La loi sur la domiciliation d’entreprises, publiée au Bulletin officiel (n°6745 du 21 janvier 2019), pose plus de problèmes qu’elle n’en règle. Plusieurs opérateurs se plaignent des difficultés rencontrées pour enregistrer auprès de certaines directions régionales des Impôts les créations d’entreprises parce qu’elles sont domiciliées.
A l’origine de ces tracasseries, le fait que certains domiciliataires comptent de nombreux clients ayant mis la clé sous le paillasson, laissant derrière eux des impayés d’impôts, de frais de domiciliation… Ces créances sont parfois des petites sommes, mais avec le volume, le montant atteint parfois plusieurs millions de dirhams par opérateur. Ce qui repose encore une fois la question de la solidarité fiscale.
«Sur les 600 sociétés domiciliées dans notre structure, 400 ont disparu et ne donnent plus signe de vie malgré mes nombreuses relances. Les services des impôts nous réclament 3 millions de DH de créances fiscales. Pourtant, comme le prévoit la loi, nous avons bien transmis au fisc la liste des sociétés domiciliées chez nous. Par conséquent, nous ne sommes pas responsables», affirme une domiciliataire.
Le même listing doit être transmis à la Trésorerie générale du Royaume (TGR) et, le cas échéant, à la douane. L’interprétation de cette disposition diverge entre professionnels. S’agit-il seulement de la liste des sociétés domiciliées et en règle ou de toutes les structures ayant leur adresse chez une société de domiciliation, y compris celles dont les dirigeants ont disparu? Faut-il communiquer uniquement la liste des structures domiciliées au cours de l’exercice écoulé ou de l’ensemble des sociétés, sachant que l’administration peut en éditer le listing via le numéro de la taxe professionnelle du domiciliataire?
Pour sécuriser le paiement des créances fiscales, la loi a introduit une disposition obligeant les domiciliataires à aviser l’administration fiscale, la TGR et la douane dans un délai de 15 jours dès que les entités domiciliées n’ont pas récupéré un courrier recommandé des services fiscaux.
Dans la majorité des cas, les structures domiciliées ont disparu avec la publication de la loi. Celle-ci n’a pas prévu de dispositions particulières pour le traitement du passif. Par conséquent, de nombreux domiciliataires comptent des centaines d’entreprises fantômes. Personne ne sait comment sera réglée cette question.
Selon un opérateur, «il s’agit en général de sociétés ayant fait faillite ou réalisé les transactions pour lesquelles elles avaient été créées avant d’être sabordées».
Certains secrétariats-greffes refusent également toute modification sociétaire (amendement des statuts, augmentation de capital, changement de dirigeant, d’objet de la société, augmentation de capital…) concernant les sociétés domiciliées tant qu’elles n’ont pas leur propre siège.
La situation devient problématique surtout pour les entités dont les activités sont soumises à autorisation et qui doivent d’abord achever la construction ou l’aménagement de leur local. Dans cette attente, ces structures restent pénalisées par leur statut de sociétés domiciliées.
Les domiciliataires interrogés exigent l’uniformisation et l’affichage des conditions pour accomplir les démarches administratives, qui restent parfois à la discrétion des fonctionnaires. En plus du décret sur le modèle de contrat, le législateur devra encore publier un texte sur le modèle de la déclaration d’exercice de l’activité. Ce n’est qu’après que les opérateurs disposeront d’un délai d’un an pour se mettre en conformité.
Pas de limitation dans la durée
Outre la solidarité fiscale entre domicilié et domiciliataire, la loi devait également trancher la question de la durée de domiciliation. L’article 544-2 parle d’une «durée déterminée, renouvelable selon un modèle fixé par voie réglementaire». Or, le décret sur les modalités du contrat n’a toujours pas été publié.
En attendant, la durée de la domiciliation est appréhendée différemment par les secrétariats-greffes du registre de commerce. Certains s’appuient sur une vieille circulaire du ministère de la Justice qui fixait la durée de la domiciliation à six mois.
Ainsi, à Marrakech, le tribunal exige de la société domiciliée un contrat limité à 3 mois renouvelable une fois, assorti d’un engagement de louer un siège en propre au-delà de cette période. A défaut, le secrétariat-greffe du registre de commerce refuse de délivrer le «modèle J» de l’entreprise. Cela dissuade les entreprises de sortir de Casablanca, par exemple, où la procédure est plus souple.
Le modèle J constitue une véritable carte d’identité commerciale de l’entreprise commerciale. Il renseigne sur sa forme juridique, son capital, son adresse, son inscription au registre commercial… Il permet aux tiers de sauvegarder leurs intérêts en se renseignant sur la situation juridique et financière d’une société ou d’une personne physique avant la réalisation d’une transaction commerciale. Là encore, certains secrétariats-greffes du registre de commerce refusent de délivrer le «modèle J» concernant les entités domiciliées sous prétexte qu’elles devraient être transférées vers un siège permanent.
Par Hassan EL ARIF