Drogue et clandestins : Les transporteurs, victimes collatérales

Drogue et clandestins : Les transporteurs, victimes collatérales

Publié le : - Auteur : L'Economiste

LES opérateurs du TIR se plaignent des poursuites pénales qui sont engagées à leur encontre de manière intempestive chaque fois que des stupéfiants ou des clandestins sont découverts dans les cargaisons transportées. Les parquets se basent sur des rapports de la Police judiciaire qui ne tiennent pas compte des spécificités de la profession. Du coup, les conclusions de ces enquêtes englobent l’ensemble du personnel de l’entreprise mise en cause. Résultat, elle se trouve «dramatiquement projetée dans une grave crise affectant ses structures, son personnel et son devenir», dénonce Aberchan, président de l’Association marocaine des transporteurs intercontinentaux (Amtri-Maroc).
D’où faillites et désaffection à l’égard de ce secteur stratégique du commerce extérieur. Or, la majorité des poursuites aboutissent à des acquittements prononcés par les juridictions de jugement. Cela démontre, si besoin est, l’incohérence avec laquelle ces poursuites sont engagées. Faut-il alors changer la loi? Oui, répond la profession. Seulement, quelle garantie pour qu’une nouvelle loi ne soit pas appliquée de la même manière? Sans perdre de vue la lenteur qui caractérise le processus législatif au Maroc (cf.www.leconomiste.com).
La profession a mandaté un cabinet d’avocats pour instruire et plaider leur dossier. Ce dernier a-t-il préconisé d’agir sur un double niveau. D’abord, requérir la réforme du dahir de 1974 pour l’adapter à l’évolution que connaît le pays et aux impératifs de la mondialisation. Obtenir ensuite une application équitable de la loi. Surtout que l’âge de la législation ne semble pas être en cause dans la mesure où les juges prononcent les acquittements des innocents.
Le problème réside plutôt dans le fait que «les parquets appliquent aveuglément la détention préventive à l’encontre de tous les mis en cause sans distinction du degré d’implication de chacun d’entre eux». De fait, le principe constitutionnel de la présomption d’innocence se trouve tout simplement méconnu, pour ne pas dire bafoué. La première démarche est donc d’amener le département de la Justice à rappeler l’obligation de respecter ce principe. Cela semble avoir été acquis lors de la récente entrevue avec le directeur des affaires pénales et des grâces, Abdou Nabaoui.
«Légitimes, les demandes de la profession qui cadrent parfaitement avec la politique pénale du ministère de la Justice». C’est en effet l’aveu de Nabaoui lors de la réunion du 5 novembre au siège du ministère de la Justice avec les membres du bureau de l’Amtri-Maroc. «Au menu, l’exposé de l’étude préparée par le cabinet d’avocats sur les problèmes d’ordre juridique qui entravent la bonne marche du secteur du transport routier international», précise Ahmed Aberchan, chef de file des transporteurs. Ces derniers, qui étaient accompagnés de Me Omar Doumou et Brahim Rachidi, membres du cabinet d’avocats associés en charge de l’étude, sont allés plaider la garantie de la présomption d’innocence que la procédure pénale en vigueur ignore, dès lors qu’il s’agit de drogue ou de clandestins. Car, dans le cas d’espèce, les poursuites pénales sont souvent engagées sans distinction aucune entre les présumés coupables et les responsables de l’entreprise. Sans tenir compte aussi des spécificités du secteur qui opère, avant tout, à l’international mais tout en sillonnant l’ensemble du territoire avec de multiples arrêts. «Comment mettre fin à la répression aveugle dont font l’objet les professionnels du transport routier international»? Telle est la question posée aux avocats. Cela permettrait d’éviter l’incarcération dans le cadre de la détention préventive au stade du parquet et du juge d’instruction.
Cette incarcération doit être remplacée, si nécessaire, par l’application d’assignation à résidence, l’interdiction de quitter le territoire et/ou le paiement d’une caution, comme c’est prévu par les articles 160 et 161 du Code de procédure pénale. Seulement, Nabaoui a demandé à la profession de fournir «un dossier précisant les éléments qui devraient faire l’objet de décisions en conformité avec les spécificités de l’activité». La seconde mission envisagée est de réformer les dispositions légales à la mesure de la nouvelle donne créée par le processus de la mondialisation.


Adéquation

L’impératif de concilier entre les exigences de la protection de l’ordre et la sauvegarde des intérêts du secteur des transports revêt un caractère aussi urgent que vital pour l’économie nationale. La mise à niveau des textes régissant le transport routier international est d’autant plus nécessaire que les directives de la Commission européenne foisonnent dans le domaine. Il est temps de s’adapter à la législation internationale pour assurer un développement durable au secteur. Surtout en ce qui concerne la garantie des libertés individuelles et de l’équité des procès.


Communication

L’autre piste suivie par la profession consiste à mener une campagne de sensibilisation touchant les professionnels, leur personnel et le corps de magistrature. Ceci se fera à travers l’organisation de colloques, tables rondes et projections de films documentaires sur les points critiques et divers subterfuges utilisés par les clandestins. L’approche est promise à être institutionnalisée de manière à avoir un lien direct et permanent avec l’appareil judiciaire et les décideurs locaux. Les médias seront aussi sollicités. L’objectif est de sensibiliser mais aussi stigmatiser les dégâts collatéraux des poursuites judiciaires et leurs conséquences sur l’emploi. L’enjeu est d’attirer l’attention pour réhabiliter un secteur vital de l’économie nationale, et de se démarquer des véritables trafiquants qui, eux, méritent toute la sévérité de la loi.

A.GhouibI

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