales sont régies par la religion musulmane qui énonce trois types de donations:
-La donation Hiba destinée aux descendants en ligne directe est la plus fréquemment utilisée.
-La donation Sadaka est très peu pratiquée au Maroc. Cette donation aumônière est réservée aux légataires sans lien parental mais le donateur ne peut offrir qu’un tiers de ses biens.
-La donation Nihla qui s’applique aux épouses n’est pas très répandue.
Dans la donation Hiba (littéralement don), les parents peuvent effectuer une donation pleine et entière sans usufruit mais en règle générale, les parents gardent le droit d’usufruit de leur bien.
La pleine propriété d’un bien regroupe l’usus (droit d’user de son bien, comme y habiter), le fructus (tirer des profits: location) et l’abusus constitue l’aliénation ou la possibilité de vendre son bien.
Le plus souvent, lors de ce type de donation, il y a démembrement du droit de propriété.
« Le but est de transmettre son bien tout en en disposant à sa guise sans se faire chasser par son enfant en cas de conflit. Les donateurs gardent l’usufruit (usus et fructus) et peuvent donc habiter le bien ou le louer jusqu’à leur décès. A la mort du donateur, l’abusus pourra être utilisé par l’enfant ou les enfants. »
Tant que le donateur est vivant, le légataire n’a pas le droit de vendre ou de louer le bien habité par le parent. C’est proche de la rente viagère en Occident qui est interdite au Maroc car assimilée à une loterie.
Les parents ont l’impossibilité de vendre le bien en question sauf consentement de leur enfant.
Légalement, le bien devient au nom du donateur et du légataire car sur le certificat de propriété, il est spécifié qu’untel dispose de 100% d’usufruit et qu’untel de 100% d’abusus au décès du donateur.
Si dans le passé, plusieurs avocats mandatés par des ayants-droit mâles sont parvenus à annuler ces procédures de donation, depuis 2004, un arrêt de la Cour de cassation y a mis fin en affirmant que la possession juridique vaut possession matérielle et que la donation devient inattaquable.
Selon notre notaire, certaines personnes disposant d’un grand patrimoine immobilier effectuent des donations pour échapper au fisc car la taxe d’habitation et communale est beaucoup moins chère.
Comment effectuer une donation?
Pour procéder à la donation, il importe de respecter plusieurs obligations fiscales et administratives. Le donateur doit présenter au notaire chargé du contrat de donation, un quitus préalable prouvant que son bien immobilier est à jour du paiement des taxes d’habitation et des services communaux.
Jusqu’en 2010, les biens hypothéqués ne pouvaient faire l’objet de donations pour cause de dettes bancaires. Une circulaire émise par le conservateur général, datant de 2013, adressée à toutes les conservations du Royaume, autorise l’établissement de donations pour des biens hypothéqués pour peu que la banque créditrice donne son aval.
Cette donation ne libère pas pour autant le débiteur de ses obligations de remboursement car dans le cas contraire, le bien est saisi par la banque.
La prénotation portée sur un titre foncier qui gèle temporairement le droit de propriété n’empêche pas la conclusion d’un acte de donation d’un bien à moins d’une décision judiciaire pour escroquerie.
Après avoir obtenu les quitus fiscal et administratif, le donateur et le légataire se déplacent chez le notaire munis de leurs pièces d’identité et du titre de propriété.
S’il est majeur, le légataire doit accepter formellement le bien mais s’il s’agit d’un mineur, un ayant-droit autre que le donateur doit le représenter (mère ou autre parent).
Une fois l’acceptation actée, le bien doit être évalué avant paiement des taxes et des impôts. La donation est exonérée de taxes sur les profits immobiliers sauf si elle profite à un étranger à la famille (donation Sadaka). Dans ce cas, le légataire réglera entre 3% et 20% de la plus-value depuis l’acquisition du bien par le donateur.
Les droits d’enregistrement à régler pour une donation familiale (Hiba ou Nihla) représentent 1,5 % de la valeur du bien au lieu de 4% pour une donation Sadaka ou pour une vente ordinaire.
Les droits à acquitter à la conservation foncière sont ceux appliqués pour toutes les transactions immobilières, c’est-à-dire 1% de la valeur du bien.
En cas d’âge avancé, il est demandé au donateur un certificat médical et la présence de deux témoins (étrangers au notaire et à l’intéressé) pour attester de la pleine possession de ses capacités mentales.
Pour se prémunir contre toute éventuelle contestation judiciaire de parents, les notaires peuvent refuser la transaction si l’état de santé physique et mental du donateur n’est pas prouvé.
Pour acter officiellement la transaction, un contrat de donation standard est alors rédigé par le notaire. Le titre de propriété ne sera pas changé mais sur le nouveau certificat apparaîtra le nom du parent et celui de l’enfant disposant de la nue propriété qui prévoit la pleine propriété du bien après extinction du droit d’usufruit pour cause de décès, de vente de l’usufruit ou de destruction.
La finalisation de la procédure transactionnelle requiert une quinzaine après la signature du contrat.
Samir EL OUARDIGUI
http://www.medias24.com/SOCIETE/160084-Heritage.-Les-donations-au-Maroc-mode-d-emploi.html

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