En effet, le Maroc n’a pas encore adopté une loi spécifique en la matière. Pourtant, un projet de loi sur la protection des consommateurs avait été élaboré en 2000, lorsque Me Youssoufi siégeait encore à la Primature.
Huit ans après, cette loi n’a pas encore vu le jour. On demeure toujours sans explications sur les motifs de ce retard. Plusieurs associations de protection des consommateurs affirment que des changements ont été apportés au projet de loi par les équipes gouvernementales successives. «Depuis 2000, plusieurs moutures du projet ont été concoctées par les différents ministres qui ont siégé au ministère de l’Industrie et du Commerce.
En effet, l’actuelle version est beaucoup plus versée sur les transactions commerciales que sur la protection du consommateur d’une façon générale. On déplore l’insertion de certains articles qui privent les associations de protections du consommateur d’ester en justice», déclare Kherrati Bouazza, président de l’AMPOC (Association marocaine de protection des consommateurs).
Les responsables au ministère de l’Industrie et du Commerce affirment que les textes du projet sont le résultat d’un large travail de concertation avec l’ensemble des départements ministériels, des associations de protection des consommateurs, des organisations et Chambres professionnelles.
Cette loi devrait protéger le consommateur contre certaines pratiques commerciales. Par ailleurs, les dispositions de ladite loi permettraient d’annuler les clauses abusives des contrats et d’améliorer les conditions de garantie sur les produits. Le dernier examen du projet de loi par le Conseil de gouvernement remonte au 21 décembre 2006.
A l’issue de cette réunion, le conseil avait décidé de poursuivre l’examen du projet de loi précité et de saisir les organisations et institutions concernées par la protection du consommateur. Selon un responsable, plusieurs réunions ont été tenues au courant de l’année 2007 avec les représentants du mouvement consumériste marocain, les représentants de l’Association professionnelle des sociétés de financement et la Fédération des Chambres de commerce, d’industrie et de services.
Cependant, les associations de protection des consommateurs ont relevé plusieurs remarques concernant la dernière version du projet de loi. «Le projet de loi, sous sa forme actuelle, enregistre un recul manifeste par rapport aux précédentes versions de ce projet circulant depuis huit ans entre différents départements ministériels.
Selon l’article 151 du projet, seules les associations de consommateurs reconnues d’utilité publique peuvent intenter une action en justice pour la défense des intérêts desdits consommateurs. Actuellement, aucune association de consommateurs au Maroc n’est reconnue d’utilité publique», ajoute Dr Kherrati.
Pour leur part, les responsables marocains veulent «dynamiser» l’action des associations de consommateurs à travers la réalisation d’activités de proximité et le développement d’une assistance directe au profit des consommateurs. A ce sujet, un projet a accompagné, sur la base d’un cahier des charges, quatre associations dans la mise en place des guichets conseils.
Ces structures ont pour objectif d’informer, de sensibiliser, d’assister le consommateur. Cette opération a été réalisée par le biais d’une expertise internationale qui a assuré la mise en place et la formation des membres associatifs chargés de la gestion de ces guichets et à la réalisation des prestations de conseil et d’orientation des consommateurs. Ainsi, quatre guichets consommateurs ont été créés au niveau des associations, de Kénitra, d’El Jadida, d’Essaouira et d’Oujda.
Le premier guichet a été inauguré le 30 juin 2007 à Oujda. Dans un autre registre, le Maroc a entamé, dans le cadre du projet de jumelage avec l’Union européenne : «Appui juridique et institutionnel à la protection des consommateurs», la création d’une banque de données juridiques sur la consommation et la protection du consommateur.
Cette banque va regrouper les textes de loi en vigueur, la jurisprudence et des fiches pratiques. Au cours de l’année 2007, la cellule consommation a regroupé et a analysé plus de 300 textes juridiques en identifiant les dispositions relatives aux droits des consommateurs et en procédant à leur classification par produits, services et pratiques commerciales.
Ainsi, plusieurs dispositions prévues par le projet de loi sont en cours de réalisation avant même son entrée en vigueur. Un projet de loi qui a déjà la particularité d’être resté dans les dédales du gouvernement pendant huit années. Une première.
Un Centre national
Selon les responsables au ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles technologies, le Centre national de la consommation sera prochainement créé. «Ce centre constituera une plateforme de collaboration et de concertation entre l’entreprise, les associations des consommateurs et les départements concernés», indique un communiqué du ministère.
Il aura pour mission notamment de mettre en place un système d’information permettant l’alerte rapide sur les produits alimentaires à risque ou non-conformes et de développer des outils d’information, d’éducation et de sensibilisation du consommateur. Les responsables affirment être en train d’étudier avec la représentation de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (F.A.O.) au Maroc, la possibilité d’appuyer le lancement de l’étude de faisabilité dudit centre. Une convention de partenariat a été signée avec la FAO pour la réalisation de l’étude. La réalisation du projet sera étalée sur 18 mois. Les experts de la FAO permettront notamment de concevoir un système d’alerte rapide sur les produits dangereux.
Par Mohamed BADRANE | LE MATIN
Source : http://www.lematin.ma