Exécution des jugements: le chevauchement des attributions bloque la machine

Exécution des jugements: le chevauchement des attributions bloque la machine

Publié le : - Auteur : Lematin

Décidément, le règlement du problème de l’exécution des décisions judiciaires n’est pas pour demain. Et pour cause, l’ambiguïté des attributions du département de la Justice et du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire concernant ce sujet complique les choses. Une réunion de «l’instance conjointe» rassemblant les deux entités est attendue pour délimiter, de manière consensuelle, le territoire de chacune des deux entités.

La problématique de l’exécution des décisions judiciaires est à nouveau posée, remettant sur le tapis le chevauchement des prérogatives entre les autorités administratives de la Justice et le pouvoir judiciaire. En effet, la question est de savoir qui doit veiller à la bonne exécution des décisions judiciaires. Est-ce du ressort du département de la Justice ou de celui du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire ? Cette ambiguïté a été relevée par le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, lui-même. Interpellé, lundi, par les députés de la Chambre des représentants dans le cadre des questions hebdomadaires sur les difficultés constatées en matière d’exécution des jugements, le responsable gouvernemental a balancé une réponse qui en dit long sur cette ambiguïté. Cette réponse est la même que celle qu’il avait donnée, le 19 avril dernier, aux membres de la Chambre des conseillers en réponse à une question similaire. Le ministre s’est interrogé lui-même sur la partie à qui incombe le suivi de l’exécution : le pouvoir judiciaire ou de l’administration judiciaire ? «Il faut décider. Jusqu’à présent, il n’y a pas de décision tranchée», a-t-il déclaré sans mâcher ses mots. Une réponse claire, mais qui ne fait pas avancer les choses.

Le ministre s’est par ailleurs contenté de déclarer que «la justice tranche dans tous les procès en lien avec l’exécution et l’administration judiciaire entreprend les démarches d’exécution. Cette problématique est en cours d’examen au sein de l’Instance conjointe», a-t-il ajouté. Pour rappel, cette Instance est créée conformément à l’article 54 de la loi organique relative au CSPJ. «Il est institué une instance conjointe, entre le Conseil et le ministère de la Justice, qui sera chargée, sous la supervision conjointe du président délégué du Conseil et du ministre de la Justice, chacun en ce qui le concerne, sans porter atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire», dispose ledit article. Il est à rappeler que le ministre de la Justice avait émis la même réponse en avril, en ajoutant qu’une réunion avec le CSPJ était programmée «dans les prochaines semaines et cette question est à l’ordre du jour», avait-il annoncé. En effet, l’instance conjointe a tenu, le 25 avril dernier, une réunion (il s’agit de la troisième réunion commune du genre). Mais il semble que le sujet n’ait pas été abordé, puisque le ministre de la Justice a déclaré, lundi, qu’il tablait toujours sur les travaux de cette structure pour trancher, «par consensus», au sujet de cette problématique.

Contacté par «Le Matin», l’ancien président de l’Association des barreaux du Maroc (BAM), Omar Ouidra, a donné une explication qui permet de mieux comprendre cette ambiguïté, mais sans permettre pour autant d’entrevoir l’issue de ce problème. M. Ouidra estime que la compétence est partagée entre les deux institutions. «Il faut savoir qu’en matière d’exécution, il existe l’entité du juge d’exécution. Autorité qui est sous la tutelle du CSPJ. Mais il y a également les corps des greffiers et des huissiers de justice qui interviennent aussi en matière d’exécution. Ces Corps sont sous la supervision du département de la Justice», explique-t-il. L’ancien bâtonnier confirme, par ailleurs, que la question de l’exécution demeure problématique et que des efforts sont entrepris pour la régler. Dans ce sens, il évoque un projet en cours pour régler l’exécution des décisions judiciaires impliquant les compagnies d’assurance.

Il semble qu’un projet pilote soit en gestation au niveau des institutions judiciaires de Casablanca. Mais ces petits progrès ne font pas avancer le dossier qui piétinera tant que les attributions du CSPJ et du département de la Justice ne seront pas clarifiées. Pour rappel, un grand nombre de questions orales et écrites portant sur cette problématique ont été adressées par les parlementaires au gouvernement, mais rien de concret n’a été entrepris pour surmonter cette difficulté.

 

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