Bonne nouvelle pour les propriétaires d’un bien immobilier. Les pratiques abusives de l’administration interpellent le Parlement. Une proposition de loi, déposée le 4 février 2020 à la chambre des représentants, vise à amender le code pénal.
Ce texte vise d’abord à criminaliser la voie de fait qui viole la propriété privée. Acte par lequel une administration s’approprie un bien «sans aucun fondement légal ou réglementaire et sans qu’il y ait aucune relation avec une décision des autorités administratives», selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation (Lire article).
Selon la proposition de loi, un responsable public d’une administration, d’une collectivité territoriale (comme une commune) ou d’un établissement ou entreprise publique risque d’écoper «de six mois à deux ans de prison» s’il commet une voie de fait.
L’application de cette sanction pénale est soumise à deux conditions.
La première porte sur le fonctionnaire, agent ou préposé de l’autorité ou de la force publique qui «ordonne ou engage personnellement une mesure» qui viole la propriété immobilière privée. La seconde condition est que l’auteur de l’abus «n’a pas suivi la procédure d’expropriation» fixée par la loi n°7-81 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique et à l’occupation temporaire.
En plus de son volet pénal, la proposition de loi engage aussi la responsabilité civile personnelle du fonctionnaire en cause. Ce qui induit que l’agent fautif sera poursuivi pour préjudice tel que le fait d’être privé d’exploiter son bien pendant des années. Le versement de dommages-intérêts s’impose dans ce cas là.
Toutefois, ce dispositif juridique peut être écarté. C’est principalement le cas lorsque l’agent en cause «justifie avoir agi par ordre express de ses supérieurs hiérarchiques». Par conséquent, la peine va s’appliquer «aux supérieurs qui ont donné l’ordre».
Cette proposition de loi a de fortes chances de susciter un vif débat entre partisans et détracteurs. Voire susciter des résistances à la chambre des conseillers où siègent des syndicats. Nous n’en sommes pas encore là. Le texte a été transféré, le 17 février 2020, à la commission justice, législation et droits de l’homme de la chambre des représentants. Elle devra l’examiner dans le cadre d’une première lecture.
La réforme envisagée a des chances d’aboutir dans la mesure où elle est portée par la majorité. En effet, quatre groupes parlementaires en sont à l’origine. Ceux du Parti justice et développement, du Mouvement populaire, les socialistes et l’Union constitutionnelle dans l’opposition depuis.
Leurs élus à la Chambre des représentants veulent amender l’article 226 du code pénal. C’est sur sa base que la responsabilité civile personnelle d’un fonctionnaire est engagée ainsi que celle de l’Etat. Cette option est actuellement possible. Mais uniquement envisageable pour «un acte arbitraire, attentatoire à la liberté individuelle ou aux droits civiques d’un ou plusieurs citoyens».
La proposition de loi veut l’étendre à la voie de fait. D’où le projet d’introduire un nouvel amendement via l’article 224 bis. C’est cette disposition qui prévoit les peines de prison visant un fonctionnaire, agent ou préposé de l’autorité ou de la force publique ayant commis une voie de fait. Car un tel agissement viole le droit de jouir paisiblement de sa propriété. La voie de fait est l’un des exemples les plus éclatants et les plus récurrents des mauvaises pratiques.
L’objectif des parlementaires est de «mieux protéger la propriété immobilière privée» contre les abus de l’Etat et de ses démembrements: établissements publics, collectivités locales, offices… C’est en partie cet argumentaire qui est mis en avant par la proposition de loi.
Si la proposition de loi qui incrimine la voie de fait est adoptée par le Parlement, elle risque d’engendrer une révolution dans la pratique administrative. Mais pas seulement. Les propriétaires seraient aux anges! Et pour cause, la voie de fait est l’une des techniques utilisées dans la spoliation foncière. Dans leur présentation de la proposition de loi, les parlementaires n’y font pas allusion. Pourtant, «les ministères de l’Education, de l’Equipement et de l’Intérieur sont les plus concernés par ces affaires», relève la Cour des comptes dans son rapport sur «L’évaluation de la gestion du contentieux de l’Etat» (Cf. L’Economiste n°4672 du 21 décembre 2015).
Quant au Médiateur du Royaume, du temps d’Abdelaziz Benzakour, il a dénoncé à plusieurs reprises dans ses rapports «toutes les formes de voies de fait commises par l’administration sans indemniser les propriétaires ou restituer les biens spoliés»!
Par Faical Faquihi