Les syndicats, à l’exception de l’UGTM, ont fait l’oreille sourde aux mises en garde du gouvernement qui compte appliquer le principe de journées chômées, journées non rémunérées. La polémique a vite enflé à propos de la légalité de la décision gouvernementale. Dans une déclaration à la télévision, Mohamed Abbou, ministre délégué chargé de la Modernisation des secteurs publics, a expliqué que «le droit de retenue est garanti sur une base comptable fondée sur le principe du salaire en contrepartie du travail». C’est, en tout cas, ce qui est en vigueur sous d’autres cieux. Fini, donc, l’exception marocaine qui faisait dans le social à outrance.
Un trait de caractère qui ne sied plus aux exigences d’une époque marquée au fer incandescent de la crise mondiale et ses répercussions sur l’emploi et l’investissement. Aujourd’hui, l’Equipe El Fassi veut prendre le taureau par les cornes en ajoutant une pincée de dissuasion pour calmer les ardeurs syndicales. Contacté par Le Matin, M. Abbou a affirmé que le projet de loi régissant le droit de grève entame sa dernière ligne droite. Il sera, incessamment, présenté aux Centrales représentatives pour prendre ensuite le circuit d’approbation normal, a indiqué le ministre. Toutefois et malgré ce vide juridique, l’Exécutif ne se sent pas gêné d’opérer des ponctions sur les salaires des grévistes dans la fonction publique et les collectivités locales. Il était temps de généraliser ce principe du moment où dans le privé les prélèvements suite aux grèves sectorielles sont monnaie courante, tonne-t-il. Des syndicalistes dans le public ressentaient même une sorte d’humiliation d’avoir leurs paies intactes.
Comme si le fait d’être au poste ou dans la rue ne changeait rien dans l’histoire.
Mais au-delà de ces considérations pécuniaires, le droit à la grève garanti par la Constitution ne peut s’exercer qu’en tenant compte du devoir de citoyenneté. En période de crise, les syndicats doivent aussi avoir leur rôle dans l’effort national visant à amortir le choc et à encourager l’investissement. Il y a quelques années, les syndicats ont troqué la protestation classique contre une nouvelle démarche basée sur la participation et surtout l’accompagnement des secteurs sensibles. La mue s’est faite presque sans cahot et l’on s’est cru sur la voie de l’institutionnalisation du dialogue social.
Ce changement de cap n’a pourtant pas duré longtemps. Avec le gouvernement El Fassi, on a plutôt assisté à un dialogue de sourds. Les partenaires sociaux, chacun de son côté, ne faisaient que défendre leurs paroisses. Résultat : les Centrales représentatives ont rejeté l’offre gouvernementale pourtant qualifiée de généreuse par plusieurs responsables syndicaux. En effet, à l’issue du premier round des discussions sociales, le gouvernement a pris à son compte de débloquer 16 milliards de DH pour répondre à des revendications principalement d’ordre salarial. Au deuxième round, il a même écourté la période d’application des hausses de salaires de deux ans avec un deadline fixé à l’année 2010 au lieu de 2012. Les indemnisations pour travail dans les régions enclavées ont bénéficié à 60.000 fonctionnaires avec un budget de 350 millions de DH.
Engagement a été, également, pris de supprimer les échelles de 1 à 4 profitant à 70.000 employés pour une enveloppe de 700 millions de DH. Pour la première fois, l’indemnisation pour perte d’emploi a été introduite. En une année, le gouvernement a fait des concessions qui, auparavant, demandaient des années de pourparlers. Mais rien n’y fait. Les syndicats entre le marteau de leur engagement d’honneur avec le gouvernement et l’enclume des pressions émanant des bases, préfèrent se plier à ces dernières. En boudant la table des négociations, les zaïms syndicalistes ont torpillé le processus de dialogue et par la même occasion poussé le gouvernement à hausser le ton. Le bras de fer est aujourd’hui annoncé entre les partenaires d’hier.
D’aucuns n’y sont pas allés par quatre chemins pour dénoncer un parfum de positionnement électoraliste. Les syndicats représentatifs, y compris la CDT qui a rejoint le peloton en cours de route, ont aujourd’hui plus que jamais besoin de reconquérir leurs troupes et les secteurs clés comme l’enseignement qui en reste le baromètre par excellence.