Contentieux fiscal: Les transactions plutôt que le bras de fer

Contentieux fiscal: Les transactions plutôt que le bras de fer

Publié le : - Auteur : L'Economiste
· L’essentiel des redressements s’achève par des accords à l’amiable

Les contrôles fiscaux ont généré 4,3 milliards de dirhams en 2007, dont près de la moitié (1,8 milliard) au titre des contrôles sur pièces. Les rappels d’impôts (recouvrés) représentent près de 5% des recettes des taxes gérées par la Direction générale des Impôts (DGI).
Sur un total de 5,07 milliards de dirhams de redressements infligés par ses inspecteurs, le Fisc a recouvré la moitié, soit 2,072 milliards. C’est 29,4% de plus par rapport à l’exercice précédent. Et une confirmation d’une tendance amorcée depuis cinq ans: la prédominance des accords transactionnels: 97,7% des droits réclamés par le Fisc ont été recouvrés suite à des accords avec le contribuable. En échange de l’abandon d’une partie des pénalités assorti d’une caution garantissant la créance du Trésor, le contribuable s’engage à régler les rappels d’impôts sur la base d’un échéancier convenu en commun. Il s’agit là d’une évolution sensible des rapports entre les deux parties. Pour des raisons différentes, aucune d’entre elles ne semble miser sur un long contentieux à l’issue incertaine.

2.192 saisines de tribunaux

Mais, paradoxalement, cela n’a pas entraîne un reflux du volume des «dossiers» en instance d’apurement à la Commission nationale de recours fiscal (CNRF). A fin décembre 2007, il restait encore 2.698 affaires à traiter, soit une baisse de 4,1%. Cela pose par ailleurs la question de la diligence de l’examen des affaires soumises à cette instance et de l’efficacité de son fonctionnement. En aparté, tous les spécialistes dénoncent l’absentéisme chronique des représentants du monde des affaires aux délibérations de cette commission. Par contre, même si elles restent à un niveau élevé, les saisines de tribunaux -2192 dossiers en 2007- enregistrent un recul de 7% par rapport à 2006. S’il est trop tôt pour en conclure au rééquilibrage des rapports de force, la propension à aller devant la justice marque un changement dans le comportement du contribuable. Selon le rapport de la Direction générale des impôts, 4 dossiers sur 5 soumis au tribunal relèvent du contentieux normal, même s’il se murmure que le Fisc n’aime pas trop être traîné devant le juge.
Le tableau de chasse de l’analyse des déclarations fiscales «au bureau» renseigne sur l’efficacité de la qualité du contrôle. Mais bien des experts sont plus nuancés: «L’idéal serait de rapprocher l’écart entre ce que rapporte l’impôt de ce qui échappe au Trésor».
Un exercice qui relève d’une équation insoluble tant personne n’a aujourd’hui la moindre idée de l’ampleur de l’évasion fiscale même si le déficit structurel de plus de 60% des bilans déposés au Fisc en est un indicateur. De même que le fait que l’amélioration du rendement de l’IR soit quasiment le fait du prélèvement à la source sur les fiches de paie. L’IR sur salaire, prélevé à la source, contribue à hauteur de 75% des recettes de l’impôt sur le revenu.
L’amélioration du contrôle sur pièces permet au Fisc de concentrer l’énergie de ses équipes sur les dossiers de «haute importance» (financièrement) et d’affiner l’analyse de risque. C’est une des lectures qui ressortent du bilan des contrôles fiscaux que vient de publier la Direction générale des impôts (DGI). Deux autres constances s’en dégagent: hors impôts dits de «constatation», le contentieux est lié, dans la majorité des cas, à la demande de la révision des taxations d’office, un procédé que redoutent les entreprises. La taxation d’office est pour l’inspecteur des impôts ce que l’arme nucléaire est pour la stratégie de défense des Etats. La règle est qu’on n’y recourt qu’en dernier ressort et en cas de mauvaise foi avérée du contribuable. Or, à en croire les praticiens qui assistent les PME, les vérificateurs du Fisc ont souvent la main lourde en abusant de la taxation d’office pour la moindre faille relevée durant leurs investigations.
Si, année après année, les vérifications fiscales ont gagné en qualité, elles sont encore insuffisantes sur le plan quantitatif, concèdent les responsables de l’administration fiscale. D’où l’idée explorée à l’état-major de la DGI, celle de lancer des contrôles ponctuels mais plus fréquents qui soient focalisés sur un aspect particulier (facturation, stocks, par exemples). Reste à passer l’obstacle de la résistance des organisations patronales. Cette formule présente l’avantage d’être une arme de dissuasion plus efficace contre la tentation de fraude ou d’éluder l’impôt.
Outre l’affinement de la programmation et de l’analyse du risque, le management de l’administration explore également la piste de la suppression ou, au moins, la révision du régime du forfait. Pour l’instant, la tentative de baisser le seuil d’assujettissement au forfait dans le projet de loi de Finances 2009 s’est heurtée aux résistances du lobby des petits commerçants. Par ailleurs, la réflexion d’introduire les mécanismes de lutte contre l’abus de droit dans la doctrine fiscale est aussi avancée. Il s’agit pour l’administration de se doter des moyens de lutter contre des montages complexes réalisés au seul but d’échapper à l’impôt. La course contre la montre ne fait que commencer.


Plusieurs déclinaisons

Contrôle sur pièces: l’administration s’assure d’une part que tous les contribuables ont respecté leurs obligations déclaratives et que leurs déclarations ne présentent pas d’erreurs ou d’incohérences.

Contrôle sur place: plus approfondi, il porte sur la vérification de comptabilité de l’entreprise en vue d’apprécier les déclarations souscrites.

Examen d’ensemble de la situation fiscale: il concerne les personnes physiques et vise à contrôler la cohérence entre le revenu déclaré et la situation des dépenses autres que professionnelles. Cet examen permet à l’administration d’évaluer le revenu global du contribuable à partir de certaines dépenses réelles ou indiciaires, expressément et limitativement énumérées par la loi dès lors que le montant annuel de celles-ci est supérieur à 120.000 dirhams.

Abashi SHAMAMBA

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