Cour marocaine d'arbitrage : La nouvelle mouture mise en place

Cour marocaine d'arbitrage : La nouvelle mouture mise en place

Publié le : - Auteur : L'Economiste

«Article par article, virgule par virgule». La formule de Abdelhak Bennani, président de la section marocaine de la Chambre de commerce international (CCI-Maroc), n’est pas anodine. La refonte du règlement et du statut de la Cour marocaine d’arbitrage a pris deux ans de labeur. «C’est à la fois un couronnement et un commencement», commente-t-il lors de la cérémonie d’installation de ses membres tenue le 1er juillet à Casablanca. Un commencement, car un travail de promotion et de sensibilisation aux modes alternatifs de règlement des litiges reste à faire. Finalement, deux nouvelles listes ont été arrêtées, le 26 juin à Casablanca, par un comité ad hoc composé des présidents respectifs de la CCI-Maroc, la CGEM et la Chambre de commerce et d’industrie française du Maroc (édition L’Economiste du 1er juillet). Moins de juristes mais plus d’éclectisme.
L’une concerne les membres de la Cour, une quinzaine au total. L’instance est présidée par Mohammed El Mernissi, également président de la commission arbitrage de la CCI-Maroc. Elle compte des professeurs universitaires et anciens ministres, des avocats, un notaire, des experts-comptables, des représentants du patronat, le PDG de l’OCP et la présidente du Conseil de surveillance du Crédit du Maroc… La seconde liste englobe 34 arbitres agréés. Là aussi l’éclectisme est de mise. «Cette liste reste ouverte. Le triumvirat peut toujours rajouter d’autres arbitres par la suite», précise le président de la Cour marocaine d’arbitrage. Une incompatibilité entre les deux fonctions, membre de la Cour et arbitre agréé, a été instaurée pour éviter les conflits d’intérêts, d’après l’article 2 du règlement intérieur.
Pourquoi dès lors ne pas avoir instauré aussi une incompatibilité entre titulaire d’un poste au sein de la CCI-Maroc et membre de la Cour, et ce afin de donner un gage supplémentaire de leur indépendance?
L’instance n’intervient que dans les litiges domestiques ou internes, et non pas internationaux. C’est la Cour qui désigne elle-même les arbitres agréés. Deux cas de figure peuvent se présenter: soit le litige requiert un seul arbitre, soit plusieurs (trois au maximum). Dans ce cas, deux sont désignés par les parties et le 3e qui présidera le tribunal arbitral est nommé par la cour, et dont les «sages» fixent les honoraires des arbitres agréés. Son barème retient comme critères le temps du traitement, la complexité du dossier et la diligence des arbitres. Une avance forfaitaire de 5.000 DH est réglée lors du dépôt de la demande d’arbitrage. Pour les frais administratifs, cinq tranches sont fixées: de 3.000 DH pour les litiges ne dépassant pas 500.000 DH, à 0,05% pour les différends dont le montant va au-delà de 25 millions de DH. A l’instar de ces derniers, les honoraires des arbitres sont calculés sur les montants en litige. Pour la tranche dépassant les 100 millions de DH, par exemple, les émoluments de l’arbitre sont fixés sur la base d’un pourcentage: un minimum de 0,0025% et un maximum de 0,05%. Il faut prévoir éventuellement des frais de nomination d’arbitre.
La nouvelle particularité de la Cour s’affirme à travers la procédure de contrôle des projets de sentences arbitrales. «Aucune décision ne peut être rendue sans son approbation», selon l’article 14 du règlement. Avant, ce contrôle était formel en ce sens où les arbitres avaient le choix de tenir compte ou pas des observations de la Cour (voir encadré).
Les promoteurs de la réforme tempèrent: «Elle ne sera pas systématique. C’est juste une question de précaution et de sécurité juridique». Le président de la CCI- Maroc n’a d’ailleurs pas écarté un possible amendement de cette disposition avant l’automne, sous réserve d’un consensus entre les membres de la Cour.


Les membres de la Cour

Mohammed El Mernissi (président); Saïda Lamrani (vice-présidente de la CGEM), Jaouad Cheikh Lahlou (membre du conseil d’administration de la CGEM); Mostapha Terrab (PDG de l’OCP); Mohammed Berrada, Mohammed Drissi Alami, Me Azzedine Kettani (professeurs universitaires). Abderrahman Saïdi (expert-comptable et vice-président de CCI-Maroc). Abdelaziz El Mechat (expert- comptable et ancien président de l’Ordre). Bernard Digoit (président de la Chambre française de commerce et d’industrie du Maroc). Abdellah Dermiche (bâtonnier de l’Ordre des avocats de Casablanca); Me Mohamed Teber, Me Aziz Benkirane, Me Hicham Naciri (avocats au barreau de Casablanca), Mustapha Zine (notaire).


«Linge sale»

L’article 14 du règlement d’arbitrage de la Cour marocaine d’arbitrage, qui traite du contrôle sur la forme et le fond des sentences, a été interprété comme un second degré de juridiction. La force exécutoire d’une décision arbitrale ne peut donc être acquise qu’après le visa de la Cour. Malgré cet excès de formalisme, que certains ont qualifié de «curatelle», seule la pratique déterminera la pertinence de cette procédure. La Chambre de commerce international, par exemple, valide la sentence seulement sur la forme. Quant à la Chambre maritime d’arbitrage, elle approuve les deux. D’ailleurs, c’est à elle que la Cour marocaine d’arbitrage a «emprunté» la procédure de contrôle des projets de sentences arbitrales.
Le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements a carrément instauré un second degré de juridiction. Toujours est-il que «la procédure de contrôle permet de parer au recours en annulation devant les tribunaux prévu par l’article 306 et suivants du code de procédure civile». Un recours qui torpillerait la confidentialité du litige si chère aux arbitres. Autant dire que «l’article 14 permet de laver notre linge sale entre nous», conclut Khalid Lhbabi, arbitre agréé auprès de la Cour.

A.B. & F.F.

Source : http://www.leconomiste.com/

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