Soixante milliards de dirhams, soit environ 15% du PIB national par an, c’est ce que pèsent annuellement les achats publics au Maroc. Des chiffres impressionnants! Pourtant, la réalisation des infrastructures de base ne se fait pas avec les résultats escomptés. Même constat pour l’amélioration du cadre de vie des citoyens. La recrudescence du chômage et de la pauvreté n’est pas pour contredire, en tout cas, l’Association des lauréats de l’Institut supérieur d’administration (ALISA). Elle rappelle le dernier rapport du Pnud sur le développement humain 2007/2008, dont les termes ne sont pas tendres pour le Maroc. En effet, en dépit de la mise en place de l’INDH, deux ans après, il a régressé dans le classement. On ne peut donc que s’interroger sur la performance de l’action publique en matière de politique d’achat et de dépenses.
La budgétisation par programme, l’évaluation de l’exécution du budget par le moyen d’indicateurs de performance, la contractualisation des objectifs et des moyens entre l’administration centrale et les services décentralisés constituent des chantiers qui véhiculent une logique de résultat. Mais la pratique des achats publics au Maroc demeure dominée par une logique de sécurisation juridique et de contrôle a priori. Ce souci de sécurisation se comprend aisément en raison des enjeux politiques, économiques et moraux induits par les marchés publics. Rappelons que selon l’Alisa, certains secteurs économiques réalisent l’essentiel de leurs chiffres d’affaires grâce à ces achats: 70% dans le secteur des bâtiments et travaux publics et 80% pour celui de l’ingénierie. Ces marchés devraient donc générer une certaine dynamique économique, caractérisée par la libre concurrence. Et les deniers publics ne devraient souffrir aucun risque de corruption ou de prévarication. La panoplie de textes juridiques mise en place par le gouvernement insiste beaucoup sur la sécurisation de la passation des commandes, mais reste silencieuse en ce qui concerne les moyens à même d’en garantir la performance. L’Alisa va même jusqu’à se demander si la réglementation des achats publics ne serait tout simplement pas un alibi pour se soustraire à l’obligation d’efficience, de qualité et de reddition des comptes. En fait, la réglementation actuelle répond visiblement à un souci d’efficience du processus d’achat. Alors pourquoi la performance ne serait-elle pas l’expression d’un management moderne du secteur des marchés publics?
Deux propositions pour une meilleure performance
Sur le plan organisationnel, l’Etat devrait créer des structures dédiées à l’achat et fondées sur le principe de la séparation des fonctions prescripteur et acheteur. Le recours à des fonctionnalités modernes telles que la veille fournisseur, la veille réglementaire, la normalisation des procédures peuvent également entrer en ligne de compte. Sur le plan du processus, le gouvernement pourrait développer des mécanismes de contrôle interne, institutionnaliser l’usage d’indicateurs de performance et d’outils de maîtrise des besoins.
H. E. A.
Source : http://www.leconomiste.com 7 avril 2008