Crédit bureau : L''tau se resserre autour des mauvais payeurs

Crédit bureau : L''tau se resserre autour des mauvais payeurs

Publié le : - Auteur : leseco.ma

L’information est le nerf de la guerre et c’est valable pour tous les domaines, y compris ceux du secteur financier (banques, sociétés de financement, associations de microcrédit). Entre, d’une part, le modèle ouvert des centrales d’informations anglo-saxonnes qui développent tout un business autour du partage des données d’intérêt général, et d’autre part celui européen privilégiant une logique de protection sous couvert de protection des données individuelles, le Maroc a choisi son propre modèle. Un débat organisé jeudi 12 octobre à Casablanca, à l’initiative de la Fédération des secteurs bancaire et financier affiliée à la CGEM (présidée par Lotfi Sekkat, par ailleurs DG délégué de CIH Bank) a permis de mesurer à juste titre le caractère spécifique de l’expérience marocaine.
Le marché marocain est marqué par la présence de plusieurs centrales d’information, chacune a sa propre mission et son propre référentiel réglementaire. La plus ancienne d’entre elles, la Centrale des incidents de paiement de chèque, a été créée au début des années 80 dans le but de lutter contre les défauts de paiement par chèque. Elle a pour mission de centraliser et de diffuser auprès des établissements de crédit les déclarations des incidents de paiement de chèques et des interdictions judiciaires. C’est elle qui communique au procureur du roi les renseignements sur les infractions aux injonctions. Elle reçoit des dizaines de milliers de déclarations émanant des banques, des sociétés de financement et des associations de microcrédit (210.000 déclarations durant le premier semestre 2017 et un flux de régularisations de près de 60.000). On retient au passage un chiffre énorme qui a été communiqué pour la première fois: le stock des incidents de paiements sur les chèques s’élevait à 81,8 MMDH à fin juin dernier.
Tout se partage… sauf le compte!
La Centrale des comptes bancaires a, elle, pour vocation de recenser l’ensemble des ouvertures, modifications et clôtures de comptes. Mais contrairement à celle des incidents de paiements pour chèques, elle n’est pas accessible aux établissements de crédit. Les données sont utilisées pour les besoins des missions qui sont propres à la Banque centrale. Les informations y restent conservées jusqu’à dix ans après la clôture du compte. Par ailleurs, la Centrale de risque de crédit, communément connue sous le nom de Crédit Bureau, demeure la plus connue voire la plus utilisée par le secteur financier. En effet, les établissements de crédit sont obligées de consulter un Crédit Bureau avant l’octroi d’un crédit (plus de 2 millions de consultations tous les ans).
Le Maroc a fait à ce titre le choix d’un modèle indirect de gestion déléguée. Suite à un appel d’offres, le service a été confié à deux opérateurs, en l’occurrence Creditinfo Maroc (la filiale du groupe Creditinfo qui avait repris l’activité d’Experian) et tout récemment la filiale du groupe Quantik (anciennement appelé Dun & Bradstreet Credit Bureau). Pour l’heure, les informations contenues dans le rapport de solvabilité communiqué par ces deux opérateurs renseignent sur les contrats en cours, les garanties, les informations négatives, le nombre de requêtes précédentes, l’historique d’ordres de paiement, les habitudes de remboursement, etc. «L’ouverture de l’activité Crédit Bureau à la concurrence pousse les opérateurs à innover en commercialisant de nouveaux services», estime Fadoua Louah, responsable du département «Centrales d’information» à Bank Al-Maghrib (BAM). Un nouveau service de scoring permettant de mesurer la probabilité de défaut du client selon une échelle est opérationnel depuis peu. S’ensuivront incessamment d’autres services, notamment le suivi du portefeuille, un benchmark qui situe la banque par rapport à la concurrence, un scoring évaluant la probabilité de recouvrement d’une créance, etc. «Nous travaillons actuellement sur un projet de loi spécifique encadrant le Crédit Bureau avec l’objectif d’introduire un modèle de gestion directe», affirme Khalid Zbir, directeur en charge du «Réseau et centrales d’information» à Bank Al-Maghrib.
L’idée est d’installer un système d’agréments en lieu et place de celui actuel de gestion déléguée, établissant une relation directe entre le Crédit Bureau et les établissements de crédit. «La responsabilité de BAM sera limitée au contrôle et à la supervision de l’activité d’échange d’informations relatives au crédit, en ligne avec les meilleures pratiques internationales en termes de partage de données sur le crédit», explique Zbir. Le projet de réforme vise également à permettre au Crédit Bureau de générer des données non financières, en particulier celles détenues par les régies de distribution d’eau et d’électricité, les opérateurs télécoms, etc. Le principe de réciprocité étant maintenu, l’accès aux données pour les entités non financières est tributaire de leur contribution au système de partage (Les opérateurs télécoms peuvent également s’en servir pour mieux cerner la solvabilité des clients souhaitant migrer d’un contrat prépayé vers un contrat postpayé). L’introduction de nouveaux services, conjuguée à l’ouverture de l’activité du Crédit Bureau aux données non financières auront pour effet d’améliorer le classement du Maroc dans le rapport «Doing Business» de la Banque mondiale.
Entre 2009 et 2017, le Maroc a gagné 30 positions, passant du 131e rang au 101e en ce qui concerne le thème «Obtention de prêts». Vu sous l’angle du seul critère «Étendue de l’information sur le crédit», le Maroc a gagné 6 points entre 2008 et 2017, passant de 1 à 7, soit la même note que celle accordée aux pays de l’OCDE.
Par :  Wadie EL Mouden http://www.leseco.ma/economie/60667-credit-bureau-l-etau-se-resserre-autour-des-mauvais-payeurs.html

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