LA multiplication des cas de spoliation foncière a remis sur la table la question de la sécurité de la propriété privée. La lettre royale a sonné comme un rappel à l’ordre, appelant à une tolérance zéro dans la lutte contre ce phénomène. L’Agence de la conservation foncière est en première ligne dans ce combat. «Nous mobilisons tous les moyens techniques et humains, notamment à travers la modernisation du système d’information, décisif dans la lutte contre la spoliation», a expliqué Karim Tajmouati, DG de l’Agence de la conservation foncière, qui était l’invité de nos confrères d’Assabah.
Concrètement, cette instance lance un grand chantier de dématérialisation de ses procédures, qui s’inscrit dans le cadre de son plan de restructuration. Objectif: renforcer davantage le dispositif de sécurisation de la propriété privée. Cela se fera-t-il au détriment du droit d’accès à l’information? L’Agence a été critiquée par plusieurs citoyens, l’accusant de bloquer l’accès à sa base de données. Pour Tajmouati, il est essentiel de «trouver un équilibre entre le droit d’accès à l’information et celui de protection des données personnelles».
Pour l’instant, seuls les notaires ont accès à ces informations. «Des réunions avec les professionnels ont permis de définir le périmètre de données dont ils ont besoin pour produire leurs actes», a-t-il fait savoir. Plus de 750 notaires, utilisant cette base de données disposent de codes d’accès modifiables mensuellement. «Ce qui les responsabilise en termes de confidentialité», est-il indiqué. Aujourd’hui, l’augmentation du volume des transactions a nécessité une reconfiguration des mécanismes opérationnels de cette Agence. «Le rythme de production de la conservation foncière a évolué de 32%, avec les mêmes ressources humaines, au moment où les documents traités se sont complexifiés», a expliqué le patron de l’Agence. Le processus de dématérialisation permettra également de limiter les cas de complicité dans les affaires de spoliation.
Après l’évaluation de la première étape de refonte du système d’information, une nouvelle phase sera lancée. «Dans 3 mois, les citoyens pourront bénéficier d’un accès à la plateforme pour consulter les données relatives aux titres dont ils sont propriétaires», promet Tajmouati. Un nouveau mécanisme de suivi permettra aussi de verrouiller le système face aux tentatives de violation de la propriété privée. «D’ici mai, nous allons déployer un nouveau service, destiné aux citoyens et aux opérateurs économiques. Ils seront automatiquement alertés par sms ou par e-mail, dès qu’une transaction est faite sur un bien lui appartenant, ne serait-ce qu’une consultation», a-t-il fait savoir. Ce processus de dématérialisation s’inscrit au cœur du chantier de reconfiguration du fonctionnement de l’Agence de conservation foncière.
«L’essentiel des services et prestations se fera en ligne en fin 2017, début 2018». Ce qui devra faciliter la vie à plusieurs professionnels. Les notaires et les ingénieurs géomètres et topographes ne devront plus se déplacer à la conservation foncière ou au service de cadastre. «L’essentiel des documents sera téléchargeable sur le site», selon le patron de cette Agence. Cela concerne la consultation des titres fonciers et des dossiers cadastraux, la gestion des commandes des certificats de propriété et des produits topographiques, le calcul de contenance… Les professionnels pourront aussi faire le dépôt et le suivi en ligne de leurs dossiers. «Ce chantier est déjà lancé», a précisé Tajmouati. Il a avancé que les premiers services dématérialisés seront effectifs dès avril prochain. Pour lui, ce passage permettra d’atténuer l’engorgement du réseau de la conservation foncière. «Les fonctionnaires devront intervenir désormais sur des questions à plus forte valeur ajoutée, notamment en termes de conseil, au lieu de rester submergés par des tâches récurrentes», a-t-il dit. Pour les usagers, le gain devra se mesurer en termes de renforcement de la transparence et de réduction des délais de traitement des dossiers.
Archives digitales
LE virage numérique de l’Agence de la conservation foncière concerne également les archives. Ces documents empilés dans les locaux de cette instance constituent la principale garantie de la propriété privée. Aujourd’hui, l’Agence de la conservation foncière a déjà numérisé plus de 120 millions de documents. Ses responsables ambitionnent d’aboutir à 200 millions de documents digitalisés à fin 2017. «A partir de 2018, les conservateurs travailleront directement sur les dossiers numérisés. Ce qui se traduira par une baisse considérable des documents physiques», a annoncé Karim Tajmouati. Néanmoins, ces actes numérisés n’ont pas la même valeur juridique. «Mais ils permettent d’avoir une trace et d’enclencher la procédure de reconstitution en cas de destruction des documents physiques», a-t-il expliqué.
Mohamed Ali Mrabi
http://www.leconomiste.com/article/1008094-conservation-fonciere-dematerialiser-pour-mieux-sécuriser