Une banque avait consenti un prêt à des époux qui envisageaient de créer un village de vacances et étaient entrés en relations à cet effet avec un constructeur. Le lendemain, le compte des emprunteurs a été débité d’une somme d’argent au profit du constructeur à la suite de la présentation de deux lettres de change. Les emprunteurs ont ensuite recherché la responsabilité de la banque. Pour limiter l’indemnisation de ceux-ci au montant des effets de commerce précités, la cour d’appel a retenu que les emprunteurs ne sauraient sérieusement reprocher à la banque, dès lors qu’ils envisageaient de se lancer dans une activité commerciale a priori rentable nécessitant un déblocage immédiat de fonds et que les charges de l’emprunt n’étaient pas excessives au regard de leurs situation personnelle et des revenus susceptibles d’être produits par cette activité, d’avoir commis une faute en leur octroyant un crédit manifestement disproportionné à leurs capacités de remboursement ; l’arrêt ajoute que les emprunteurs ne pouvaient exiger de la banque une information plus étendue que celle d’avoir attiré leur attention sur les charges du prêt.
Saisie sur pourvoi, la Cour de cassation censure cette décision au visa de l’article 1147 du Code civil : en se déterminant ainsi sans préciser si les emprunteurs étaient des « emprunteurs non avertis » et, dans l’affirmative, si, conformément au devoir de mise en garde auquel elle était tenu à leur égard lors de la conclusion du contrat, la banque justifiait avoir satisfait à cette obligation au regard non seulement des « charges du prêt », mais aussi de leurs capacités financières et du risque de l’endettement né de l’octroi du prêt, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.
Construction prétorienne récente (Cass. 1re civ., 12 juill. 2005, nos 02-13.155, 03-10.115 et 03-10.921, Bull. civ. I, nos 324 et s.), le devoir de mise en garde est une nouvelle obligation mise à la charge du banquier. Deux arrêts rendus le 29 juin 2007 (Cass. ch. mixte, 29 juin 2007, nos 05-21.104 et 06-11.673, RLDA 2007/19, no 1176) ont substitué à la notion de client profane celle de client non averti et ont imposé clairement aux juges du fond une exigence stricte de motivation : ces derniers doivent préciser dans leur décision si l’emprunteur est averti ou non. Ils énoncent une solution identique, voisine de celle de notre arrêt du 18 septembre 2008, affirmant qu’« en se déterminant ainsi, sans préciser si le client était non averti et, dans l’affirmative, si, conformément au devoir de mise en garde auquel elle était tenue à son égard lors de la conclusion du contrat, la banque justifiait avoir satisfait à cette obligation à raison des capacités financières de son client et des risques de l’endettement né de l’octroi des prêts, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».
La première étape est donc la qualification du client. Si celui-ci est « non averti », le banquier devra apporter la preuve qu’il a bien satisfait à son obligation de mise en garde (Cass. com., 17 déc. 2007, n° 03-20.747, Bull. civ. IV, n° 260) qui porte, comme le répète notre arrêt, non seulement sur charges du prêts mais aussi sur les capacités financières des emprunteurs et le risque de l’endettement né du prêt. Le simple avertissement relatif aux charges du prêt est donc insuffisant.
Cass. 1re civ., 18 sept. 2008, n° 07-17.270, P+B
Véronique Maugeri