La déconcentration administrative devrait être opérationnelle fin 2021. Mais, ce délai ne sera probablement pas respecté vu le retard accusé dans la mise en œuvre de ce chantier.
C’est confirmé : le délai fixé pour l’opérationnalisation de la déconcentration administrative ne sera pas respecté. La charte de la déconcentration administrative qui a été adoptée en 2018 fixe un délai de trois ans pour l’implémentation de ce chantier, soit avant la fin de 2021. À quelques mois de cette deadline et à quelques semaines de la fin du mandat gouvernemental, la concrétisation des différentes dispositions de cette charte n’a pas encore eu lieu. Le chef de gouvernement, Saad Dine El Otmani impute ce retard à la pandémie de la Covid-19. Sauf que selon nos sources, il s’agit plutôt d’un blocage politique sur la réorganisation des départements ministériels au niveau déconcentré. Pendant des mois, il a été difficile d’accorder les violons entre les ministres de différentes couleurs politiques autour des regroupements ministériels au niveau régional. Ce problème a déteint sur les délais d’implémentation de la déconcentration. Rappelons à cet égard que même la première mouture de la déconcentration administrative qui a été préparée par le gouvernement de Benkirane a buté sur cette question. Visiblement, les désaccords sur ce dossier demeurent. L’actuel exécutif n’a pas réussi, jusque-là, à faire passer le décret relatif au regroupement des représentations administratives communes de l’État au niveau de la région, la préfecture ou la province qui est entre les mains du secrétariat général du gouvernement.
La pandémie est passée par là
Le gouvernement est très en retard sur le volet législatif relatif à la mise en œuvre de ce chantier. Il a fait passer le décret de la déconcentration, celui relatif aux schémas directeurs ainsi que la loi sur les nominations aux postes de responsabilité au niveau régional qui a franchi le cap du parlement en février 2020. Mais pour pouvoir procéder aux nominations, il faut opérer une restructuration au niveau régional et une réorganisation au niveau central pour entamer l’opération très redoutée du transfert des compétences aux administrations régionales. À cet égard, quelques textes ont été préparés et mis dans le circuit législatif, dont notamment le projet de décret relatif à la délégation des pouvoirs et de signature, le projet de loi relatif aux règles d’organisation des administrations de l’État, le projet de décret fixant les conditions et modalités d’organisation des concours de recrutement pour la fonction publique, le projet de décret relatif aux modalités de nominations des chefs de service et de chefs de division dans les administrations de l’État et le projet de décret modifiant et complétant du décret portant application des dispositions des articles 4 et 5 de la loi organique relative à la procédure de nomination aux hautes fonctions ( critères de nomination). La nouvelle législation devra permettre aux services déconcentrés de l’État d’organiser et de définir les conditions des concours d’accès à la fonction publique. Elle portera aussi sur l’utilisation des technologies dans la gestion des différentes phases du recrutement en vue de faciliter et fluidifier le processus. Les nouvelles dispositions visent à garantir la stabilité des ressources humaines au niveau régional à travers la répartition régionale des postes budgétaires dédiés à chaque secteur.
Par ailleurs, la lenteur dans la mise en œuvre de la déconcentration n’est pas due uniquement au volet législatif mais aussi à d’autres contraintes, comme l’avait déjà relevé le gouvernement. On peut citer notamment les disparités qui existent en matière de déconcentration entre les administrations dont certaines sont pionnières dans ce domaine alors que d’autres, au contraire, restent très concentrées. Ce qui a impacté le processus d’élaboration des schémas directeurs dont certains n’ont pas été déposés à temps. Un grand retard est constaté aussi au niveau, d’une part, de la mise en œuvre de ces schémas qui ont été validés par la commission interministérielle et, d’autre part, de la mise en place des mécanismes nécessaires pour atteindre cet objectif. Une faiblesse de coordination a été également enregistrée au niveau de certains départements appartenant au même ministère en matière de conception unifiée de leur schéma directeur. Pire encore, nombre de ces documents ne correspondent pas au schéma directeur référentiel de la déconcentration administrative. Le remaniement ministériel d’octobre 2019 est aussi considéré comme une contrainte ayant contribué au ralentissement de l’implémentation de ce chantier. À cela s’ajoute le déclenchement de la pandémie de la Covid-19 «qui a déteint sur l’évolution de plusieurs projets».
Ce que préconise le nouveau modèle de développement
Le rapport du nouveau modèle de développement a pointé la lenteur de la décentralisation et de la déconcentration qui «prive le maillon territorial des capacités humaines, techniques et financières nécessaires à une mise en œuvre plus efficace». Le document critique particulièrement la lenteur de transferts effectifs des pouvoirs et des moyens qui se limitent souvent à de simples délégations de signature. À cela s’ajoute le manque de clarté concernant les rapports entre le wali et les présidents de région, d’une part, et entre le wali et les représentants des services extérieurs, d’autre part. «Ce qui contribue à rendre la chaîne de responsabilités complexe». Il est donc recommandé de procéder à la refonte des rapports décisionnels entre le central et le territorial, comme un préalable pour donner à la déconcentration ses chances de réussite.
Cette refonte appelle à clarifier le rôle des walis en matière de coordination des services extérieurs de l’État, pour en faire de véritables partenaires de la région élue. «Il est judicieux de lever les résistances de l’appareil exécutif et administratif afin d’inscrire la répartition des compétences entre ces deux niveaux dans des logiques de transferts de pouvoirs, au-delà des délégations de signature», précise-t-on. La commission spéciale sur le modèle de développement préconise de doter les structures au niveau régional de l’État de réels pouvoirs décisionnels et d’élargir de manière substantielle leurs marges de manœuvre. Dans cette perspective, le cadre contractuel État-Région devrait être simplifié pour optimiser les moyens et les procédures et ainsi responsabiliser les acteurs. Il est proposé, à cet égard, d’ouvrir un débat avec les élus et d’élaborer un cadre référentiel précisant les modalités de cette contractualisation et les obligations de l’État et celles des collectivités territoriales. Un intérêt particulier devra aussi être accordé à la déconcentration budgétaire qui «est également un prérequis au transfert de la prise de décision, à la conduite du changement et à la réduction du poids des entités centrales sur les territoires».