La propagation du coronavirus et les décisions des autorités qui s’en suivent, entraînent l’arrêt de certaines entreprises. Médias24 vous livre les interprétations d’experts en droit social.
Les risques de propagation du coronavirus ont conduit les autorités marocaines à prendre des décisions strictes quant à la fermeture des frontières, des commerces non indispensables, etc.
De telles mesures entraînent un arrêt de production pour certaines entreprises opérant dans les secteurs d’activités les plus touchés (tourisme, import/export, services de restauration ou de transport, Royal Air Maroc…).
Employeurs et employés sont confrontés à des circonstances inhabituelles, les contraignant à prendre des mesures indésirables mais inévitables.
Pour comprendre comment les entreprises doivent gérer la situation mais aussi comment les salariés peuvent protéger leurs droits, Médias24 a contacté plusieurs juristes et experts en Droit social. Les interprétations divergent.
>La première décrit la situation actuelle comme un cas de force majeure, tel que prévu par le Dahir des obligations et des contrats. Dans son article 269, la force majeure est définie comme étant: « tout fait que l’homme ne peut prévenir, tel que les phénomènes naturels (inondations, sécheresses, orages, incendies, sauterelles), l’invasion ennemie, le fait du prince et qui rend impossible l’exécution de l’obligation ».
Seules les causes qu’il est possible d’éviter sont exclues de la force majeure. De ce fait, l’employeur incapable d’honorer ses engagements envers ses salariés, en raison de la propagation du coronavirus et des décisions étatiques qui en découlent, ne peut être tenu pour responsable, car les causes de la non-exécution du contrat ne relèvent pas de sa volonté.
C’est ce que soutient Mohamed Khadraoui, docteur en Droit et magistrat à la Cour de cassation: « Chaque incident dont les conditions ont été remplies et dont la mise en œuvre a été rendue impossible devient alors, un cas de force majeure ».
>Médias24 a contacté un Professeur universitaire et consultant en droit du travail, ainsi qu’une avocate au barreau de Paris, associée gérante du cabinet d’avocats LPA-CGR à Casablanca et experte en Droit social: Maître Lina Fassi-Fihri.
Pour ces derniers, les entreprises vont, en fonction de leurs situations financières, recourir soit à des mesures conjoncturelles pour pallier la situation, soit procéder au licenciement de tout ou partie des salariés pour motifs économiques.
Cela dit, l’impact du coronavirus n’est pas le même pour tous les secteurs d’activités. Certaines entreprises seront moins touchées que d’autres et seules des mesures conjoncturelles suffiront pour dépasser une « crise périodique passagère » due à la propagation du virus.
Les entreprises peuvent recourir au congé sans solde qui, bien qu’il ne soit pas réglementé par le code du travail marocain, reste une option qui s’offre aux employeurs après concertation des salariés.
D’autres peuvent opter pour la réduction des coûts afin de limiter les frais inutiles en temps de crise. Il s’agit notamment des formations et des primes à verser qui seront reportées ou annulées.
Cependant, « les salariés en situation de précarité sont les premiers à passer à la trappe. Les entreprises se séparent en premier lieu des titulaires de contrats à durée déterminée, des intérims et des extras », déclare l’universitaire.
Par ailleurs, les employeurs peuvent procéder à la réduction de la durée du travail, telle que prévue par l’article 185 du code du travail. Cette option est conditionnée par les éléments suivants:
-La réduction de la durée de travail (qu’elle soit continue ou discontinue) ne doit pas dépasser 60 jours dans l’année.
-Lorsqu’une telle décision est prise par l’entreprise, la durée normale de travail ne peut excéder 10h par jour.
-Quant au salaire, celui-ci est payé en fonction de la durée effective de travail, tout en garantissant un minimum de 50% du salaire normal.
-La décision de réduction du temps de travail ne peut être prise sans la consultation préalable des partenaires sociaux de l’entreprise (délégués des salariés ou représentants des syndicats).
Toutefois, si la crise perdure (au-delà de 60 jours par an), l’employeur ne doit pas se contenter de consulter les partenaires sociaux, mais doit obtenir leur accord.
Néanmoins, le problème qui se pose au sein des entreprises au Maroc, c’est que la représentation des salariés n’est pas automatiquement instaurée. Le code du travail ne prévoit aucune alternative.
Cela dit, dans la pratique, ce qui est généralement conseillé aux employeurs dans ce genre de situations, c’est de négocier avec un comité représentatif des salariés.
Dans le cas où les partenaires sociaux de l’entreprise ne donnent pas leur accord, l’employeur devra faire une demande au gouverneur de la préfecture ou de la province pour obtenir son autorisation, conformément à la procédure fixée à l’article 67 du code du travail.
A défaut de recourir à ces mesures alternatives et conjoncturelles, certaines entreprises peuvent être amenées à employer les grands moyens, tels que le licenciement de tout ou partie des salariés pour motifs technologiques, structurels ou pour motifs similaires ou économiques, ou la fermeture partielle ou totale de l’entreprise dictée par les mêmes motifs.
Les articles 66 et suivants du code du travail prévoient des dispositions dans ce sens:
L’employeur doit d’abord, informer les délégués des salariés ou les représentants syndicaux de l’entreprise et ce, au moins un mois avant de procéder au licenciement des salariés, tout en portant à leur connaissance les informations nécessaires relatives aux motifs, aux salariés concernés etc…
De plus, l’employeur doit négocier avec les représentants sociaux et « dresser un procès-verbal constatant les résultats des concertations et négociations », dont une copie doit être délivrée au délégué provincial chargé du travail. Ce dernier dispose d’un mois pour la présenter au gouverneur, qui dispose à son tour d’un mois pour donner son autorisation.
A noter que lorsque l’entreprise aura repris une activité normale, les salariés précédemment licenciés pour motifs économiques devront être repris par l’entreprise. La priorité leur est accordée pendant une année.
Par Sara Ibriz